Homélie du 25e dimanche du Temps Ordinaire

22 septembre 2011

« Ainsi les derniers seront premiers, et les premiers seront derniers. »

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Texte de l’homélie :

« Ton œil est-il mauvais parce que moi, je suis bon ? »

Chers frères et sœurs,
L’étonnement est le début de la sagesse… Mais l’étonnement n’est-il pas aussi porte d’accès à la Parole de Dieu, qui nous permet de la reconnaitre comme telle, déjouant nos calculs et raisonnements ?
Dans cette parabole, on peut être étonné du comportement de ce maître qui risque de faire couler son entreprise…
Eh bien, que cet étonnement nous permette d’entrer dans l’histoire des ouvriers de la onzième heure.

De l’insolite au scandale :

« Le Royaume des cieux est comparable au maître d’un domaine qui sortit au petit jour afin d’embaucher des ouvriers pour sa vigne. »

Ce maître nous parait déjà comme un homme bon, qui n’a de cesse du matin au soir de rendre une dignité à de pauvres hommes réduits à la misère, appelant à sa vigne ceux qui trainent dans les rues pour leur fournir le pain dont ils ont besoin pour vivre…
Une situation tragique qui rejoint beaucoup de celles et ceux qui connaissent l’insécurité de l’emploi, l’angoisse du lendemain…
Cependant, tout soucieux qu’il soit de ces chômeurs, nous comprenons bientôt que ce patron n’est pas tout à fait ordinaire : lorsqu’après douze heures de travail, il commence par payer les derniers, donnant à ceux-ci la même pièce d’argent qu’aux premiers embauchés…
Et tandis que les uns sont aux portes du bonheur, les autres récriminent !

« Ces derniers venus n’ont fait qu’une heure, et tu les traites comme nous, qui avons enduré le poids du jour et de la chaleur ! »

Mais alors, quelle bonne nouvelle Jésus nous donne-t-Il dans cette histoire ?!

Une Bonne Nouvelle pour tous !

Rappelons-nous que cette parabole est dite à une époque précise, devant des hommes concrets…
À notre tour, nous devons déchiffrer ce langage à la lumière de la Révélation…

« Allez à ma vigne ! »

C’est une invitation qui revient à plusieurs reprises dans cette parabole. Qu’est-ce que cette vigne ? Jésus le dit : c’est le Royaume des Cieux, un bonheur dans lequel l’homme est invité à entrer, et c’est un Royaume qui n’est pas vraiment à l’image de ceux de ce monde…

Quant au maître de la parabole, nous le comprenons, c’est Dieu. Un Dieu qui depuis le péché des origines n’hésite pas à parcourir la Terre jusqu’à s’incarner dans un monde endurci, blindé, un Père à la recherche de ses fils qu’Il invite à retrouver son intimité perdue.
Et ces murmures ! qui semblent être l’écho des récriminations contre Jésus lorsqu’il accueille publicains, pêcheurs, prostitués… et mange à leur table !

Quant aux ouvriers, ne sont-ils pas tout ceux qui depuis le commencement, saints et prophètes, ont été appelés à l’édification du Peuple de l’alliance ?

Peut-être sont-ils aussi ces scribes et prêtres à qui Jésus s’adresse ici, et qui depuis leur jeunesse scrutent les écritures et vont bientôt tenir clous et marteaux pour clouer le maître qu’ils accusent d’imposteur ?

Et pourtant… ne sont-ils pas aussi invités au même bonheur, au même royaume ?!

Et puis, il y a encore les ouvriers de la onzième heure. Les deniers arrivés !! Ce sont tout ceux qui ont accueillis le Christ Jésus et qui goûteront le bonheur de la Résurrection. Parmi eux, nous trouvons les marginaux, ou les collecteurs d’impôts, les prostitués, les « mal-croyants », les païens, les improductifs, les blessés de la vie, tous ces derniers qui sont devenus premiers, et qui, avec le bon larron sur la Croix recevront le fabuleux salaire de la dernière minute. Incroyable ! mais vrai…

Oui, frères et sœurs, voilà bien la bonne nouvelle, tous sont invités au même Royaume, au même héritage, au même bonheur.
Mais dure réalité : l’Amitié du Dieu vivant qui s’approche de tout homme et offre sa vie à tout moment ne fait pas que des heureux… Le Salut accordé sans restriction fait naître des murmures insatisfaits et haineux.

« Faut-il que ton œil soit mauvais parce que moi je suis bon ? »

Faut-il que ton œil soit mauvais parce que moi je suis bon ?

Si nous regardons cette parabole avec attention, nous voyons que c’est au moment même où Dieu manifeste sa bonté que se réveillent les embauchés de la première heure.

« Mes pensées ne sont pas vos pensées, mes chemins sont au-dessus des vôtres. »

Mais pourquoi deviennent-ils mauvais ?
Au lieu de se réjouir que tous aient part au même héritage qu’eux, voilà les fils aînés qui se révoltent. Alors que Dieu voulait les hisser au niveau de l’amour et de la miséricorde, ils en restent à la justice distributive…
Dieu l’avait dit :

« C’est la miséricorde que je veux. »

Mais que signifie cette miséricorde ?
Qu’il n’y a pas de privilégiés, les derniers sont au même rang que les premiers. Dieu aime tous les hommes sans exception, en particulier les plus délaissés. Il répand ses bienfaits à profusion à toute heure, et dans toute situation. Dans sa bonté, Dieu n’est pas limité par nos mérites et donne plus que nous n’avons gagné par nos propres efforts. Cela veut dire aussi que Dieu écarte quiconque prétendrait avoir des privilèges et des droits en empêchant les autres d’en profiter…

Le difficile apprentissage de la gratuité..

Dans un monde divisé, endurci, blindé, usé par l’avoir, le profit, la jouissance, Dieu proclame qu’Il offre à tous le même salaire : l’ouverture de sa maison, la participation à son intimité trinitaire, et cela sans aucune différence entre ses enfants… et pour nous en convaincre, il n’a cessé de hisser nos pensées au-dessus d’elles-mêmes, notre cœur au-dessus de lui-même, notre œil mauvais au-dessus de tout mal…

Renonçant même à ses privilèges jusqu’à s’agenouiller devant l’homme et lui laver les pieds…

Alors que nous faut-il encore ?
Qu’est-ce que cette parabole, sinon un nouvel appel à la conversion, un constant et même appel à accueillir l’amour, à le vivre et la partager sans mesure ni calcul ? comme Dieu le fait pour chacun de nous, sans égoïsme, sans recherche d’aucun éloge, ni aucune satisfaction, dans le don, la gratuité, le détachement.

Il nous faut apprendre et réapprendre sans cesse cette gratuité, entrer dans le régime de la grâce offerte, se réclamer à toute heure du jour et en tout lieu d’un Dieu bon et généreux, sans faire injure à son mystère et sans le trahir devant les hommes, et combien, en ces choses si grandes et vraies, on se sent petit, pauvre et fragile.

Ouvriers de la même vigne, enfants réunis autour de la même table, avec Marie, osons nous étonner encore et nous émerveiller de l’Amour qui nous donne jusqu’à son Cœur et son Corps et son Sang ici et maintenant.

Qu’avec notre Mère et Reine, nous chantions partout et aussi à tous, la miséricorde du Père qui s’étend d’âge en âge,

Amen !


Références des lectures du jour :

  • Livre d’Isaïe 55,6-9.
  • Psaume 145(144),2-3.8-9.17-18.
  • Lettre de saint Paul Apôtre aux Philippiens 1,20c-24.27a.
  • Évangile de Jésus-Christ selon saint Matthieu 20,1-16a :

Jésus disait cette parabole : « Le Royaume des cieux est comparable au maître d’un domaine qui sortit au petit jour afin d’embaucher des ouvriers pour sa vigne.
Il se mit d’accord avec eux sur un salaire d’une pièce d’argent pour la journée, et il les envoya à sa vigne.
Sorti vers neuf heures, il en vit d’autres qui étaient là, sur la place, sans travail.
Il leur dit : ’Allez, vous aussi, à ma vigne, et je vous donnerai ce qui est juste. ’
Ils y allèrent. Il sortit de nouveau vers midi, puis vers trois heures, et fit de même.
Vers cinq heures, il sortit encore, en trouva d’autres qui étaient là et leur dit :
— ’Pourquoi êtes-vous restés là, toute la journée, sans rien faire ? ’
Ils lui répondirent :
— ’Parce que personne ne nous a embauchés. ’
Il leur dit :
— ’Allez, vous aussi, à ma vigne. ’
Le soir venu, le maître de la vigne dit à son intendant : ’Appelle les ouvriers et distribue le salaire, en commençant par les derniers pour finir par les premiers. ’
Ceux qui n’avaient commencé qu’à cinq heures s’avancèrent et reçurent chacun une pièce d’argent.
Quand vint le tour des premiers, ils pensaient recevoir davantage, mais ils reçurent, eux aussi, chacun une pièce d’argent.
En la recevant, ils récriminaient contre le maître du domaine :
— ’Ces derniers venus n’ont fait qu’une heure, et tu les traites comme nous, qui avons enduré le poids du jour et de la chaleur ! ’
Mais le maître répondit à l’un d’entre eux :
— ’Mon ami, je ne te fais aucun tort. N’as-tu pas été d’accord avec moi pour une pièce d’argent ? Prends ce qui te revient, et va-t’en. Je veux donner à ce dernier autant qu’à toi : n’ai-je pas le droit de faire ce que je veux de mon bien ? Vas-tu regarder avec un œil mauvais parce que moi, je suis bon ? ’
Ainsi les derniers seront premiers, et les premiers seront derniers. »