Homélie du premier dimanche de l’Avent - Année B

5 décembre 2017

« Veillez, car vous ne savez pas quand vient le maître de la maison »

Écouter l’homélie

Frères et soeurs bien-aimés,

vous le savez bien avec ce premier dimanche de l’Avent, nous commençons une nouvelle année liturgique. Et c’est sous le rapport au temps que nous est donné cet évangile.

Au fond, vivre l’Avent, c’est vivre un certain rapport au temps, que ce soit dans cette période qui précède Noël, ou de façon générale. Quelle est ma manière d’envisager ce rapport avec le temps ?

Nous avons ici quelques clés à travers l’évangile.

D’abord même si tout pouvoir a été donné au serviteur, et on pense aussi à ce pouvoir qui a été donné au Christ, un pouvoir n’a pas été donné à ce serviteur, c’est celui de dominer le temps. Quelque chose échappe au serviteur : le moment du retour du maître. Nous sommes invités à vivre cet période de l’Avent dans une certaine attente, c’est le temps de la patience, qui n’est pas sous notre contrôle. La patience est souvent difficile, c’est faire que notre volonté ne s’accomplisse pas en temps et en heure.

Savoir attendre. Attendre le retour de Dieu, attendre le moment où il reviendra, c’est tout l’inverse de la logique du monde qui est « maintenant, tout de suite. » On va nous demander pendant ce temps de l’Avent de dépenser tout de suite, alors que l’Avent est le temps du dépouillement, le temps du pauvre, le temps de la Vierge Marie, le temps de Jean-Baptiste. Le pauvre est celui qui a besoin de tout demander à Dieu, qui a les mains ouvertes, vides, et attend quelque chose de Dieu.

Où en sommes-nous de cette attente ? Sommes-nous des personnes repues ? Notre monde matérialiste nous invite beaucoup à nous repaître de choses matérielles. Mais dans notre manière de voir la vie, nous sommes dans l’accueil d’une certaine pauvreté, d’un certain dépouillement.

Comment gérons-nous par exemple les contre-temps ? Les choses qui nous échappent ? Comment gérons-nous le manque ? De façon paisible ou au contraire avec une toute-puissance qui veut que cela se fasse en temps et en heure, comme nous le voulons et au moment où nous l’avons décidé ? Comment vivons-nous la limite, dans les relations, dans la vie professionnelle, dans la vie de famille ? L’éducation c’est aussi transmettre à l’autre que l’accueil de la limite n’est pas forcément une menace.

Tout cela est un changement intérieur, un changement du coeur. Ce temps de l’Avent est un temps de conversion, pour s’appauvrir intérieurement et demander au Seigneur qu’il nous donne d’être « tendu vers ». Ce qui nous permet de rester éveillés, ce sont souvent des moments où nous sentons nos limites, nos pauvretés, de façon plus insistante.

Veillez et priez pour ne pas entrer en tentation.

Veiller et prier, nous le retrouvons aussi au moment de la Passion, quand les disciples s’assoupissent. Cette humanité qui est parfois lourde à porter fait que nous n’avons pas cette ardeur intérieure.

Le temps de l’Avent est le temps du désir. Où en sommes-nous de ce désir qui nait d’une pauvreté ? Si nous n’avons pas de désir, nous sommes comblés de tout. Les chasubles violettes que nous portons aussi pendant le Carême sont le signe de ce dépouillement, d’une certaine pénitence, pénitence joyeuse parce que nous allons vers l’attente d’une naissance, mais qui fait que nous vivons cette manière d’envisager le temps de façon plus apaisée et plus confiante. Lorsque nous contrôlons tout, et la société nous pousse à le faire, nous vivons dans l’angoisse parce que des choses nous échappent. Alors que vivre dans une attente en acceptant le manque c’est vivre dans une confiance. Cela demande un vrai changement du coeur.

Ce temps de l’Avent nous permet de regarder ce qui nous échappe de façon différente et plus apaisée : cela n’échappe pas à Dieu. Le temps est d’abord le temps de Dieu, le Kaïros, et pas seulement le temps de la montre, le Chronos. Ce temps de Dieu est le temps de la rencontre, de cette rencontre à laquelle nous nous préparons, notre vie entière est un grand Avent qui nous prépare à la mort, rencontre avec Dieu, à la vie éternelle.

Le chrétien vit une certaine tension dans cette manière d’envisager le déroulement du temps. Il y a le déjà et le pas encore. Le Royaume de Dieu est déjà là au milieu de nous, mais pas encore dans la plénitude et dans le face à face. Acceptons cet inconfort, l’Avent nous fait sortir dans cette zone de confort et de tranquillité pour veiller, dominer le temps ne nous a pas été donné, ni le moment de la rencontre avec le Maître.

Demandez au portier de veiller.

Le portier, c’est l’Église, tout pouvoir a été donné à l’Église en terme de miséricorde, elle a cette fonction de rappeler que la personne humaine est d’abord un pauvre qui attend. Alors que le monde agit par distraction, Dieu agit par attraction, il nous attire à lui. Faut-il aussi que nous restions dans cette forme de disponibilité, de présenter à Dieu notre béance intérieure que nous ne pouvons pas combler nous-mêmes. C’est seulement le face à face avec Dieu qui peut répondre à la soif du coeur.

Le temps de l’Avent est le temps marial par excellence, nous fêterons Marie le 8 décembre, c’est le temps où nous faisons mémoire aussi de cette Annonciation que Marie a reçue, cette attente de Marie, mère des pauvres, qui a vécu dans une humilité et une simplicité ce temps de l’attente et la vie qui échappe par rapport à ses propres plans à elle.

Dans nos vie il y a beaucoup de « Comment cela se fera-t-il ? », nous avons des désirs, mais comment les accomplir ? Comment savoir si ce sont les bons désirs ? L’Avent est le temps du discernement, discerner l’appel de Dieu, comment le Seigneur va travailler notre coeur. Vivons ce temps avec sérieux, ne nous laissons pas entraîner dans la consommation. C’est un temps doux aussi, la nature se recueille avec l’hiver qui approche, les jours qui raccourcissent.

Voici le temps du long désir
Où l’homme apprend son indigence,
Chemin creusé pour accueillir
Celui qui vient combler les pauvres.

Pourquoi l’absence dans la nuit,
Le poids du doute et nos blessures,
Sinon pour mieux crier vers lui,
Pour mieux tenir dans l’espérance ?

Et si nos mains, pour t’appeler,
Sont trop fermées sur leurs richesses.
Seigneur Jésus, dépouille-les
Pour les ouvrir à ta rencontre.

Amen !


Références des lectures du jour :

  • Livre d’Isaïe 63,16b-17.19b.64,2b-7.
  • Psaume 80(79),2-3bc.15-16a.18-19.
  • Première lettre de saint Paul Apôtre aux Corinthiens 1,3-9.
  • Évangile de Jésus-Christ selon saint Marc 13,33-37.

Prenez garde, restez éveillés : car vous ne savez pas quand ce sera le moment.
C’est comme un homme parti en voyage : en quittant sa maison, il a donné tout pouvoir à ses serviteurs, fixé à chacun son travail, et demandé au portier de veiller.
Veillez donc, car vous ne savez pas quand vient le maître de la maison, le soir ou à minuit, au chant du coq ou le matin ; s’il arrive à l’improviste, il ne faudrait pas qu’il vous trouve endormis.
Ce que je vous dis là, je le dis à tous : Veillez ! »