Homélie du 26e dimanche du Temps Ordinaire

30 septembre 2013

« S’ils n’écoutent pas Moïse ni les Prophètes, quelqu’un pourra bien ressusciter d’entre les morts : ils ne seront pas convaincus. »

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Texte de l’homélie :

Chers frères et sœurs,

Nous dit-on que le riche de la parabole ait fait quelque chose de mal ? Vous souvenez-vous qu’il ait assassiné, qu’il ait volé, ou commis quelque autre mauvais acte ? Non. On voit même qu’il était plutôt attentif à l’égard de se frères au moins : « J’ai cinq frères : qu’il les avertisse, qu’ils ne viennent pas eux aussi dans ce lieu de torture ! ».

L’indifférence, le premier signe du péché

Alors, que lui est-il reproché ? C’est ce que nous évoquions au début de cette messe : c’est son indifférence.

Vous voyez que, quand il meurt, on l’enterre, alors que l’autre va dans le sein d’Abraham. Mais pourquoi l’indifférence empêche-t-elle d’entrer au paradis ? C’est parce que le paradis est le lieu de l’amour, où l’on fait attention aux autres, où l’on est pas des étrangers les uns vis à vis des autres. Ce serait en quelque sorte un critère d’admission au Paradis, cette attention aux autres, et en particulier à ceux qui ont besoin de nous.

Dans l’évangile de Saint Matthieu, au moment du jugement dernier, si vous vous rappelez de la scène (Mt 25) : il y en a qui sont à droite, d’autres à gauche : oui, vous pouvez entre au Paradis car :

« Vous m’avez donné à manger, vous m’avez visité quand j’étais malade ou en prison (…) ce sont là des œuvres de miséricorde temporelle. »

Peut-être connaissez-vous cette histoire qui présente l’enfer et le paradis. A première vue, l’enfer et le paradis se présentent d’une façon à peu près similaire : il y a une bonne table qui réunit des mets excellents et variés, et tout est beau. Comme c’est la même nourriture qui est servie, quelqu’un vient visiter pour savoir si cela vaut la peine d’aller d’un côté ou de l’autre. Il et intrigué, car du côté de l’enfer, les gens sont tous maigres, bien différemment des gens du paradis.
Un détail retient retient alors l’attention du visiteur : au paradis comme en enfer, les convives disposent de cuillères très longues. Elles sont même tellement longues qu’on ne peut se nourrir soi-même car les bras sont trop courts.
Les gens qui habitent l’enfer meurent de faim, avec ces bonnes choses devant eux. Tandis qu’au Paradis, chacun va nourrir son voisin, et tout le monde et rassasié et fait la fête.
D’un côté, on est centré sur soi-même, on veut se nourrir à tout prix mais on n’y arrive pas, et de l’autre côté, on nourrit l’autre en fac de soi et réciproquement, les autres nous nourrissent. Cette image peut nous aider à visualiser l’importance pour Dieu que nous ayons des relations entre nous. Souvent, quand il y a des drames dans le monde, on accuse Dieu : « Pourquoi permets-tu la souffrance », et peut-être que Dieu voudrait nous poser la question : « Et toi ? que fais-tu pour soulager la souffrance des autres ? ». Dans la parabole, Lazare avait besoin de l’homme riche, mais en réalité, l’homme riche ne se rendait pas compte que Lazare était une chance pour lui. Enfermé dans « la culture du bien-être », Lazare était comme une opportunité de sortir et d’avoir un visage en face de lui, plutôt que d’être dans son bien-être.

Quelles sont les causes de cette indifférence ?

La première lecture comme l’évangile pointent une cause particulière de l’indifférence : la culture du bien-être, la richesse. Entre-autres prophéties vigoureuses, il y a celle d’Amos : « Couchés sur des lits d’ivoire, vautrés sur leurs divans, ils improvisent au son de la harpe, ils boivent le vin à même les amphores, ils se frottent avec des parfums de luxe etc… mais il ne se tourmentent guère du désastre d’Israël ».
L’évangile nous présente l’homme riche qui mange bien, s’habille bien, mais qui vit dans une certaine insouciance…

Un thème cher à notre pape François

Vous rappelez-vous ce que le pape François a fait le 8 juillet ? Il est allé sur l’île de Lampedusa près de la Sicile, en face de la Tunisie, où débarquent et attendent beaucoup de réfugiés, qui veulent quitter des lieux où ils sont malheureux pour essayer de trouver une vie plus facile. Depuis 20 ans, il y en a à peu près 20000 qui sont morts, ou pas arrivés destination. Et ce jour-là, le pape François a fustigé l’indifférence et adressé des paroles très vigoureuses en reprenant cette question de Dieu à Caïn : « Qu’as-tu fait de ton frère ? où es ton frère ? ».
Et le pape François nous parle de cette culture du bien-être. Je vous le cite :

« La culture du bien-être, qui nous amène à penser à nous-même, nous rend insensibles aux cris des autres, nous fait vivre dans des bulles de savon, qui sont belles, mais ne sont rien ? ; elles sont l’illusion du futile, du provisoire, illusion qui porte à l’indifférence envers les autres, et même à la mondialisation de l’indifférence. »

Alors, nous pouvons avoir d’avantage présent à l’esprit qu’à partir du moment où nous vivons dans cette culture du bien-être nous avons plus de risque d’être insensibles au cri des autres. Grégoire le Grand disait justement que, quand on est attaché aux biens matériels, petit à petit, il y a comme une insensibilité du cœur qui s’installe.

En conclusion

Je vais terminer par un témoignage de jeunes qui sont partis avec nous aux JMJ. Au retour, en passant par l’Argentine, nous avons fait une semaine humanitaire dans un bidonville, non loin de notre maison. C’était un moment important pour chacun pour mûrir. Et le père d’un de ces jeunes qui était avec nous me disait hier qu’il avait trouvé son enfant changé. En effet, il avait été au contact avec la pauvreté qui avait maintenant un visage bien concret pour eux. Et désormais, pour ce qui est de faire des achats en famille, des gadgets, ce jeune demande si ce n’est pas « superflu ». Et il avait ainsi avancé dans la prise de conscience.

  • Ainsi, cette semaine, pourriez-vous utiliser ce premier point d’attention, et réfléchir s’il n’y a pas des choses superflues dans les achats que nous faisons couramment et nous demander si cela ne risque pas d’insensibiliser notre cœur aux autre.
  • Le deuxième point pourrait être le fait de rencontrer des personnes bien concrètes. Ici, dans la parabole, on ne connaît pas le nom du riche ; en revanche, le pauvre a un prénom, c’est Lazare. Il ne s’agit pas de lutter contre la pauvreté dans l’abstrait, mais ce à quoi nous invite Jésus, c’est à être sensible au pauvre, à son malheur et à sa souffrance.
  • Une autre chose que vous pourriez peut-être faire, c’est ouvrir le yeux autour de vous. Certes, cela nous saute aux yeux lorsque l’on est loin, parce que cela sort de notre cadre habituel, mais, près de nous, il y a aussi des personnes qui ont besoin de nous.
    Nous pouvons alors demander la grâce au Seigneur de nous ouvrir les yeux sur la personne qui est dans le besoin.
    Dans cette abbaye, nous aimons porter notre regard vers la Vierge Marie, la Mère de Dieu. Et, si tant de personnes se tournent vers Elle, c’est justement parce qu’Elle a un cœur sensible, pas indifférent. Il y a une prière, le « Souvenez-vous », qui dit :

« On n’a jamais entendu dire qu’aucun de ceux qui ont eu recours à votre protection, imploré votre assistance ou réclamé votre secours, ait été abandonné. »

C’est pourquoi nous pouvons lui demander de nous aider, de nous donner un cœur plus sensible aux autres, à ceux qui nous entourent et qui peuvent avoir besoin de nous,

Amen !


Références des lectures du jour :

  • Livre d’Amos 6,1a.4-7.
  • Psaume 146(145),6c.7.8.9a.9bc-10
  • Première lettre de saint Paul Apôtre à Timothée 6,11-16.
  • Évangile de Jésus-Christ selon saint Luc 16,19-31 :

En ce temps-là, Jésus disait aux pharisiens :
« Il y avait un homme riche, vêtu de pourpre et de lin fin, qui faisait chaque jour des festins somptueux. Devant son portail gisait un pauvre nommé Lazare, qui était couvert d’ulcères. Il aurait bien voulu se rassasier de ce qui tombait de la table du riche ; mais les chiens, eux, venaient lécher ses ulcères.
Or le pauvre mourut, et les anges l’emportèrent auprès d’Abraham. Le riche mourut aussi, et on l’enterra.

Au séjour des morts, il était en proie à la torture ; levant les yeux, il vit Abraham de loin et Lazare tout près de lui.
Alors il cria : “Père Abraham, prends pitié de moi et envoie Lazare tremper le bout de son doigt dans l’eau pour me rafraîchir la langue, car je souffre terriblement dans cette fournaise.
— “Mon enfant, répondit Abraham, rappelle-toi : tu as reçu le bonheur pendant ta vie, et Lazare, le malheur pendant la sienne. Maintenant, lui, il trouve ici la consolation, et toi, la souffrance. Et en plus de tout cela, un grand abîme a été établi entre vous et nous, pour que ceux qui voudraient passer vers vous ne le puissent pas, et que, de là-bas non plus, on ne traverse pas vers nous.”
Le riche répliqua : “Eh bien ! père, je te prie d’envoyer Lazare dans la maison de mon père. En effet, j’ai cinq frères : qu’il leur porte son témoignage, de peur qu’eux aussi ne viennent dans ce lieu de torture !”
Abraham lui dit :
— “Ils ont Moïse et les Prophètes : qu’ils les écoutent !”
— “Non, père Abraham, dit-il, mais si quelqu’un de chez les morts vient les trouver, ils se convertiront.”
Abraham répondit :
— “S’ils n’écoutent pas Moïse ni les Prophètes, quelqu’un pourra bien ressusciter d’entre les morts : ils ne seront pas convaincus.” »