Homélie du troisième dimanche de l’Avent

18 décembre 2017

« Au milieu de vous se tient celui que vous ne connaissez pas »

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Pourquoi donc les juifs de l’Evangile n’ont-ils pas accueilli avec joie le Seigneur Jésus qu’ils attendaient par ailleurs avec impatience ? Les lectures de ce jour nous offrent trois pistes qui peuvent nous aider nous-mêmes à ne pas passer à côté de la venue du Seigneur.

Intellectualiser les choses

Il y a d’abord une manière d’intellectualiser les choses qui nous empêche quelquefois de vraiment rencontrer le Seigneur. Pour les juifs, il y a trois hypothèses possibles qu’ils appliqueront ici à Jean-Baptiste mais qu’ils appliqueront à d’autres endroits à Jésus lui-même : « "Au dire des gens, qu’est le Fils de l’homme ?" Ils dirent : "Pour les uns, Jean le Baptiste ; pour d’autres, Elie ; pour d’autres encore, Jérémie ou quelqu’un des prophètes" » (Mt 16, 13-14 ; cf Mt 14, 2). Voici donc les trois hypothèses : soit il est le Messie, soit Elie, soit le grand Prophète.

Ils s’auto-limitent par leurs hypothèses car c’est finalement le Fils de Dieu lui-même qui vient à leur rencontre. Cela les empêchera de dire comme la petite Thérèse : « mon Dieu, vous avez dépassé mon attente ! » Encore faut-il accepter de se laisser dépasser. Si nous sommes trop figés dans notre attente, nous ne serons pas joyeux. Dieu peut nous donner infiniment plus que nous n’osons demander ou que nous ne pouvons imaginer.

Tandis qu’ils s’enferment dans leurs idées et réflexions, ils passent à côté de la personne même du Seigneur. En effet, nous voyons bien que nos pensées et réflexions nous éloignent quelquefois de la réalité elle-même. Il y a une manière d’intellectualiser les choses qui nous éloigne de la réalité.

Jean-Baptiste n’est pas le témoin d’une idée mais de quelqu’un. Il conduit ses auditeurs à Jésus. Comme le dit le pape François, « Pour transmettre un contenu purement doctrinal, une idée, un livre suffirait sans doute, ou bien la répétition d’un message oral. Mais ce qui est communiqué dans l’Église, ce qui se transmet dans sa Tradition vivante, c’est la nouvelle lumière qui naît de la rencontre avec le Dieu vivant, une lumière qui touche la personne au plus profond, au coeur, impliquant son esprit, sa volonté et son affectivité, et l’ouvrant à des relations vivantes de communion avec Dieu et avec les autres. » (Lumen fidei 40)

Comme le disait Benoît XVI : « À l’origine du fait d’être chrétien, il n’y a pas une décision éthique ou une grande idée, mais la rencontre avec un événement, avec une Personne, qui donne à la vie un nouvel horizon et par là son orientation décisive. » (Benoît XVI, Deus caritas est)

Comme le dit le document conciliaire Dei Verbum, « A Dieu qui révèle, il faut apporter "l’obéissance de la foi", par laquelle l’homme s’en remet tout entier librement à Dieu en apportant "au Dieu révélateur la soumission complète de son intelligence et de sa volonté" et en donnant de toute sa volonté son assentiment à la révélation qu’Il a faite. » (Dei Verbum n° 5). Ce qui est premier, c’est le moment de la rencontre avec Dieu qui implique l’homme dans sa totalité, pas seulement son intelligence mais aussi son affectivité. Ce n’est qu’après que l’on donne un assentiment à ce que Jésus nous révèle. Une fois que nous sommes abandonnés avec confiance entre les mains de Dieu, nous sommes disposés à entendre ce qu’il a à nous dire.

Attitude de supériorité

Une deuxième raison vient d’une certaine attitude de supériorité : ils ne daignent pas se déranger eux-mêmes ; ils envoient des émissaires poser la question. De même, lorsque les mages passeront par Jérusalem, ils sauront donner les bonnes indications mais ne se déplaceront pas. Ils ne sont pas dans l’attitude où ils désirent apprendre quelque chose de Jésus.

Ils se positionnent comme ceux qui savent. Jésus doit passer devant leur jury pour être reconnu comme le Messie. Ce sont eux qui mènent les débats. Ils ne se mettent pas à l’école de Jésus. Ils le mettent en demeure de prouver qu’il est le Fils de Dieu. Cette manière de faire arrogante contraste avec l’humilité de Jean-Baptiste et ceux qui accueillent la Bonne Nouvelle sans vouloir mettre Dieu à l’épreuve. Jean-Baptiste reconnaît qu’il n’est pas grand chose devant Jésus : « celui qui vient après moi est plus puissant que moi, je ne suis pas même digne de me courber à ses pieds pour défaire la courroie de ses sandales, lui vous baptisera dans l’Esprit ». (Mc 1, 7-8 ; Mt 3, 11 ; Jn 1, 26-27).

A sa manière de faire, nous pourrions appliquer ce que le pape François dit dans sa première encyclique : « La foi n’est pas intransigeante, mais elle grandit dans une cohabitation qui respecte l’autre. Le croyant n’est pas arrogant ; au contraire, la vérité le rend humble, sachant que ce n’est pas lui qui la possède, mais c’est elle qui l’embrasse et le possède. Loin de le raidir, la sécurité de la foi le met en route, et rend possible le témoignage et le dialogue avec tous. » (Lumen fidei 34) La promesse de Dieu ne peut être recueillie que par un cœur humble, comme celui de Marie à l’annonciation. Ainsi ceux qui ont su reconnaître Jésus, ce sont les pauvres, les petits qui sont frappés par sa sainteté, son autorité et sa puissance (cf Jn 7, 31).

Prompts à râler et critiquer

Une troisième raison vient d’une certaine tournure d’esprit où ils sont prompts à râler et critiquer les autres. Cette attitude s’oppose à ce que saint Paul dit dans la deuxième lecture : « soyez toujours dans la joie, (…) rendez grâce en toute circonstance » (1 Th 5, 16). La joie et l’action de grâces nous ouvrent le cœur ; la critique et l’esprit chagrin nous ferment à la rencontre du Seigneur.

À l’inverse d’une posture où nous suspectons toute forme de nouveauté, l’émerveillement nous aide à avoir un a priori favorable. Bien entendu, cette ouverture n’exclut pas le discernement mais elle ne se ferme pas de prime abord à la nouveauté. Une certaine attitude d’action de grâces et de louange nous dispose à recevoir les dons de Dieu.

Quand nous sommes en train de râler et critiquer, nous sommes assez centrés sur nous-mêmes, sur nos insatisfactions ou déceptions. Nous avons tous des attentes par rapport à Dieu et aux autres. Mais Jean-Baptiste nous invite à changer les perspectives et à nous demander : « Qu’est ce que Dieu attend de moi ? Qu’est ce que les autres sont en droit d’attendre de moi ? ».

C’est précisément ce que dit saint Paul dans la deuxième lecture : « Frères, soyez toujours dans la joie, priez sans relâche, rendez grâce en toute circonstance : c’est ce que Dieu attend de vous dans le Christ Jésus » (1 Th 5, 16).

À l’inverse, l’émerveillement, la louange et l’action de grâces nous ouvrent le cœur. Cette invitation pressante à la joie, a donné le nom à la Messe de ce troisième dimanche de l’Avent : « Gaudete », c’est-à-dire réjouissez-vous.

Que Jean-Baptiste nous accompagne de sa simplicité, son humilité et sa joie pour accueillir le Seigneur. Que Marie, la Vierge du Magnificat, nous aide à avancer dans cette attitude d’accueil. Cette attitude de simplicité, d’humilité et de joie fonctionne un peu à la manière d’une spirale car plus nous sommes ouverts, plus nous donnons à Dieu la possibilité de nous combler.

Amen !


Références des lectures du jour :

  • Livre d’Isaïe 61,1-2a.10-11.
  • Cantique Lc 1, 46b-48, 49-50, 53-54.
  • -* Première lettre de saint Paul Apôtre aux Thessaloniciens 5,16-24.
  • Évangile de Jésus-Christ selon saint Jean 1,6-8.19-28.

Il y eut un homme envoyé par Dieu ; son nom était Jean.
Il est venu comme témoin, pour rendre témoignage à la Lumière, afin que tous croient par lui.
Cet homme n’était pas la Lumière, mais il était là pour rendre témoignage à la Lumière.
Voici le témoignage de Jean, quand les Juifs lui envoyèrent de Jérusalem des prêtres et des lévites pour lui demander : « Qui es-tu ? »
Il ne refusa pas de répondre, il déclara ouvertement : « Je ne suis pas le Christ. »
Ils lui demandèrent : « Alors qu’en est-il ? Es-tu le prophète Élie ? » Il répondit : « Je ne le suis pas. – Es-tu le Prophète annoncé ? » Il répondit : « Non. »
Alors ils lui dirent : « Qui es-tu ? Il faut que nous donnions une réponse à ceux qui nous ont envoyés. Que dis-tu sur toi-même ? »
Il répondit : « Je suis la voix de celui qui crie dans le désert : Redressez le chemin du Seigneur, comme a dit le prophète Isaïe. »
Or, ils avaient été envoyés de la part des pharisiens.
Ils lui posèrent encore cette question : « Pourquoi donc baptises-tu, si tu n’es ni le Christ, ni Élie, ni le Prophète ? »
Jean leur répondit : « Moi, je baptise dans l’eau. Mais au milieu de vous se tient celui que vous ne connaissez pas ; c’est lui qui vient derrière moi, et je ne suis pas digne de délier la courroie de sa sandale. »
Cela s’est passé à Béthanie, de l’autre côté du Jourdain, à l’endroit où Jean baptisait.