Homélie du quatrième dimanche de Carême

15 mars 2021

« Celui qui fait le mal déteste la lumière : il ne vient pas à la lumière, de peur que ses œuvres ne soient dénoncées ; mais celui qui fait la vérité vient à la lumière, pour qu’il soit manifeste que ses œuvres ont été accomplies en union avec Dieu. »

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Texte de l’homélie :

Chers frères et sœurs, comme certains d’entre nous en font l’expérience, c’est parfois un casse tête de savoir comment éduquer ses enfants. Et la Bible, si son contenu est immense, propose un manuel d’éducation indémodable !
Ainsi, je me permettrai de faire ici le rapprochement entre quelques faits personnels et la manière dont le Seigneur éduque Son peuple selon ce qui est rapporté dans l’Écriture.

Nous avons entendu cette très belle lecture du livre des Chroniques dont les dernières pages relatent comment se termine la royauté en Juda. Enfants, voyez comment les parents vous éduquent…

La plupart du temps, ils vous disent : « Fais pas ci ! Fais pas ça !… » Et ce sont comme des avertissements, et c’est souvent énervant. Mais, ça a le mérite d’être dit : on sait quelle est la limite.
Et ce qu’il est important de voir, c’est que, avant de nous avertir, le Seigneur veut nous donner beaucoup de choses.

Les avertissements réguliers

C’est aussi le cas de vos parents : ils vous donnent tout ce qu’il vous faut pour vivre : un toit, de quoi manger et parfois on ne s’en rend même pas compte, comme tout cela nous était dû.
Vos parents vous donnent leur affection, de quoi faire du sport et de bonnes études, etc…
Et c’est comme ça que Dieu a éduqué Adam et Eve : pour commencer, Il leur a donné rien de moins qu’un Paradis. Que peut-on espérer de mieux ? C’est la manière dont le Seigneur procède.

Entre Dieu et Son peuple, c’est la même chose. Certes, il y a eu bien de histoires après le Paradis, il y a eu la chute et la captivité en Égypte. Et le Seigneur promet de lui donner un terre, de lui donner un roi, un temple… voilà tout ce que le Seigneur donne à Son peuple. C’est magnifique ! Mais voilà que le peuple s’il s’en réjouit, veut garder tout cela pour lui. Il va se mettre à maltraiter la terre et à faire n’importe quoi avec les rois : ils ne sont pas très recommandables, et les bons se compte sur les doigts d’une main…

Ce peuple va être si perverti qu’au moment où les problèmes politiques surgiront, les rois recommenceront à imiter les cultes païens, allant jusqu’à retomber dans les sacrifices d’enfants, ce qui était le plus terrible, et ce que Dieu ne voulait en aucun cas !
Et pourtant, l’on voit les dernières lois qui font passer les enfants par le feu pour obtenir les bonnes grâces d’on ne sait quel Dieu. C’est l’idolâtrie dans ce qu’elle a de plus horrible…

Alors, Dieu avertit, et comme le dit le texte des Chroniques :

« Dieu envoie ses prophètes… »

Mais voilà que les prophètes sont méprisés. De la même façon, il peut nous arriver de ne pas écouter la parole de nos parents, disant qu’ils peuvent toujours parler, nous ferons bien ce que nous voudrons !

Et le texte poursuit de cette façon :

« Il n’y eu plus de remède à la colère grandissante du Seigneur. »

Chers jeunes, quelle est pour vous la pire des punitions ? Est-ce d’être privé de dessert, de console ou de sortie ? tout cela, peut-être ?
Pour ma part, une des pires privations que ma mère pouvait m’infliger, quand j’avais fait tant de bêtises que je l’avais vraiment mise en colère, elle me disait : « Fais ce que tu veux ! ». C’était terrible ! Je me retrouvais devant mes propres choix, mes propres limites, mon propre péché, et que je devais me débrouiller tout seul.

Voyez, c’est ce que Dieu fait avec Son peuple : Il ne le châtie pas. Il lui dit que s’il veut faire sa vie sans Lui, qu’il la fasse ainsi. En d’autres termes, Il dit à son peuple : « Je ne fais que te livrer à ce que tu veux : au mécanisme de la politique, aux rapports de force, sans moi ! ».
Et arrive ce qui doit arriver : certains peuples sont beaucoup plus forts qu’Israël, et notamment Babylone qui déferle sur Israël, le déporte, l’emmène en captivité, et c’est la fin de l’autonomie politique.

N’est-ce pas le pire des châtiments qui puisse nous être infligés ? Saint Paul le dit avec ces mots :

« Il les a livrés à leurs propres convoitises. »

La solitude face à son malheur

C’est finalement terrible d’avoir ce que l’on veut, et d’être si entêté que Dieu ne puisse s’y opposer, ayant comme seule possibilité de nous dire de faire selon notre volonté.
C’est magnifique à la fois, parce que c’est aussi ce que fait le père du fils prodigue. Dans ce dialogue, il lui dit : « Tu veux ton héritage ? prends-le ! Je ne vais pas t’en empêcher. Fais ce que tu veux, va jusqu’au bout de ton péché, et on verra ce qu’il va se passer. Ce n’est pas moi qui te livre à ton péché, c’est toi seul. »

Pour nous qui avons une mission d’éducation, pour vous, parents, c’est important de ne pas vouloir à tout crin protéger les jeunes contre eux-mêmes. Il y a un moment où ils vont devoir se « rencontrer » avec leur propre logique et leurs propres choix. Nous avons fait ce que nous avons pu, mais ils sont libres devant Dieu.

Ainsi, le seul moyen que nous avons de sortir de cette difficulté est de voir le malheur en face, même si c’est difficile. Et c’est ce qu’il se passe pour le peuple : il est en captivité, privé de son autonomie, et il va se mettre à penser. Un grand malheur fait parfois réfléchir, c’est ce que nous avons vu avec le film Dieu n’est pas mort, avec cette jeune-femme audacieuse et entrepreneuse qui veut conquérir le monde avec son compagnon et qui ont beaucoup d’argent, et voici qu’un cancer se déclare. Elle doit tout recalculer sa vie à partir de là : « Je vais bientôt mourir. »
Et, son rapprochement à Dieu va se dessiner plus précisément à cause de cette épreuve.

Voici la pédagogie divine : après les avertissements, il y a l’expérience d’être livré à soi-même.
Selon ce qui nous est dit dans le livre des Chroniques, il y a aussi un troisième point : au bout d’un certain temps, un personnage va intervenir en la personne de Cyrus. Cette histoire ressemble à celle de l’intervention américaine en 1944, venue pour nous libérer.

La libération inespérée

En effet, Cyrus est le libérateur d’Israël : il va les délivrer non pas du joug nazi mais du joug de Babylone. Il y a tout de même une différence c’est que, pour les Juifs, Cyrus est un païen, un incirconcis qui ne connaît rien à la loi de Dieu. Et Cyrus va parler comme Salomon, il va reprendre les mêmes termes. Vous souvenez-vous de ces paroles ?

« Le Seigneur m’a comblé des royaumes de la terre, Il m’a ordonné de lui bâtir une maison. »

Et Cyrus va demander au peuple de monter à Jérusalem, de bâtir le temple, et il lui indique même où est le lieu de Jérusalem, comme s’il avait oublié :

« Monte à Jérusalem en Juda… »

Lui, le païen, il situe le lieu saint comme pour le rappeler à Israël : « Je vais te rappeler ta foi, je vais te rappeler tes racines. »
Comme c’est important pour nous de savoir accueillir la vérité d’où qu’elle vienne, y compris du monde !

Quelques temps après la guerre, Albert Camus - lui qui n’était pas Chrétien – demandait dans un lettre ouverte aux Chrétiens d’être fidèles à leur identité. Ce que le monde attend des Chrétiens, c’est qu’ils parlent avec haute et claire voix, qu’ils portent leur condamnation pour que jamais le doute ne s’insinue dans les cœurs.

Pour vous, chers jeunes, cela peut être un camarade non Chrétien qui vous interroge sur votre manière de traiter vos parents, et cela peut nous déranger, nous qui avons le quatrième commandement :

« Tu honoreras ton père et ta mère. »

Cela peut aussi être des avis de la presse que l’on met volontiers à la poubelle qui disent des choses juste et qui nous font réagir. Il ne faut pas trop vite se considérer indemne des paroles que le monde peut nous adresser.

Une dernière chose à remarquer dans cette pédagogie divine est le rapport à la vérité.

Accepter de contempler la Croix pour guérir du péché

Toujours, quand j’étais enfant, je jouais avec mon frère aux petites voitures et nous faisions des circuits. Je ne sais plus ce qui nous avait passé par la tête mais un jour, nous avons produit un grand nombre d’accidents particulièrement violents avec une telle force que bon nombre d’entre-elles ont explosé et il n’en est resté que des petits morceaux.
Ma mère n’a rien dit. Elle a simplement ramassé les éclats des voitures sur ce petit coin d’escalier en pierre, elle a rassemblés dans notre chambre au milieu d’un grand cercle avec une pancarte indiquant : « Voilà ce que vous avez fait. » ça aussi, c’était terrible.

Voici la pédagogie de Dieu. Vous l’aurez compris, c’est à une tout autre échelle que le Seigneur procède dans notre vie, mais cette Croix, le serpent d’Airain ne sont-ils pas la manifestation du mal ? Non pas le mal que Jésus a fait, bien sûr, mais le mal que nous Lui avons fait ?
Voilà ce qu’est le mystère de la Croix : il révèle mystère d’iniquité, comme le dit Saint Paul, le mystère d’injustice et de cruauté qui sommeille dans le cœur de l’homme, dans le cœur de chacun d’entre nous, pour nous le manifester personnellement parce que nous en voulons pas le voir. Et si nous ne le voyons pas, nous ne serons pas guéris. Si nous ne levons pas les yeux vers le serpent d’Airain, nous resterons dans notre péché.

Il faut alors des moments où nous acceptons de voir notre péché, et le Carême est un moment particulier pour vivre cela. La contemplation de la Croix peut nous y aider.
Mais en même temps que se révèle l’iniquité de l’homme, se révèle la bonté de Dieu. Il ne nous révèle cette iniquité que pour manifester Sa miséricorde, sinon, Il ne le ferait pas, ce serait mortifère.

Il veut simplement aller nous chercher au plus profond et ramener notre cœur vers Lui. Maxime le confesseur disait à propos de ce dépouillement extrême du Christ :

« Seule l’immense Kénose de Dieu peut vaincre le cœur de l’homme. »

Ainsi, pour ces quelques jours de Carême qu’il nous reste encore à parcourir, n’hésitons pas à regarder la Croix, à la regarder vraiment. Il y a des moments où ça nous fait du bien.

Regardez aussi le Crucifié, Lui qui est remis entre les mains de Sa mère : « Voici ce que nous avons fait… » et surtout « Voici ce qu’Il a fait pour nous ! »
Et c’est ainsi que ainsi que nous pourrons basculer dans leur camp,

Amen !


Références des lectures du jour :

  • Deuxième livre des Chroniques 36,14-16.19-23.
  • Psaume 137(136),1-2.3.4-5.6.
  • Lettre de saint Paul Apôtre aux Éphésiens 2,4-10.
  • Évangile de Jésus-Christ selon saint Jean 3,14-21 :

En ce temps-là, Jésus disait à Nicodème : « De même que le serpent de bronze fut élevé par Moïse dans le désert, ainsi faut-il que le Fils de l’homme soit élevé, afin qu’en lui tout homme qui croit ait la vie éternelle.
Car Dieu a tellement aimé le monde qu’il a donné son Fils unique, afin que quiconque croit en lui ne se perde pas, mais obtienne la vie éternelle.
Car Dieu a envoyé son Fils dans le monde, non pas pour juger le monde, mais pour que, par lui, le monde soit sauvé.

Celui qui croit en lui échappe au Jugement ; celui qui ne croit pas est déjà jugé, du fait qu’il n’a pas cru au nom du Fils unique de Dieu.
Et le Jugement, le voici : la lumière est venue dans le monde, et les hommes ont préféré les ténèbres à la lumière, parce que leurs œuvres étaient mauvaises.
Celui qui fait le mal déteste la lumière : il ne vient pas à la lumière, de peur que ses œuvres ne soient dénoncées ; mais celui qui fait la vérité vient à la lumière, pour qu’il soit manifeste que ses œuvres ont été accomplies en union avec Dieu. »