Homélie de la solennité du Christ Roi

25 novembre 2016

« Jésus, souviens-toi de moi quand tu viendras dans ton Royaume »

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Texte de l’homélie :

Notre religion, frères et sœurs bien-aimés, est un peu particulière.

Aujourd’hui pour la fête du Christ-Roi on aurait pu s’attendre à un texte qui magnifie le Christ, un peu comme dans l’entrée dans Jérusalem au moment des Rameaux, quelque chose qui le mette en valeur, et voilà que la liturgie de ce dimanche nous propose quelque chose de tout à fait différent : la crucifixion, Jésus en croix, et face à lui différentes attitudes du cœur.

Notre Roi, un roi blessé

C’est vrai que le Royaume que nous propose Jésus n’est pas le royaume à la manière de ce monde, mais à la manière de Dieu qui se donne dans la fragilité, qui se donne dans la pauvreté, qui se donnent parfois même dans la souffrance.
Comme il est bon de se rappeler qu’au tout début de l’Église des chrétiens n’ont eu de cesse d’aller aux limites de l’humain, là où l’humain est tellement blessé que plus personne même ne souhaitait s’y rendre. Parce qu’à travers cette rencontre avec la personne blessée, souffrante, crucifiée, il reconnaissait le Sauveur. Et de là ont jaillies des tas d’œuvres de miséricorde, des tas de congrégations religieuses qui ont eu souci des personnes les plus fragiles.

Oui, notre Roi n’est pas un roi à la manière du monde, notre Roi est un roi blessé. C’est très important que ce soit un roi blessé.
Je me souviens de Monseigneur Léonard, l’ancien cardinal archevêque de Bruxelles, qui disait dans une de ses conférences, que ce qui fait le plus obstacle à l’évangélisation, c’est le mystère du mal, c’est le mystère de la souffrance.
Et si en plus de cela on pense qu’il existe un Dieu qui est tout-puissant, cela ne fait qu’accroître le rejet de Dieu. Parce que s’il est tout-puissant, pourquoi ne fait-il rien ?

Mais nous, comme chrétiens, nous ne croyons pas en un Dieu qui est loin des hommes, puisqu’il a pris notre nature humaine, nous ne croyons pas en un Dieu qui se désintéresse de nos souffrances et de nos misères. Il les a prises toutes sur la Croix.
Nous croyons en un Dieu blessé, en Jésus-Christ, dans son humanité, qui se laisse toucher par la misère humaine. En se laissant toucher par cette misère humaine, il y a quelque chose de la gloire de Dieu et de la gloire de l’homme qui se manifeste-là de façon extraordinaire.

Oui, ce que nous contemplons en contemplant la Croix, c’est la gloire. C’est encore plus frappant dans l’évangile de saint Jean où l’heure, selon ce mot que Jésus emploie bien souvent dans cette évangile, l’heure qui est l’heure de la glorification, c’est l’heure de la passion.

Comme il nous faut changer de regard, frères et sœurs bien-aimés, pour découvrir justement dans cette passion quelque chose de lumineux. Les plaies de Jésus sont lumineuses. Les plaies de Jésus viennent guérir nos propres plaies.
Et c’est très beau, la résurrection : Jésus ne ressuscite pas avec un corps glorieux absolument intact, impeccable, mais avec un corps glorieux et blessé. Mais de ses blessures vienne la guérison.

Mets ta main dans mon côté, enfonce tes doigts dans les marques des clous de mes mains "

Le règne de Dieu dans la petitesse

Oui, frères et sœurs bien-aimés, cela nous demande un changement radical de notre manière de voir la vie.

La souffrance n’est pas simplement un lieu qui peut nous éloigner, mais c’est un lieu aussi qui peut nous rapprocher du Seigneur.
Et en cette année de la miséricorde, le Saint-Père n’a eu de cesse de rappeler cette vérité tellement claire de notre foi : en étant en contact avec les plus pauvres, en étant en contact avec les crucifiés de la terre - on le sait bien, dans notre monde soit on est sur la croix, soit on est au pied de la croix, face à cela c’est le Christ lui-même que nous rencontrons - notre cœur change, il y a une expérience nouvelle, il y a quelque chose de nouveau qui naît, qui découvre justement dans ce contact avec la fragilité quelque chose qui a à voir avec la gloire et même avec une joie.

Le Saint-Père a voulu conclure ce Jubilé de la miséricorde par cette grande réunion appelée Fratello, le week-end dernier, qui rassemblait des personnes de la rue, des SDF, des personnes marginales de plusieurs pays et qui venaient là auprès du Seigneur, auprès du Saint-Père.
Il y a eu un moment émouvant dans cette rencontre : le Saint-Père a demandé à ces pauvres de venir prier pour lui. Ils se sont approchés, ont imposé les mains sur ses épaules, certains touchaient sa soutane, d’autres voulaient prier de façon à ce qu’il puisse, à travers la prière des pauvres, exercer son ministère de successeur de Pierre.

Oui, la prière des pauvres c’est la prière du Crucifié.
Saint-François-d ‘Assise a eu cette expérience extraordinaire du Crucifié à travers le lépreux.
C’est spécifique à notre religion, un Dieu qui manifeste sa gloire, qui manifeste sa puissance dans la faiblesse.

Quand je suis faible, c’est alors que je suis fort". Saint-Paul

Il est bon d’annoncer que notre Dieu se fait proche de tout à chacun, particulièrement ceux qui sont les plus blessé, les malades, les personnes rejetées d’une manière ou d’une autre, les personnes âgées qui sont dans la solitude. Jésus se fait proche de chacun et par son Esprit Saint il vient consoler chacun à la manière dont chacun a besoin d’être consolé.

Vous l’avez sûrement expérimenté dans votre vie, moi je l’ai expérimenté dans mon ministère de prêtre et singulièrement quand j’étais aumônier de prison en Amérique latine.
Comme il est difficile de consoler ! On ne sait pas les mots face à quelqu’un qui pleure, face à un deuil, face à quelque chose qui paraît tellement injuste, face à la guerre, face à toutes ces personnes jetées sur les routes. Que va-t-on dire ? On se sent tellement démuni, tellement pauvre, tellement sans solution. Mais ce n’est pas une solution que le Seigneur nous demande, c’est surtout une qualité de présence auprès de la personne affligée.

Oui, nous croyons que l’Esprit Saint, par la prière, le fait de se tenir en silence à côté de l’autre, rien que cela, vient rejoindre son cœur pour que cette personne soit consolée et reçoive la force dont elle a besoin.

C’est cela le règne de Dieu. Le règne de Dieu se manifeste dans la petitesse, parfois même dans ce qui peut paraître inhumain comme la crucifixion du Christ. Cela révèle le cœur des hommes.

On peut voir l’attitude de chacun avec le Crucifié, comment chacun s’est positionné. Le bon larron, face au Christ, implore miséricorde, alors que l’autre est accusateur.
C’est vrai que la croix du Christ est à la fois lumière et à la fois ténèbres. Elle est lumière pour celui qui croit, elle est ténèbres pour celui qui est loin de Dieu. Un peu comme la nuit des Hébreux dans le désert qui était lumière pour le peuple élu d’Israël et ténèbres pour les Égyptiens qui les poursuivaient.

Frères et sœurs bien-aimés, demandons d’avoir un regard différent sur la royauté du Christ et de façon générale sur toutes nos responsabilités, sur tout ce qui fait qu’on peut d’une manière ou d’une autre exercer un pouvoir.
Le pouvoir dans la vie chrétienne c’est d’abord un service, ce n’est pas une manière de se mettre en valeur. Le pouvoir à la manière du Christ c’est se mettre à genoux au pied des apôtres et de leur laver les pieds.
Mais il faut un regard de foi, cela peut paraître tellement dérisoire, inutile.
Comme chrétiens nous disons que ce n’est pas inutile.

Puissions-nous aussi confier au Seigneur tout ce qui peut faire nos propres misères.
J’aimerais terminer sur cette prière de Marie-Noël au Seigneur : ’Seigneur regarde-moi en passant’ où elle évoque toutes ces misères : La torpeur de l’âme, le remords de ma mollesse et la mollesse plus forte que le remords…
Donne !
Des troubles, des épouvantes, des doutes…
Donne !
Seigneur ! Voilà que, comme un chiffonnier, Tu vas ramassant des déchets, des immondices.
Qu’en veux-tu faire, Seigneur ?
Le Royaume des Cieux.

Amen !


Références des lectures du jour :

  • Deuxième livre de Samuel 5,1-3.
  • Psaume 122(121),1-2.3-4.5-6.
  • Lettre de saint Paul Apôtre aux Colossiens 1,12-20.
  • Évangile de Jésus Christ selon saint Luc 23,35-43 :

En ce temps-là, on venait de crucifier Jésus, et le peuple restait là à observer.
Les chefs tournaient Jésus en dérision et disaient : « Il en a sauvé d’autres : qu’il se sauve lui-même, s’il est le Messie de Dieu, l’Élu ! »
Les soldats aussi se moquaient de lui ; s’approchant, ils lui présentaient de la boisson vinaigrée, en disant : « Si tu es le roi des Juifs, sauve-toi toi-même ! »
Il y avait aussi une inscription au-dessus de lui : « Celui-ci est le roi des Juifs. »

L’un des malfaiteurs suspendus en croix l’injuriait : « N’es-tu pas le Christ ? Sauve-toi toi-même, et nous aussi ! »
Mais l’autre lui fit de vifs reproches : « Tu ne crains donc pas Dieu ! Tu es pourtant un condamné, toi aussi !
Et puis, pour nous, c’est juste : après ce que nous avons fait, nous avons ce que nous méritons. Mais lui, il n’a rien fait de mal. »
Et il disait : « Jésus, souviens-toi de moi quand tu viendras dans ton Royaume. »
Jésus lui déclara : « Amen, je te le dis : aujourd’hui, avec moi, tu seras dans le Paradis. »