Homélie de la solennité du Christ, Roi de l’Univers

24 novembre 2025

Et il disait : « Jésus, souviens-toi de moi quand tu viendras dans ton Royaume. »
Jésus lui déclara : « Amen, je te le dis : aujourd’hui, avec moi, tu seras dans le Paradis. »

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Texte de l’homélie

Frères et sœurs bien-aimés, comme vous le savez, cette fête n’a rien à voir avec une forme de royalisme. Pour mieux comprendre cette fête, il est bon de voir pourquoi Pie XI a institué cette fête en 1925, il y a exactement 100 ans. Dans un deuxième temps, je vous dirai quelques mots sur le royaume du Christ. Et enfin, que nous faut-il faire pour avoir part à ce royaume ?

Pourquoi cette fête du Christ-Roi ? Sa signification ?

Circonstances de la naissance de cette fête

Le pape Pie XI, en 1925, a institué cette fête pour des chrétiens très impressionnés par la puissance destructrice de certaines idéologies, de certains pouvoirs politiques. Quelques années avant, en 1917, il y a eu la révolution en Russie. Il y avait aussi le gouvernement anticlérical mexicain, où de nombreux chrétiens marchèrent vers la mort en criant jusqu’au dernier souffle : « Viva Cristo Rey ! », vive le Christ Roi !

Si l’institution de cette fête est récente, il n’en est pas de même pour son contenu et son idée centrale qui est en revanche très ancienne et qui est née en quelque sorte avec le christianisme. L’expression « le Christ règne » trouve son équivalent dans la profession de foi : « Jésus est le Seigneur » qui occupe une place centrale dans la prédication des apôtres.

Comme successeur de Pierre, Pie XI voulait affermir la foi de ses frères pour les aider à affronter des situations très difficiles. Bien avant, nous avons entendu cette semaine dans le livre des martyrs d’Israël combien la foi en un Dieu souverain a aidé ces juifs à tenir bon et traverser les épreuves :

« C’est lui qui, dans sa miséricorde, vous rendra l’esprit et la vie, parce que, pour l’amour de ses lois, vous méprisez maintenant votre propre existence. » (2 M 7, 23)

Cette royauté du Christ vient relativiser le pouvoir des violents mais aussi de tous ceux qui détiennent une autorité sur la terre, car le Christ-Roi est celui qui juge les nations. C’est ce que nous professons dans notre credo : « Il reviendra dans la gloire pour juger les vivants et les morts ». Cette fête du Christ-Roi est d’abord un appel pour nous à l’espérance : il y a quelqu’un au gouvernail ; le monde ne va pas vers sa perte.

Le déjà et le pas encore

Alors, si le Christ est roi, pourquoi tant de violence ? Parce nous sommes dans la période du « déjà » et du « pas encore ». De droit, la royauté du Christ est acquise. C’est un fruit de la Croix de Jésus (CEC 679). Déjà Jésus a obtenu la victoire, mais c’est en espérance. De fait, la royauté du Christ requiert d’être accueillie. Comme nous le savons que trop bien, nous sommes dans le temps intermédiaire où les hommes sont appelés à choisir librement, quelque fois trop librement à nos yeux, la royauté du Christ.

« Déjà présent dans son Eglise, le Règne du Christ n’est cependant pas encore achevé "avec puissance et grande gloire" (Lc 21,27 cf. Mt 25,31) par l’avènement du Roi sur la terre. » (CEC 671)

C’est ce qui donne à saint Paul une espérance et une liberté impressionnante.

« Qui pourra nous séparer de l’amour du Christ ? la détresse ? l’angoisse ? la persécution ? la faim ? le dénuement ? le danger ? le glaive ? (…) Mais, en tout cela nous sommes les grands vainqueurs grâce à celui qui nous a aimés. J’en ai la certitude : ni la mort ni la vie, ni les anges ni les Principautés célestes, ni le présent ni l’avenir, ni les Puissances, ni les hauteurs, ni les abîmes, ni aucune autre créature, rien ne pourra nous séparer de l’amour de Dieu qui est dans le Christ Jésus notre Seigneur. » (Rm 8, 35-39)

La fin de l’année liturgique}

Depuis la réforme du calendrier liturgique, la fête du Christ-Roi est appelée désormais la fête du « Christ-Roi de l’univers ». Elle vient conclure l’année liturgique. Elle nous appelle à tourner notre regard vers la destination finale de l’histoire qui sera le règne définitif et éternel du Christ. Dimanche prochain, nous commencerons un nouveau cycle liturgique par le temps de l’avent pour la préparation de la venue du Fils de Dieu sur terre à Noël.

Qu’est-ce que le Royaume ?

L’évangile du jour où Jésus promet le royaume au bon larron alors qu’il est en train de mourir sur la croix nous montre bien que ce royaume n’a rien à voir avec un régime politique. D’ailleurs Jésus a bien dit à Pilate : « mon royaume n’est pas de ce monde ». Dans l’évangile, les grands prêtres veulent un messie triomphant, les soldats ne conçoivent pas un roi faible et désarmé. Il est bon de voir la différence entre le royaume dont on rêve spontanément et celui que nous propose Jésus.

Le royaume dont on rêve

Peut-être avons-nous une vision un peu courte du Royaume de Dieu ? Il est bon de nous laisser questionner par le Seigneur.

Nous rêvons sans doute d’un monde du bien-être où il n’y aurait pas de difficultés, où il n’y aurait pas besoin de se battre, où il est facile d’aimer. Ce serait plutôt des vacances qui ne finissent pas. Ce serait un monde où tout serait bien organisé, où l’homme serait sans faiblesse, où il n’y aurait pas d’échecs, pas de souffrance.

Effectivement, il est légitime de désirer ce royaume où Dieu « essuiera toute larme de leurs yeux, et la mort ne sera plus, et il n’y aura plus ni deuil, ni cri, ni douleur » (Ap 21, 4) mais ce n’est pas pour maintenant.

Le royaume que nous propose Jésus

Le royaume que nous propose Jésus ne consiste pas d’abord dans des circonstances idéales qui nous sont extérieures, le « meilleur des mondes » en quelque sorte. Il consiste bien plutôt en une qualité de relation avec Dieu et avec les autres. C’est le royaume de l’amour.

Comme nous l’expérimentons quotidiennement, vivre de cet amour de Dieu ne nous est pas spontané. Les Béatitudes, qui sont la charte du royaume de Dieu, nous le montrent bien. Cela implique de passer par une étape où nous sommes appelés à affronter le mal et choisir le Seigneur.

Nous rentrons dans ce royaume par le pardon (cf. 2e lecture et Evangile). Dans le passage d’évangile de ce jour, le bon larron reconnaît humblement ses torts et accepte de porter les conséquences de ses actes mauvais.

La manière de régner de Jésus

Jésus n’exerce pas sa royauté à la manière comme les hommes :

« Vous le savez : les chefs des nations païennes commandent en maîtres, et les grands font sentir leur pouvoir. Parmi vous, il ne doit pas en être ainsi : celui qui veut devenir grand sera votre serviteur ; et celui qui veut être le premier sera votre esclave. Ainsi le Fils de l’homme n’est pas venu pour être servi, mais pour servir et donner sa vie en rançon pour la multitude. » (Mt 20, 25-28)

Dans la période de l’histoire que nous vivons, Jésus ne s’impose pas par la force. Jésus accepte une forme d’impuissance comme nous le voyons dans l’évangile. Mais, au dernier jour, comme nous le professons dans le credo, « il reviendra dans la gloire, pour juger les vivants et les morts ; et son règne n’aura pas de fin ».

Que faire pour avoir part à ce royaume ?

Choisir Jésus

Que nous le voulions ou non, Jésus est roi et c’est lui qui jugera l’humanité entière au dernier jour. En revanche, il nous revient de choisir Jésus.

Dans l’évangile, les démons n’appellent jamais Jésus « Seigneur ». Ils peuvent lui dire : ‘Tu es le Fils de Dieu’ ou bien : ‘Tu es le Saint de Dieu !’ (Mt 4, 3 ; Mc 3, 11 ; 5, 7 ; Lc 4, 41). Mais jamais : ‘Tu es le Seigneur !’ car ce serait accepter de reconnaître sa souveraineté.

Il nous revient d’accepter Jésus comme notre Seigneur, d’accepter d’entrer librement dans la sphère de sa domination. C’est accepter de vivre ‘pour lui’ et non plus ‘pour nous-mêmes’ comme le dit saint Paul :

« Le Christ est mort pour tous, afin que les vivants n’aient plus leur vie centrée sur eux-mêmes, mais sur lui, qui est mort et ressuscité pour eux » (2 Co 5 15 ; cf. Rm 14, 7-8)

Renoncer au péché

Comme le dit Saint Paul dans la deuxième lecture, il s’agit de [[nous laisser arracher à « l’empire des ténèbres » (Col 1, 13) pour entrer dans la lumière du royaume. Comme le dit Origène :

« Le règne du péché est inconciliable avec le règne de Dieu. Si donc nous voulons que Dieu règne sur nous, que ‘jamais le péché ne règne dans notre corps mortel’. Mais ‘faisons mourir en nous ce qui appartient encore à la terre’, portons les fruits de l’Esprit. »

Les rois qui règnent en nous s’appellent quelquefois : plaisir, concupiscence, orgueil, égoïsme, … Nous avons quelquefois l’impression d’être libres, mais nous avons bien du mal à résister à certaines tentations de gourmandise, d’impureté, de médisance, …

Choisir « les réalités d’en haut »

Ces réalités d’En-Haut dont nous parle saint Paul dans sa lettre aux Colossiens, ce sont des manières de vivre du Royaume de Dieu :

« Revêtez-vous de tendresse et de compassion, de bonté, d’humilité, de douceur et de patience. Supportez-vous les uns les autres, et pardonnez-vous mutuellement si vous avez des reproches à vous faire. Le Seigneur vous a pardonnés : faites de même. Par-dessus tout cela, ayez l’amour, qui est le lien le plus parfait. » (Col 3)

Notre attitude envers les pauvres, comme l’a rappelé récemment le pape Léon XIV dans la lettre « Dilexi te », est un élément déterminant pour entrer dans le royaume :

« Venez les bénis de mon Père, recevez en héritage le Royaume préparé pour vous depuis la création du monde. Car j’avais faim, et vous m’avez donné à manger ; j’avais soif, et vous m’avez donné à boire ; j’étais un étranger, et vous m’avez accueilli ; j’étais nu, et vous m’avez habillé ; j’étais malade, et vous m’avez visité ; j’étais en prison et vous êtes venus jusqu’à moi ! » (Mt 25, 34-36)

Conclusion :

Un peu comme le bon larron, nous pouvons nous sentir comme indignes pour un tel royaume. C’est aussi l’expérience de saint Paul :

« Je ne fais pas le bien que je voudrais, mais je commets le mal que je ne voudrais pas. » (Rm 7, 19)

Si nous avons le désir sincère de nous mettre sous la royauté de Jésus, il nous donnera la grâce de sa miséricorde et affermira notre volonté de vivre selon l’Évangile.

Que Marie nous aide à avoir foi et espérance en la royauté de Jésus. Qu’elle nous aide aussi à ne pas nous décourager et à garder toujours vivant ce désir d’appartenir au royaume de Jésus.

Amen !


Références des lectures du jour :

  • Deuxième livre de Samuel 5,1-3.
  • Psaume 122(121),1-2.3-4.5-6.
  • Lettre de saint Paul Apôtre aux Colossiens 1,12-20.
  • Évangile de Jésus-Christ selon saint Luc 23,35-43 :

En ce temps-là, on venait de crucifier Jésus, et le peuple restait là à observer. Les chefs tournaient Jésus en dérision et disaient : « Il en a sauvé d’autres : qu’il se sauve lui-même, s’il est le Messie de Dieu, l’Élu ! »
Les soldats aussi se moquaient de lui ; s’approchant, ils lui présentaient de la boisson vinaigrée, en disant : « Si tu es le roi des Juifs, sauve-toi toi-même ! »
Il y avait aussi une inscription au-dessus de lui : « Celui-ci est le roi des Juifs. »
L’un des malfaiteurs suspendus en croix l’injuriait :
— « N’es-tu pas le Christ ? Sauve-toi toi-même, et nous aussi ! »
Mais l’autre lui fit de vifs reproches :
— « Tu ne crains donc pas Dieu ! Tu es pourtant un condamné, toi aussi !
Et puis, pour nous, c’est juste : après ce que nous avons fait, nous avons ce que nous méritons. Mais lui, il n’a rien fait de mal. »
Et il disait :
— « Jésus, souviens-toi de moi quand tu viendras dans ton Royaume. »
Jésus lui déclara :
— « Amen, je te le dis : aujourd’hui, avec moi, tu seras dans le Paradis. »