Homélie du 26e dimanche du Temps Ordinaire

2 octobre 2012

« Celui qui entraînera la chute d’un seul de ces petits qui croient en moi, mieux vaudrait pour lui qu’on lui attache au cou une de ces meules que tournent les ânes, et qu’on le jette à la mer. »

Écouter l’homélie

Texte de l’homélie :

« Si ta main t’entraîne au péché, coupe-la !
Si ton pied t’entraîne au péché, coupe–le !
Si ton œil t’entraîne au péché, arrache-le ! »

Chers frères et sœurs, l’Évangile est bien déroutant, parfois. Mais, s’il ne l’était pas, serait-il encore ce qu’Il est ? et ce qu’Il est, nous le savons bien, c’est une bonne nouvelle ! Mais, pas n’importe quelle bonne nouvelle, venue d’une sagesse humaine : la Bonne Nouvelle de l’engagement complet d’un amour illimité, celui de Dieu pour l’homme. Un amour qui est appelé à passer dans chacune de nos vies, en chaque membre de notre corps, jusqu’au lieu le plus profond de notre être. Voyons ce que l’Écriture nous dit de tout cela aujourd’hui :

Une réaction bien ordinaire

Ce jour-là, comme souvent, Jésus chemine avec ses disciples. Et voilà que l’un d’eux, Jean, aperçoit quelqu’un d’étranger à leur groupe chasser les esprit mauvais en se servant du nom même de Jésus. Et, si vous avez bien écouté, la première lecture offre la même problématique : Josué s’indigne que deux anciens, n’ayant pas été appelés avec les autres, se mettent à prophétiser. A Josué, Moïse répond que c’est tout le peuple qu’il aimerait voir prophétiser. Quand à Jésus, Il invite Jean à laisser faire ceux qui n’agissent pas contre Lui.

Conclusion : Dieu accorde ses dons comme Il l’entend, à qui Il veut, où Il veut et quand Il veut. En fait, ces passages de l’écriture posent une des questions actuelles les plus brûlantes : la Grâce de Dieu n’agit-elle qu’à l’intérieur d’un peuple, la Grâce salvatrice du Christ n’agit-elle qu’à l’intérieur des frontières visibles de l’Église ? Un enseignement limpide nous est donné, aux conséquences incalculables qui nous conduit à considérer le point suivant :

La magnanimité de Dieu

Il est bon de se rappeler qu’être catholique, ce que nous sommes tous en principe ici, c’est avoir une attitude d’ouverture et non de repli sur soi, sur son horizon, ses habitudes et ses manières de penser. Et c’est pourquoi il est demandé au Chrétiens, aux hommes d’Eglise comme aux fidèles, de ne jamais banaliser ni limiter la circulation de l’Esprit Saint dans notre Monde.

Aujourd’hui, comme au temps de Moïse, n’y a t-il pas des hommes et des femmes de tout âge, de toute race, de toute langue, de toute couleur, de toute opinion, de toute religion, qui travaillent aux grands problèmes mondiaux comme la faim, la liberté, la paix, la justice, etc… Aujourd’hui, comme au temps du Christ, n’y a t-il pas des exorcistes, c’est à dire des hommes qui chassent les démons qui sévissent à notre époque.

Ils sont nombreux et nous les connaissons. Nommons-en quelques uns : absence de toute référence à Dieu, exploitation des gens sans défense, des petits, mépris des improductifs, les vieillards, malades et handicapés dont on voudrait se débarrasser, comportements racistes, mauvaise répartition des richesses, avec des salaires dérisoires d’un côté et astronomiques de l’autre. Des démons qui se nomment égoïsme, haine, orgueil, vengeance, attentats, guerres… Saint Jacques écrit :

« Des moissonneurs ont travaillé vos terres, et vous ne les avez pas payés.
Vous avez recherché sur terre le plaisir et le luxe, et vous avez fait bombance pendant que l’on massacrait des gens.
Vous avez condamné le Juste et vous l’avez tué sans qu’Il vous résiste. »

Et bien, face à cela, face à cette réalité de ce monde, frères et sœurs, chacun de nous ce matin pourrait évoquer devant Dieu le nom de tel jeune, tel adulte, telle personne âgée qui, par son engagement professionnel ou dans une association, une œuvre, essaye d’apporter un peu d’amour aux autres, et le goût d’une vie meilleure. On peut penser à ces éducateurs, ces instituteurs, ces médecins, ces infirmiers, infirmières, assistantes sociales, ce dont peut-être vous êtes, à tous ces militants qui prennent de leur temps au service d’une juste cause. S’ils parlent et agissent vraiment pour un meilleur service de leurs frères, l’Esprit de Dieu n’est-il pas aussi avec eux ? Comme nous devons nous émerveiller de tout ce que l’Esprit du Seigneur fait dans le cœur des hommes, souvent dans les situations les plus inattendues, même s’ils ne sont pas « des nôtres ».

Et dans ce cheminement mystérieux des êtres vers Dieu, Jésus nous propose même de façon touchante d’admirer des gestes les plus humbles de charité, comme la valeur immense d’un simple verre d’eau offert. Derrière ces humbles gestes, n’y a t-il pas tout un poids d’attention, d’ouverture du cœur, et peut-être déjà une grande foi. Comme quoi, les Chrétiens ne sont pas eux-mêmes possesseurs de la Charité.

Oui, levons les yeux et regardons : l’action de l’Esprit-Saint est dans les membres de notre famille : nos compagnons de classe ou collègues de travail, nos voisins, nos subordonnés ou nos supérieurs, nos amis ou nos adversaires, partout, et en tous, l’Esprit de Dieu est à l’œuvre.

Discernement et rigueur

C’est que cette ouverture de cœur, cette bienveillance de fond, cette magnificence que nous propose Jésus n’est pas une invitation à la facilité, au laisser aller et encore moins à la compromission. Et c’est pourquoi, s’Il a des paroles pleines d’accueil, de confiance et de miséricorde pour les gens du dehors, Jésus a des paroles exigeantes, presque abruptes pour ses disciples, pour nous :

« Si ta main t’entraîne au péché, coupe-la ; si ton œil t’entraîne au péché, arrache-le… »

Car, s’il est tolérable qu’un homme qui n’appartient pas à la communauté du Christ fasse quelque chose de bon et de salutaire, il est cependant intolérable qu’un disciple du Christ soit cause de scandale pour les autres particulièrement pour les plus petits.

Jésus met donc clairement en évidence que ceux qui le suivent de près n’ont pas à se situer supérieurs eux autres, ni à s’enorgueillir, mais à admettre qu’ils sont des êtres fragiles, que les mains, les pieds, les yeux peuvent faire dévier de la ligne droite du Royaume.

Alors, bien sur, il ne s’agit pas de s’arracher un œil, de s’amputer d’une jambe, mais bien de rejeter fermement toute espèce d’occasion de péché et de scandale qui retarderaient et empêcheraient soi-même et les autres d’accéder à la vraie Bonne Nouvelle de l’Evangile.

En fait, sous une forme imagée, c’est l’absolu du message que Jésus redit : l’option décisive pour Lui est le combat à mener pour être un réel disciple en mesure de goûter au bonheur du Royaume. Loin de mutiler nos corps, de rétrécir nos cœurs, loin de nous massacrer ou de massacrer en nous quelque chose, le Christ, au contraire, consacre chacun de nous afin qu’il vive et vive en plénitude.

Venons-en à la conclusion : Un appel à rendre grâce ! Pourquoi ?

Parce qu’aujourd’hui, frères et sœurs, le soupir de Moïse, dont il est question dans la première lecture, est devenu réalité en Jésus-Christ qui a fait de nous tous un peuple de prophètes…

« Ah ! Si le Seigneur pouvait mettre Son esprit sur eux, pour faire de tout Son peuple un peuple de prophètes ! » disait Moïse

En effet, l’Église n’est-elle pas prophète ? Elle parle au nom du Seigneur, Elle agit en guérissant, Elle libère en délivrant, Elle sauve en consacrant, et cela, par la puissance même de l’Esprit-Saint. Mais aussi, nous tous, baptisés, ne sommes-nous pas depuis l’instant de notre baptême prophète, prêtre et roi ? De même au jour de notre confirmation, n’avons-nous pas été renouvelés dans l’Esprit-Saint pour être au milieu du Monde des hommes et des femmes inspirés par le Seigneur, c’est à dire capables de dire à leurs frères des paroles de Dieu qui touchent et qui retournent les âmes, qui guérissent les cœurs et parfois même aussi les corps…

Alors, frères et sœurs, émerveillés par la grandeur de notre vocation, oui, rendons grâce !
Rendons grâce pour les mains qui nous permettent d’offrir un verre d’eau, et nous donnent d’aider, de protéger, de secourir, de bénir.
Rendons grâce pour les pieds qui nous portent et nous donnent de faire un petit bout de chemin avec nos frères, particulièrement les plus petits.
Rendons grâce pour nos yeux qui nous donnent de voir la lumière nécessaire pour guider nos pas, mais aussi de voir la beauté des êtres et des choses qui nous entourent.
Rendons grâce aussi pour la langue qui nous donne de dire du bien, de louer et d’annoncer l’amour, tout simplement de dire à Dieu et à nos frères : « Je t’aime ».

Que près de nos vies, de nos foyers, de nos communautés, malgré nos faiblesses, les êtres retrouvent le secret de l’amour vrai, fait d’exigence et de miséricorde sans limites, à l’image de l’amour du Cœur de Dieu.

Frère, pour résumer l’enseignement de ce jour, simplement, ne retiens qu’une chose qui me semble l’essentielle : « Dieu t’a fait prophète, ne l’oublie pas ! »

Amen


Références des lectures du jour :

  • Livre des Nombres 11,25-29.
  • Psaume 19(18),8.10.12-13.14.
  • Lettre de saint Jacques 5,1-6.
  • Évangile de Jésus-Christ selon saint Marc 9,38-43.45.47-48 :

Jean, l’un des Douze, disait à Jésus :
— « Maître, nous avons vu quelqu’un chasser des esprits mauvais en ton nom ; nous avons voulu l’en empêcher, car il n’est pas de ceux qui nous suivent. »
Jésus répondit :
— « Ne l’empêchez pas, car celui qui fait un miracle en mon nom ne peut pas, aussitôt après, mal parler de moi ; celui qui n’est pas contre nous est pour nous.
Et celui qui vous donnera un verre d’eau au nom de votre appartenance au Christ, amen, je vous le dis, il ne restera pas sans récompense.

Celui qui entraînera la chute d’un seul de ces petits qui croient en moi, mieux vaudrait pour lui qu’on lui attache au cou une de ces meules que tournent les ânes, et qu’on le jette à la mer.

Et si ta main t’entraîne au péché, coupe-la. Il vaut mieux entrer manchot dans la vie éternelle que d’être jeté avec tes deux mains dans la géhenne, là où le feu ne s’éteint pas.
Si ton pied t’entraîne au péché, coupe-le. Il vaut mieux entrer estropié dans la vie éternelle que d’être jeté avec tes deux pieds dans la géhenne.
Si ton œil t’entraîne au péché, arrache-le. Il vaut mieux entrer borgne dans le royaume de Dieu que d’être jeté avec tes deux yeux dans la géhenne, là où le ver ne meurt pas et où le feu ne s’éteint pas. »