Homélie du troisième dimanche de Pâques

19 avril 2021

Alors il ouvrit leur intelligence à la compréhension des Écritures. Il leur dit : « Ainsi est-il écrit que le Christ souffrirait, qu’il ressusciterait d’entre les morts le troisième jour, et que la conversion serait proclamée en son nom, pour le pardon des péchés, à toutes les nations, en commençant par Jérusalem. À vous d’en être les témoins. »

Écouter l’homélie

Texte de l’homélie

Chers frères et sœurs, pour ce troisième dimanche de Pâques, l’Église nous propose encore un évangile qui relate une apparition de Jésus ressuscité. La résurrection de Jésus est un mystère tellement central dans notre foi chrétienne qu’il n’est pas superflu de méditer une fois de plus sur le sujet.
Je le ferai en me référant aussi à d’autres passages d’évangile pour montrer comment cette foi en Jésus ressuscité s’est enracinée chez les apôtres. Je ferai cela en prenant pour ainsi dire trois étapes :

  • accueillir les préliminaires que sont le tombeau vide et les apparitions de Jésus,
  • intégrer le scandale de la souffrance et de la Croix,
  • se familiariser avec la Résurrection.

Accueillir les préliminaires : le tombeau vide et les apparitions

Ce premier pas consiste à ne pas botter en touche tout ce qui met à l’épreuve notre rationalisme mais à l’accueillir sans avoir tout de suite une explication. Il s’agit d’accepter d’être perplexe et de ne pas avoir réponse à tout.

Le tombeau vide

C’est très concret et cela a quelque chose de brutal auquel on ne peut se soustraire, qu’on ne peut contourner : le corps n’est plus dans le tombeau. C’est le premier pas qui oblige à trouver une explication. De fait, l’explication la plus spontanée est que quelqu’un soit venu enlever le corps (cf. Jn 20,13). C’est l’explication que les pharisiens ont demandé aux gardes de colporter (Mt 28,11-15).
Bien sûr, ce n’est pas une preuve directe de la résurrection mais cela a constitué pour les disciples un signe essentiel (CEC 640). Qu’est-ce que je fais de cette nouvelle qui me déconcerte ?

Les apparitions de Jésus

Le deuxième préliminaire, ce sont les apparitions de Jésus (cf. CEC 641ss). Les apparitions sont relativement nombreuses : Marie-Madeleine et les saintes femmes (cf. Mt 28,9-10 ; Jn 20,11-18), Saint Pierre et les autres apôtres (cf. 1 Co 15, 5). Saint Paul parle même de plus de cinq cents personnes auxquelles Jésus est apparu en une seule fois, en plus de Jacques et de tous les apôtres (cf. 1 Co 15, 4-8).

Dans bien des situations, Jésus ressuscité apparaît mais ils ne le reconnaissent pas tout de suite : c’est le cas de Marie-Madeleine le matin de Pâques, des disciples d’Emmaüs qui cheminent un bon moment avant de reconnaître Jésus, des disciples partis à la pêche, et encore dans l’évangile de ce jour.

Ils sont assez déroutés par sa manière d’apparaître. Dans l’évangile de ce jour, Jésus les invite à voir ses mains et ses pieds, à le toucher. Il mange même une part de poisson grillé pour montrer qu’il n’est pas un ectoplasme. Clairement, cela ne se passe pas dans leur imagination ; il y a une vraie réalité dans ces apparitions. On ne peut nier une expérience directe de la réalité de Jésus ressuscité.

Le rationalisme est tenté d’évacuer cela en parlant d’illusion collective. Mais ce n’est pas très sérieux et c’est une manière de réduire la réalité à ce qui rentre dans notre esprit cartésien.

Intégrer le scandale de la Croix de Jésus (grâce à l’Écriture)

Les disciples d’Emmaüs (le passage d’évangile qui précède immédiatement celui que nous venons d’entendre), tant qu’ils étaient bloqués sur le scandale de la Croix, n’étaient pas en mesure de reconnaître Jésus ressuscité. La foi en la Résurrection va de pair avec la foi aux souffrances rédemptrices de Jésus. Cela forme un unique mystère pascal.

C’est pourquoi Jésus, lorsqu’Il rejoint des disciples d’Emmaüs sur leur chemin, ne leur dit pas d’entrée de jeu : « arrêtez de vous lamenter ; c’est moi, je suis ressuscité. » Dans leur détresse, ils ne sont pas en mesure de recevoir une réponse purement rationnelle. En effet, il faut une ouverture pour pouvoir croire. Et Jésus commence par enlever les obstacles que ces deux hommes ont pour croire.
Leur obstacle principal, c’est : « pourquoi la souffrance et la Croix de Jésus ? ». Ensuite, ils seront en mesure de s’ouvrir à la bonne nouvelle de la Résurrection.

De manière quasi viscérale, un peu comme saint Pierre, nous refusons la Croix. On le voit à ce moment de l’Évangile de Saint Matthieu :

« Quand Jésus commença à montrer à ses disciples qu’il lui fallait partir pour Jérusalem, souffrir beaucoup de la part des anciens, des grands prêtres et des scribes, être tué, et le troisième jour ressusciter, Pierre, le prenant à part, se mit à lui faire de vifs reproches : ’Dieu t’en garde, Seigneur ! cela ne t’arrivera pas.’ » (Mt 16, 21-22)

Ce refus d’intégrer la souffrance et la mort dans le dessein de Dieu nous est tellement viscéral que cela revient souvent dans les textes du Nouveau Testament qui nous parlent de la résurrection. Ils ne le font pas simplement pour dire qu’il faut mourir avant de ressusciter mais pour montrer que la souffrance et la Croix ne sont pas un accident de parcours qui aurait échappé à la volonté de Dieu. Elles font vraiment partie du dessein de Dieu :

« Ne fallait-il pas que le Messie souffrît tout cela pour entrer dans sa gloire ? » (Lc 24, 26)

Pour l’homme, cela demeurera toujours une mystérieuse nécessité.

« À partir de ce moment, Jésus le Christ commença à montrer à ses disciples qu’il lui fallait partir pour Jérusalem, souffrir beaucoup de la part des anciens, des chefs des prêtres et des scribes, être tué, et le troisième jour ressusciter. » (Mt 16, 21)

Cela revient dans la première lecture de ce jour :

« Dieu a ainsi accompli ce qu’il avait d’avance annoncé par la bouche de tous les prophètes : que le Christ, son Messie, souffrirait. » Cela est répété dans l’évangile d’aujourd’hui : « il ouvrit leur intelligence à la compréhension des Écritures. Il leur dit : ’Ainsi est-il écrit que le Christ souffrirait, qu’il ressusciterait d’entre les morts le troisième jour’ ».

Il y a une unité profonde dans le mystère pascal qui nous est rapporté dans le kérygme. En substance le kérygme dit :

« Vous avez tué Jésus ; Dieu l’a ressuscité d’entre les morts, nous en sommes témoins ; convertissez-vous. »

Ce kérygme est le noyau originaire de notre foi chrétienne. On le retrouve aussi bien dans la première lecture que dans l’évangile de ce jour.

La Résurrection n’efface pas la dureté de la passion et de la croix. D’ailleurs Jésus prend soin de montrer ses mains et ses pieds transpercés à ses apôtres : c’était important pour eux et pour nous. De la même manière, le pardon n’efface pas l’offense.

C’est vrai encore pour nous aujourd’hui. Nous aimerions que la foi en la Résurrection nous exonère de la souffrance. La foi ne nous fait pas échapper à la souffrance mais elle nous donne de l’intégrer dans le dessein de Dieu.

Se familiariser avec la résurrection

Le fait de constater que le tombeau est vide et même l’apparition de Jésus n’ont pas convaincu immédiatement les apôtres : ils s’attendaient tellement peu à la Résurrection. Pour eux c’était quelque chose de tout nouveau. La résurrection de Lazare, comme par retour en arrière, ils pouvaient encore se l’imaginer : c’était en quelque sorte une « réanimation ». Mais la résurrection de Jésus est un bond en avant vers une nouvelle manière d’être homme, avec un corps glorieux : cela les dépassait complètement.

Il leur a fallu du temps pour se faire à l’idée. L’Évangile nous dit que les disciples n’ont pas cru les saintes femmes de retour du tombeau et « leurs propos leur ont semblé du radotage » (Lc 24, 11 ; cf. Mc 16, 11.13).
Dans l’évangile de saint Marc en particulier, Jésus « leur reproche leur incrédulité et leur obstination à ne pas ajouter foi à ceux qui l’avaient vu ressuscité » (Mc 16,14). Plus la nouvelle est inattendue, invraisemblable, plus il faut du temps pour la « digérer ».
C’est normal, c’est profondément humain.

Il y a souvent un détail – que l’on doit à la délicatesse de Jésus – et qui fait toute la différence. Pour Marie-Madeleine qui a pris Jésus pour le jardinier (Jn 20), c’est lorsque Jésus l’appelle par son nom. Pour les disciples d’Emmaüs, c’est lorsque Jésus rompt le pain. Pour l’apôtre Thomas incrédule, c’est lorsque Jésus lui montre ses mains et ses pieds.

Apparemment, on pourrait penser qu’après l’apparition au Cénacle, les choses sont claires pour les apôtres. Jésus leur a montré Ses mains et Ses pieds transpercés ; Il a répandu sur eux Son Esprit ; … Mais étonnamment, cela n’a pas encore changé leur vie.
Quelques versets plus loin, les apôtres ont l’air un peu désœuvrés et partent à la pêche (Jn 21, 3). Ils suivent les indications qu’Il leur donne du rivage et c’est seulement au moment de la pêche miraculeuse que Saint Jean reconnaît Jésus. Cela lui rappelle certainement la manière de faire de Jésus dans d’autres circonstances. Il reconnaît Jésus à sa manière d’agir.

Mais même après, une fois qu’ils se retrouvent à terre et que Jésus les invite à manger, Saint Jean fait cette réflexion étrange :

« Aucun des disciples n’osait lui demander : ’Qui es-tu ?’ Ils savaient que c’était le Seigneur. » (Jn 21, 12)

On retrouve la même chose dans l’évangile d’aujourd’hui :

« Dans leur joie, ils n’osaient pas encore y croire, et restaient saisis d’étonnement. » (Lc 24, 41)

Tout cela doit nous aider à ne pas nous étonner si la résurrection de Jésus nous déconcerte encore par bien des aspects. C’est vrai aussi de toutes les « choses » de la foi : plus c’est loin de notre manière ordinaire de penser, plus il nous faut du temps pour l’intégrer.

En conclusion, chers frères et sœurs, je vous invite à vous laisser guider humblement par le Saint-Esprit pour avancer dans la foi. Cela est une invitation à accueillir la réalité telle qu’elle est, même si elle nous déroute au premier abord.
C’est aussi une invitation à intégrer la souffrance et l’échec dans notre cheminement de foi. Et enfin c’est une invitation à nous laisser dépasser par le mystère de Dieu qui nous déconcerte tellement.

La meilleure guide pour ce chemin, c’est la Vierge Marie. Je vous invite donc à vous mettre à son école pour avancer dans la foi,

Amen.


Références des lectures du jour :

  • Livre des Actes des Apôtres 3,13-15.17-19.
  • Psaume 4,2.4.7.9.
  • Première lettre de saint Jean 2,1-5a.
  • Évangile de Jésus-Christ selon saint Luc 24,35-48 :

En ce temps-là, les disciples qui rentraient d’Emmaüs racontaient aux onze Apôtres et à leurs compagnons ce qui s’était passé sur la route, et comment le Seigneur s’était fait reconnaître par eux à la fraction du pain.
Comme ils en parlaient encore, lui-même fut présent au milieu d’eux, et leur dit : « La paix soit avec vous ! »
Saisis de frayeur et de crainte, ils croyaient voir un esprit. Jésus leur dit :
« Pourquoi êtes-vous bouleversés ? Et pourquoi ces pensées qui surgissent dans votre cœur ?
Voyez mes mains et mes pieds : c’est bien moi ! Touchez-moi, regardez : un esprit n’a pas de chair ni d’os comme vous constatez que j’en ai. »
Après cette parole, il leur montra ses mains et ses pieds. Dans leur joie, ils n’osaient pas encore y croire, et restaient saisis d’étonnement.
Jésus leur dit : « Avez-vous ici quelque chose à manger ? »
Ils lui présentèrent une part de poisson grillé qu’il prit et mangea devant eux.
Puis il leur déclara : « Voici les paroles que je vous ai dites quand j’étais encore avec vous : Il faut que s’accomplisse tout ce qui a été écrit à mon sujet dans la loi de Moïse, les Prophètes et les Psaumes. »
Alors il ouvrit leur intelligence à la compréhension des Écritures. Il leur dit :
« Ainsi est-il écrit que le Christ souffrirait, qu’il ressusciterait d’entre les morts le troisième jour, et que la conversion serait proclamée en son nom, pour le pardon des péchés, à toutes les nations, en commençant par Jérusalem.
À vous d’en être les témoins.