Homélie de la solennité du Corps et du Sang du Christ

12 juin 2023

« Tel est le pain qui est descendu du ciel : il n’est pas comme celui que les pères ont mangé. Eux, ils sont morts ; celui qui mange ce pain vivra éternellement. »

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Texte de l’homélie

Frères et sœurs bien-aimés,

Il est toujours intéressant de méditer sur la calendrier liturgique. Ce n’est pas certes pas le cœurs des méditations de tout un chacun, mais quand on s’y attarde un peu, on en tire des leçons. Cette fête du Saint Sacrement du Corps et du Sang du Christ – appelée Fête Dieu – est célébrée selon le calendrier liturgique le dimanche qui suit la Sainte Trinité que nous avons fêtée dimanche dernier. Cette fête fait suite au dimanche de Pentecôte, elle-même célébrée cinquante jours après Pâques.

On peut donc dire que cette fête du Corps et du Sang du Seigneur est dans la mouvance de Pâques. Et on peut le dire à plus d’un titre car c’est vraiment la Pâque du Seigneur :

« Ceci est mon corps… Ceci est mon sang…
Faites cela en mémoire de moi. »

C’est cette Pâque du Seigneur que nous célébrons chaque dimanche, et l’on comprend bien qu’il y a une certaine logique que cette fête du Corps et du Sang du Seigneur se manifeste comme un écho et comme un retentissement de la fête de Pâques.

Mais nous sommes appelés à aller plus profondément. Pâque signifie passage, dans le sens d’une capacité de transformation, d’une capacité d’innovation, de quelque chose qui n’existait pas et qui advient maintenant, passage du connu à l’inconnu. Et cette Pâque du Christ était déjà préfigurée dans l’Ancien Testament à travers la Pâque vécue par les Hébreux, c’est notre lecture en tous cas. C’est intéressant de savoir comment ils ont traversé la Mer Rouge et comment ils sont passés de l’esclavage à la liberté.
Quand à nous, nous passons par la Résurrection de la mort à la vie ! Les parallèles entre les deux sont évidemment multiples…

Il faut bien voir que cette traversée des Hébreux a été constitutive pour leur peuple, comme c’est constitutif pour nous, à tel point que Hébreux se nomme « passeur » dans la Bible. Cela s’écrit pareil : être Hébreux, c’est être passeur, c’est le même mot.

Le peuple hébreux est un peuple de passeurs, c’est à dire que ce passage qui les a conduits de l’esclavage à la liberté, qui leur a permis de sortir d’Égypte par la grâce du Seigneur les a constitués comme peuple. Ce passage-là a fait d’eux un peuple, c’est à partir de là qu’ils sont un peuple.
Ils vont vers la liberté et libre comme ils sont, ils recevront la Loi dans le désert. Seul quelqu’un de libre peut appliquer la Loi.

Et, quand on fait cette lecture par rapport aux Hébreux, pour nous aussi la Pâque du Seigneur nous a créés comme peuple de Dieu, elle nous a créés comme Église. Et c’est pour cela que c’est capital de pouvoir participer et célébrer et que les prêtres soient suffisamment nombreux pour célébrer la Pâque du Seigneur au moins chaque dimanche, de façon à ce que nous nous retrouvions comme peuple, comme peuple que nous puissions faire mémoire de la Pâque du Seigneur.

La Pâque du Seigneur est constitutive de nous-mêmes. Le corps et le sang du Seigneur nous font passer de la mort à la vie, ils agissent en nous comme un agent transformant. S’il y a certes une transformation du pain et du vin dans le corps et le sang du Christ, c’est une transformation agissante en nous, elle travaille en nous. Elle nous constitue comme peuple et elle nous aide dans le travail de sainteté, elle nous sanctifie.
La Pâque est toujours en vue de la sainteté, en vue de la communion avec Dieu, en vue d’une recréation qui se manifeste le premier jour de la semaine. C’est ce même jour que Marie-Madeleine se rend au tombeau de grand matin. Elle se lève, elle voit, elle a l’expérience du Ressuscité.

Et c’est important que nous prenions conscience nous-mêmes à la fois de l’importance de nous souder les uns aux autres comme peuple de Dieu, comme Église à travers la messe dominicale qui est le lieu par excellence et de demander les grâces sacerdotales.

Il y a cette sorte de mouvance dans l’Église qui dirait que l’on a plus besoin de prêtres… bien sûr que si, car, comment peut-on célébrer l’Eucharistie sans prêtre ? Comment va-t-on faire peuple de Dieu, Église du Seigneur sans l’Eucharistie ? il y a une forme d’incohérence…
C’est donc important que nous portions les vocations sacerdotales dans notre prière, parce que c’est constitutif de notre peuple et de l’Église.

C’est très beau de réfléchir à cette transformation, à cet avant et cet après d’une nouveauté qui advient. Il y a quelque chose qui se réveille en nous, la Pâque du Seigneur nous éveille à la réalité de Dieu.

« Éveille-toi, ô toi qui dors ! Relève-toi d’entre les morts, et le Christ t’illuminera ! »

C’est cette Pâque de Dieu qui a cet effet sur nous : tout ce qui était endormi en nous finit être présent, par surgir, par advenir ! C’est la grâce que nous demandons dans cette eucharistie.

Si la question du passage est très importante, il y en a une autre qui ne l’est pas moins : c’est de nous rappeler que nous sommes de passage sur cette terre. Le peuple Hébreux ne peut pas l’oublier, lui qui a traversé le désert puis est passé de pays en pays. Il a vécu ce dénuement et cette fragilité qui les a amenés à se laisser conduire par la main du Seigneur.

Même si cela est moins connu ou se pratique moins souvent de nos jours, il y a aussi le viatique : c’est cette pratique d’apporter le pain pour le voyage pour une personne qui est sur le point de mourir. C’est le pain pour le grand passage lorsque l’on quitte ce monde pour aller dans la contemplation de Dieu.

Il est intéressant de voir que ce viatique nous donne la conscience de la présence réelle de Dieu, nous rappelle que, si nous sommes de passage, nous aurons aussi à répondre de nos actes car ils retentissent dans l’Éternité.

Voyons comment l’Éternité vient éclairer notre vie à travers la présence réelle du Seigneur, la présence de Son corps et de Son sang. C’est le pain de forts qui nous conduit vers l’Éternité, au dernier jour de notre vie. Espérons, quand on le peut, si la santé le permet, d’avoir la grâce de communier le dernier jour de notre vie ! on est accompagné dans ce voyage et c’est une vraie bénédiction que d’être conduit vers l’au-delà…

Ainsi, cette fête que nous célébrons nous permet de comprendre cette logique de Pâques qui retentit, c’est comme un écho de Pâques et c’est heureux d’avoir mis cette fête dans la continuité de la Pâques du Seigneur. Cela nous aide à reprendre conscience de l’importance de la participation à la messe dominicale, ainsi que du travail de la grâce qui se fait en nous. Quelque chose advient, une transformation intérieure s’opère.

Il arrive que des personnes arrêtent de communier et on peut espérer qu’elles ont le discernement nécessaire, mais cela pose tout de même question. Si certains ne peuvent pas s’approcher de la communion car n’étant pas baptisés ni n’ayant encore communié, ils ont cependant la possibilité de le faire spirituellement et de profiter de ce pouvoir transformateur pour cheminer intérieurement et se préparer au grand passage. Ceux qui le peuvent et ne le font pas, il est dangereux de s’en abstenir volontairement.

Nous pouvons alors demander cette grâce particulière au Seigneur les uns pour les autres de devenir les témoins d’un Dieu qui nous appelle des ténèbres à Son admirable lumière,

Amen !


Références des lectures du jour :

  • Livre du Deutéronome 8,2-3.14b-16a.
  • Psaume 147,12-13.14-15.19-20.
  • Première lettre de saint Paul Apôtre aux Corinthiens 10,16-17.
  • Évangile de Jésus-Christ selon saint Jean 6,51-58 :

En ce temps-là, Jésus disait à la foule : « Moi, je suis le pain vivant, qui est descendu du ciel : si quelqu’un mange de ce pain, il vivra éternellement. Le pain que je donnerai, c’est ma chair, donnée pour la vie du monde. »
Les Juifs se querellaient entre eux : « Comment celui-là peut-il nous donner sa chair à manger ? »
Jésus leur dit alors : « Amen, amen, je vous le dis : si vous ne mangez pas la chair du Fils de l’homme, et si vous ne buvez pas son sang, vous n’avez pas la vie en vous.
Celui qui mange ma chair et boit mon sang a la vie éternelle ; et moi, je le ressusciterai au dernier jour.
En effet, ma chair est la vraie nourriture, et mon sang est la vraie boisson. Celui qui mange ma chair et boit mon sang demeure en moi, et moi, je demeure en lui.
De même que le Père, qui est vivant, m’a envoyé, et que moi je vis par le Père, de même celui qui me mange, lui aussi vivra par moi.
Tel est le pain qui est descendu du ciel : il n’est pas comme celui que les pères ont mangé. Eux, ils sont morts ; celui qui mange ce pain vivra éternellement. »