Le discernement

Cette conférence a été donnée, en plusieurs fois, par le Père Pierre-Marie lors de la session familles 2008 au Puy-en-Velay.
Elle couvre largement le sujet du discernement, reprenant les conditions nécessaires pour faire de bons choix mais faisant également le point sur les vertus cardinales, indispensables au sujet qui discerne.


Le mot « discerner » vient de « séparer », séparer le bien et le mal.
Le discernement est un travail de l’intelligence qui doit être éclairé par la foi pour être élevé à un degré supérieur. Pour autant, la volonté de Dieu ne va pas à l’encontre de notre nature ; elle épouse les circontances de notre vie.
S’il est une évidence c’est qu’on ne discerne que ce qui est bon. Un acte mauvais n’a pas besoin d’être discerné puisqu’il est à éviter tout simplement !
Mais qu’est-ce qu’un acte bon ?

Pour qu’un acte soit bon

Il faut que la finalité soit bonne

Avant d’entreprendre quelque chose il est bon de se demander quelles sont nos réelles motivations. Notre but est-il clair ?
L’Esprit Saint et notre Ange gardien peuvent nous éclairer mais ils ne nous dispensent pas du travail de l’intelligence (attention à l’émotionnel « débordant » !).

Il faut que l’intention soit bonne

Est-ce que je prends cette décision dans l’intention d’aimer d’avantage, de faire grandir le bien ou par souci de prouver quelque chose aux autres, à moi-même, pour être bien vu ?
Suis-je prêt à voir mes choix « éprouvés », à ce que l’épreuve vienne révéler ce que je porte réellement en moi ? Attention, fuir les pesanteurs de notre vie, les difficultés, nous entraine vers la solitude et le vide !
Je dois, en outre, accueillir de ne pas pouvoir tout choisir (frustration).

Il faut que les circonstances soient bonnes

Si les circonstances sont mauvaises, l’acte que je pose devient mauvais, même si l’intention est bonne.
Il faut considérer six aspects :

  • Qui ?
    Est-ce à moi de faire telle chose ? Il est important de ne pas se croire indispensable, de ne pas prendre des responsabilités qui ne nous incombent pas mais il faut prendre celles qui nous incombent sans nous défausser sur les autres. Si non, c’est au détriment du bien commun.
  • Quand ?
    Est-ce le moment de prendre telle décision ? Il faut être prudent mais il est dommage de laisser passer des occasions par peur ou manque de courage.
  • Où ?
    Le choix du lieu est important. Par exemple, si on doit choisir un lieu de résidence pour un temps qui risque d’être long, il est important qu’il soit beau, que l’on s’y sente bien.
  • Quelles conséquences ?
    Mes choix n’auront-ils pas de conséquences fâcheuses pour mon couple, ma famille, les autres. Si j’achète une maison, pourrai-je supporter l’endettement par exemple ?
    Nos paroles aussi ont des conséquences ! Ce que je vais dire sur untel, même si c’est vrai, ne risque-t-il pas de le blesser gravement et à jamais ?
  • Quels moyens ?
    Tous les moyens ne sont pas bons pour arriver à ses fins. Les moyens que je prends ont une valeur morale. On justifie souvent les moyens parce que la finalité est bonne, or les moyens peuvent être mauvais.
  • L’acte lui-même ?
    Il y a plein de petits actes à poser avant d’atteindre la finalité. Chacun de ces actes est-il inspiré par l’amour ? Est-il bon ?

Pour répondre à toutes ces questions, nous faisons appel à notre conscience.

La conscience

Chaque personne a une lumière qui le guide pour faire le bien et éviter le mal. Cette lumière vient de Dieu même si la personne ne le sait pas. L’Esprit Saint travaille ainsi dans le cœur de non-croyants qui « pratiquent » le bien.
Cette conscience s’éduque !
La conscience permet d’estimer la valeur et la portée d’un acte moral. C’est elle qui nous jugera. Le bien que je poursuit est-il illusoire ou correspond-il à ma nature humaine profonde ?
La conscience est blessée par l’erreur : j’appelle bien un mal, mal un bien. Il existe trois sortes d’erreurs :

  • Le subjectivisme
    Je suis à moi-même ma propre loi. Je confond vérité (objective) et sincérité (subjective). Je pense que seule mon intention rend mon acte bon ou mauvais.
    Or, il y a quelque chose en nous qui n’est pas de nous. L’humilité est nécessaire devant ces choses que je ne fixe pas moi-même et qui viennent de Dieu. (Voir article spécifique sur ce sujet)
  • Le légalisme ou formalisme
    Je ne fais pas travailler ma conscience mais suis la loi à la lettre.
  • Le conséquencialisme
    Ce sont les conséquences de mon action qui, à mes yeux, la justifient, la rendent bonne ou mauvaise. J’obscurcis ma conscience pour éviter de poser un acte bon mais dont les conséquences risquent d’être difficiles (par ex. garder cet enfant dont on suppose qu’il naîtra avec un handicap).

Après avoir pris ma décision en conscience (peut-être avec l’aide de quelqu’un de confiance) je vais passer à l’action. Ce n’est que dans ce passage à l’action que je vais vérifier si mon choix est bon. Peut-être alors serai-je amené à me reposer des questions, discerner à nouveau.
C’est dans ce passage à l’action que les vertus cardinales vont m’être nécessaires.

Les vertus cardinales

La vertu est une disposition permanente qui s’acquiert par la répétition des actes.
Elle permet de passer des principes universels au singulier et donc d’agir.
Il y a quatre vertus cardinales qui s’interconnectent : la prudence guide l’intelligence, la justice guide la volonté, la force guide la sensibilité et la tempérance guide ce qui est source de plaisir.

  • 1. La prudence
    La prudence est la vertu qui dispose la raison pratique à discerner en toute circonstance notre véritable bien et à choisir les justes moyens de l’accomplir.
    Elle conduit les autres vertus en leur indiquant règle et mesure. C’est la prudence qui guide immédiatement le jugement de conscience. L’homme prudent décide et ordonne sa conduite suivant ce jugement. Grâce à cette vertu, nous appliquons sans erreur les principes moraux aux cas particuliers et nous surmontons les doutes sur le bien à accomplir et le mal à éviter.
  • 2. La justice
    Elle a pour objet notre relation à l’autre. C’est le fait de rendre à chacun ce qui lui est dû.
    Par exemple, faire porter à l’autre (un enfant notamment) une responsabilité trop lourde (et dont je veux me débarasser !) n’est pas juste.
    L’autre est d’abord moi-même, ensuite le prochain, la nature, Dieu… et enfin le bien commun.
    Lorsque la société porte des valeurs qui ne sont pas celles de l’Evangile, il est très difficile de pratiquer la justice. Il faut alors du courage (vertu de force).
    La notion de réparation est importante pour la justice. Elle a un double but : réparer et guérir. Lorsque nous punissons nos enfants, posons-nous la question : la sanction les fait-elle grandir ?
    Face à Dieu, ce ne sont pas nos actes qui vont rétablir l’amitié abîmée par le péché mais la justification de Dieu lui-même. Par le baptême nous sommes justifiés.
  • 3. La force
    Elle aide à porter les situations désagréables et à tenir dans la difficulté. Elle permet de mener à bien un projet (dans lequel on s’est engagé après discernement !) malgré les obstacles. Ce sont l’intelligence et la volonté qui doivent nous permettre de prendre des décisions mais c’est l’affectivité qui soutient la volonté, guidée par la vertu de force. Il est donc important de trouver des moments pour refaire nos forces (se demander ce qui nous ressource le mieux).
  • 4. La tempérance
    Elle met le plaisir au service d’un bien commun. Elle permet d’ordonner nos émotions. Un manque de tempérance paralyse le discernement.
    Pour sortir de l’emprise du corps (du concupiscible !) il est bon de se demander à quel acte précis remonte notre liberté : quel est le dernier acte libre que j’ai posé avant d’être entrainé par mes penchants ? A partir de là, quel acte, si petit soit-il, puis-je poser pour m’aider moi-même ? Que vais-je faire pour ne pas me mettre dans des circonstances où je vais être tenté ?
    C’est la tempérance qui va m’aider.

En conclusion

Le discernement a pour objet de faire grandir la communion, l’amour dans nos vies, dans nos familles.
Ayons recours à la prière pour obtenir de Dieu, source de tout amour, la lumière dont nous avons besoin.

Celui qui demeure en moi, et moi en lui, celui-là porte beaucoup de fruit ; car hors de moi vous ne pouvez rien faire." Jean 15, 5