Homélie de la solennité de la Sainte Trinité

16 juin 2014

Dieu a tant aimé le monde qu’il a donné son Fils unique : ainsi tout homme qui croit en lui ne périra pas, mais il obtiendra la vie éternelle.
Car Dieu a envoyé son Fils dans le monde, non pas pour juger le monde, mais pour que, par lui, le monde soit sauvé.

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Texte de l’homélie :

Si quelqu’un, au travail ou dans la rue, vous demande d’expliquer la Trinité, ne seriez-vous pas dans l’embarras ? Et pourtant, la fête de la Sainte Trinité n’est pas faite pour les théologiens, mais bien donnée pour le peuple de Dieu.

Il faut partir du commencement : le mystère de Dieu nous dépasse !… On peut inventer des dieux, on peut projeter des tas de sentiments et de désirs, imaginer les forces qui gouvernent le monde – cela donne toutes les idolâtries imaginables – mais, s’il s’agit de connaître Dieu, le vrai Dieu, il est évident que c’est une autre catégorie, une autre classe que la nôtre. Et nous ne pouvons pas le « réduire » à nos concepts.

Certes, il y en a qui, sans aller jusque là, veulent adorer le vrai Dieu, mais s’arrêtent à l’idée du Créateur – Dieu, est le « patron » : je me soumets, mais je ne peux rien connaître et comprendre de Lui… Mais, Dieu a choisi de Se révéler à Moïse, comme nous l’entendons ici dans le texte, une deuxième fois.
La première fois, c’était le début – au Buisson Ardent – où Dieu donne Son Nom : « Le Seigneur » : c’est ce nom qui inspire l’Alléluia que nous avons chanté aujourd’hui : « Celui qui est, qui était et qui vient », comme dans l’Apocalypse : le verbe être dans toutes ses dimensions.

Puis, avec la plénitude du temps, Jésus - et Jésus seul – va nous révéler, va nous faire entrer dans ce mystère de Dieu de l’intimité de Son Père : ce qu’Il vit, ce qu’Il nous témoigne, ce qu’Il nous partage de Sa prière. Il nous apprend que Dieu n’est pas une entité fermée, une entité monolithique, mais le grand mot qui sera à la fin de la révélation, dans la première lettre de Saint Jean, qui explique toute la Trinité : Dieu est Amour. Et c’est un échange.
Alors, pour comprendre, pour pouvoir rendre compte de ce que Jésus nous a donné, les pères de l’Église, les théologiens, petit à petit ont parlé de ce mot unité : Il est un ! c’est le fondement. Et cette unité - sans être division mais en étant distinction - est aussi trois personnes.
C’est pourquoi on dit dans le credo : "une substance, une nature, trois personnes". Pour rendre compte, mais pas pour expliquer. Pour nous approcher

Et si, par ce mystère - le mystère suprême de notre foi, avec celui de l’Incarnation-Rédemption de Jésus - nous avons la vie intime de Dieu, l’être profond de Dieu. Si nous réussissons à Le connaître réellement, non pas par nos propres forces, mais par ce que Jésus nous en a ouvert, nous en a témoigné, puisqu’Il est Le Verbe, Il est un dieu « expliqué ». Et Il nous communique cet intérieur. Ce n’est pas simplement pour la joie de connaître l’intérieur de Dieu ; mais, c’est dans ce don qui est fait pour nous y faire participer – c’est toute la vie chrétienne :

« Dieu s’est fait homme pour que nous puissions devenir Dieu, que nous ayons accès à la vie de Dieu. »

Et ce n’est pas simplement pour connaître Dieu Lui-même : c’est aussi pour nous permettre de connaître notre nature profonde : qui nous sommes. Sommes-nous faits pour la domination, sommes-nous faits pour consommer, exploiter, profiter des choses ?
Non ! Nous sommes faits à l’image de Dieu, nous sommes faits pour la communion, pour l’amour. Et ce à quoi nous invite Jésus dans notre vie chrétienne, c’est apprendre à aimer. Non pas à « se débrouiller comme on peut pour aimer »… À aimer comme Lui nous a aimés, à aimer de cet amour dont on s’aime entièrement, en pleine communion, sans confusion avec cette force de l’amour de Dieu qui se donne tout entier.

Alors, quand on regarde le mystère de la Trinité, chacune de trois personnes est Dieu tout entier :

  • Le Père est Dieu qui se donne,
  • Le Fils est Dieu tout entier qui se reçoit,
  • et l’Esprit est le fruit de cet échange

Pour reprendre d’autre paroles, avec Saint Augustin, par exemple :

Le Père est l’« aimant », le Fils est l’« aimé » et l’Esprit est l’« Amour »

Et cela va nous inviter à apprendre à aimer. Vous le voyez bien, dans la deuxième lecture, on nous salue comme on salue à la messe : le salut du début de la messe est pris de ces mots de la fin de la deuxième épître, la salutation que Saint Paul adresse aux Corinthiens :

« Que la grâce du Seigneur Jésus, l’Amour de Dieu, et la communion de l’Esprit Saint soit avec vous.
Soyez dans la joie, encouragez vous, soyez d’accord, vivez en paix ! »

On voit ici tous les fruits de l’Esprit-Saint : l’amour, la paix, la joie, la bienveillance, la bonté, la maîtrise de soi qui sont donnés, auxquels nous sommes invités à vivre concrètement. Et c’est dans le concret de notre vie que nous sommes appelés à porter cet amour.

Et pour cela, nous sommes appelés à être attentifs. Attentifs à la parole de Dieu, à la prière de Jésus, à la parole de Jésus, qui va nous apprendre comment aimer : aimer comme Dieu, Lui qui se donne tout entier dans la Parole pour aimer, en disant :

« Je ne vous appelle plus serviteurs mais amis, car tout ce que j’ai appris de mon père, je vous l’ai donné. »

Dans la Croix, on le voit : Il se donne tout entier. Et dans l’Eucharistie aussi, on l’entendra dans l’hymne dimanche prochain, lors de la séquence :

« Jésus se donne tout entier, dans chaque petit morceau, et c’est tout le mystère de Dieu. »

Ce n’est pas une « vague communion » : c’est Lui pleinement que je reçois.

« Alors, ouvre-toi ! fais-toi capacité !
Et dans la prière ! chacune de nos prières est ordonnée, dans le concret, est pleine de ce mystère de la communion de Dieu. »

Comme Père Eric y faisait allusion en commençant la messe, que ce soit dans le simple signe de croix, nous invoquons la Trinité. Que ce soit dans chaque prière de la messe qui se termine par cette doxologie, ainsi que dans les psaumes, ou dans la structure elle-même de la messe qui s’adresse toujours à Dieu de Père par Dieu le Fils en Dieu Esprit-Saint, avec cette puissance de l’Esprit qui nous est communiquée…

Et c’est cette joie de découvrir le sens profond de notre vie quand nous pouvons aborder le Seigneur. Découvrir et pouvoir entrer dans cet amour par notre pensée, notre prière, notre contemplation, notre cœur, par notre esprit et notre action, et - comme l’y invitait déjà Paul VI, repris par Jean-Paul II - de construire la civilisation de l’Amour.

Le concile Vatican a bien recentré cette spiritualité chrétienne de communion, de solidarité, d’ouverture et d’attention à l’autre, permettant à chacun de grandir, de s’épanouir en aimant vraiment, en créant de vraies relations avec chacun.

C’est le mystère de Dieu que nous connaissons. Le mystère de l’homme en contre partie que nous découvrons. Et il faudrait ajouter qu’il s’agit aussi de mystère ultime de la création. Dans notre univers, tout est fait pour communiquer : avec le sens de l’écologie, on sait que tout est inter-dépendant. Les éléments, les êtres entrent en interaction les uns avec les autres pour vivre, et que l’homme soit aussi cet élément de communion. Et, quand dans le psaume, le Ciel proclame la gloire de Dieu, le firmament raconte Ses exploits, c’est la Création que l’on regarde. Et il est dit ensuite :

« La mesure de chaque chose, c’est le nom du Seigneur ! »

Comme disent les théologiens, au cœur de la matière, il y a la trace du Seigneur.

Et nous voilà, peuple de Dieu, appelé à nous réjouir. Certes, ce mystère nous dépasse, mais il nous est donné. C’est Jésus qui nous a pris par la main, et qui dit : « Entre dans le Royaume, entre dans le mystère du Royaume : regarde et apprends à vivre dans le plein épanouissement, dans le plénitude de ton être, en vivant en amitié avec le Seigneur, qui nous donne Son Père comme père, qui nous donne comme esprit Son Esprit, qui nous donne comme visage Sa propre personne. »

Amen !


Références des lectures du jour :

  • Livre de l’Exode 34,4b-6.8-9.
  • Livre de Daniel 3,52.53.54.55.56.
  • Deuxième lettre de saint Paul Apôtre aux Corinthiens 13,11-13.
  • Évangile de Jésus Christ selon saint Jean 3,16-18 :

Dieu a tant aimé le monde qu’il a donné son Fils unique : ainsi tout homme qui croit en lui ne périra pas, mais il obtiendra la vie éternelle.
Car Dieu a envoyé son Fils dans le monde, non pas pour juger le monde, mais pour que, par lui, le monde soit sauvé.

Celui qui croit en lui échappe au Jugement, celui qui ne veut pas croire est déjà jugé, parce qu’il n’a pas cru au nom du Fils unique de Dieu.