La loyauté envers ma famille : jusqu’où aller ?

Conférence Spi&Spi - Père Pierre-Marie

Prenons le temps de discerner les bonnes loyautés de celles qui sont de l’ordre du conflit intérieur, de liens qui nous tiennent et peuvent nous empêcher de grandir en humanité, et ainsi nous éloigner de l’appel du Seigneur sur notre vie.

« Rendre ce que l’on a reçu », « réparer les blessures familiales »

Voici des missions que - consciemment ou non - nous nous donnons dans un esprit de générosité, de loyauté. Or, cet élan de don a besoin d’être rééquilibré.
Les choix que l’on fait nous définissent et nous poussent à nous tourner vers celles et ceux qui comptent pour nous : nos amis, notre famille, des personnes en qui nous avons confiance…

Père Pierre-Marie

Qu’est-ce que la loyauté ?

Cette notion qui vient de la thérapie systémique :

« La loyauté c’est l’engagement que nous prenons de venir en aide à ceux qui nous ont aidés. »

Quand il naît l’enfant porte une dette. Celle de la vie et de l’amour. Il y a des attentes des parents sur lui. Comment pense-t-il rembourser la dette c’est en étant loyal, c’est-à-dire à venir en aide à ses parents et sa famille, en faisant plaisir à ses parents, à ses frères et sœurs, à ses amis. Sans loyauté notre monde ne serait plus un monde social. Il n’y aurait plus de lien et plus de réciprocité dans nos liens.
Les loyautés définissent qui nous sommes et nous invite à faire des choix. Chaque fois que nous plaçons les intérêts de nos proches avant ceux des autres nous redéfinissons notre famille. Nous redéfinissons qui nous sommes, les priorités dans nos liens. Ces liens s’appliquent à notre famille, à nos amis, à nos proches à des personnes qui comptent pour nous et en qui nous avons confiance

Quelles sont les formes de loyautés ?

  • Envers la parole reçue comme cette vieille maman qui dit à son fils : « Je compte sur toi quand je serai morte pour que la famille s’entende bien. »
  • Envers un patrimoine reçu : maison de famille, entreprise familiale, exploitation agricole, comme un père dit à son fils : « Avec ta mère nous avons décidé que ce serait toi qui recevras la maison de famille. »
  • Par rapport à des rituels familiaux surtout au moment de Noël ou pendant les vacances,
  • Par rapport à des rituels amicaux pour continuer à faire partie du groupe, à vivre une appartenance
  • Dans le cas d’une entreprise ou une institution qui est corporate et exige qu’on redonne plus qu’il n’est inscrit dans le contrat de travail,
  • Dans le cas d’un parent défunt envers lequel on se sent l’obligation de s’occuper du parent resté vivant. Dans le même domaine, l’élan qui pousse à redonner aux ancêtres ce qu’ils ont apporté…
  • Au sujet de la pratique religieuse : qui dit loyauté dit loi, commandements nouveaux ou anciens : « Je sais que ça fait plaisir à ma famille que je pratique je le fais plus par devoir envers eux que par amour pour le Seigneur… »

Ces loyautés qui construisent :

L’acte de donner après avoir reçu nous met en relation avec les autres. Notre capacité à vivre les loyautés nous construit et nous font grandir en humanité dans la mesure où c’est un acte de profonde liberté.

Les loyautés toxiques :

  • Les loyautés clivantes : « C’est lui ou moi », qui veulent nous pousser à renier l’autre pour prouver son attachement. Il faut prendre garde à choisir des relations qui nous ouvrent le plus aux autres.
  • Le double lien avec l’injonction paradoxale. Par exemple, quelqu’un de proche qui vous dirait : « Sois naturel ! mais non pas comme ça ! ». Ce sont des cas où l’on a l’impression que l’on n’arrive jamais à satisfaire l’autre
  • La parentification, ce cas de figure où l’on devient parent de ses propres parents, et que l’on se met dans une exigence de trop grand don,
  • Attention à la comparaison entre les enfants qui génère de l’injustice : « Un tel fait ça pour moi, alors tu dois faire tout autant si ce n’est plus… »

Les conflits de loyauté :

Il n’y a pas de loyauté sans conflits car elle consiste de donner de façon préférentielle à l’autre. Souvent nous sommes pris entre deux groupes qui attendent de nous un retour. Les tragédies classiques sont fondées sur cette question :
Antigone de Sophocle veut donner une sépulture à son frère et défi son oncle qui s’y oppose car c’est contraire aux lois de la cité.
Le roi Lear de Shakespeare avec Cordélia qui aime plus le roi de France que son père.
Dans le cinéma indien ou une fille doit aime un homme qui est rejeté par la famille, japonais.
Cela est plus fréquent en occident où l’individualisme règne en maître.

Ces conflits viennent interroger notre culpabilité et en sortir demande un travail sur ce point-là. Savoir dire non soit parce que c’est toxique soit parce qu’on privilégie une autre loyauté.

Il est difficile de rembourser autrement qu’en donnant aux générations à venir. L’enfant permet de rembourser la dette et de rentrer dans la continuité de la famille. On répond aux attentes de notre famille en transmettant la vie, le patrimoine, la culture, la religion.
D’où la situation difficile des célibataires ou des couples stériles, qui peuvent avoir la tendance à se sur-adapter aux désirs des parents pour compenser…

Mais si tradere veut dire transmettre, cela signifie aussi trahir. Nous décevrons nos parents et nos amis par les choix que nous poserons. Il n’y a pas d’égalité dans la loyauté car c’est un choix. On privilégie l’un au détriment de l’autre.

Cependant, il faut bien garder en mémoire que :

  • Quand on fait des choix éloignés des attentes des parents il faut envoyer des signaux d’encouragement montrant notre reconnaissance pour l’amour reçu des parents et que ces choix ne sont pas des choix contre.
  • Les conflits de loyauté n’ont pas que des aspects négatifs. Ils nous permettent de dire non et donc de dire je.

Les manques de loyauté :

On peut être injuste avec ses parents ou amis par manque de temps, ou par égoïsme

En conclusion, vous pouvez faire l’exercice de détecter trois loyautés dans votre vie :

  • une qui vous construit,
  • un conflit de loyauté
  • une loyauté toxique.