Homélie de la solennité du Saint Sacrement du Corps et du Sang du Christ

7 juin 2021

Pendant le repas, Jésus, ayant pris du pain et prononcé la bénédiction, le rompit, le leur donna, et dit : « Prenez, ceci est mon corps. »
Puis, ayant pris une coupe et ayant rendu grâce, il la leur donna, et ils en burent tous. Et il leur dit : « Ceci est mon sang, le sang de l’Alliance, versé pour la multitude.
Amen, je vous le dis : je ne boirai plus du fruit de la vigne, jusqu’au jour où je le boirai, nouveau, dans le royaume de Dieu. »

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Texte de l’homélie

Frères et sœurs bien-aimés,

En cette solennité du Saint Sacrement, on peut se demander pourquoi elle est située en cette période-ci du calendrier liturgique. Après la fête de la Pentecôte et celle de la Trinité, l’Eglise nous donne de méditer sur le Saint Sacrement du Corps et du Sang du Seigneur.
En effet, on aurait pu trouver une autre date. Les calendriers ne sont pas immuables et même soumis à des tensions entre les différents rites Chrétiens – notamment avec l’Orthodoxie qui adopte un autre calendrier. Les contraintes sont également à la fois lunaires et solaires et c’est ainsi que les calendriers varient.

Alors, pourquoi cette date est-elle choisie après la fin du temps pascal, à la suite de la Pentecôte et de la Trinité. A quel autre moment pourrait-elle être ? Pourquoi pas après Pâques ? Et pourquoi pas la Trinité tout au début de l’année liturgique ? Nous le savons bien, il s’agit d’un calendrier pédagogique et non pas chronologique, il est conçu pour nous montrer quelque chose de particulier.

L’Eglise emploie un calendrier a pédagogique

Après la Pentecôte, mue par le Saint Esprit, l’Eglise nous donne de méditer la Trinité. En théologie, il nous est dit que la Trinité nous donne de contempler un certain mystère qui allie à la fois la distinction et la communion. Chaque personne divine est complètement distincte de l’autre : il n’y a pas plus distincts, éloignés, séparés que le Père et le Fils. Et pourtant, il n’y a pas plus en communion que le Père, le Fils et l’Esprit.

Au fond, méditer sur la Trinité, c’est méditer sur cette question : comment vit-elle en nous ? Par le baptême, nous avons été plongés dans ce mystère de distinction et de communion des personnes. Nous avons été immergés à la fois dans l’unité et dans l’altérité, dans la proximité et dans la distance. Des choses qui sont irréconciliables pour nous, car on ne peut pas être à la fois proches et distants, à la fois en communion et complètement distinct de l’autre.

C’est bien pour cela que c’est un mystère et le contempler par le baptême nous rend capables d’aller à la rencontre de celui qui est proche comme de celui qui est loin. Ceci est possible car nous avons été plongés dans le mystère de la Trinité.

On peut cependant se demander en quoi ce mystère de la Trinité fêté dimanche dernier vient éclairer le mystère du Saint Sacrement du Corps et du Sang du Seigneur. Tout d’abord, cela nous rend plus attentifs aux références faites à la Sainte Trinité durant la célébration, à commencer par le signe de la Croix, puis au moment de l’épiclèse avec l’invocation du Saint Esprit sur les offrandes. Les paroles du Christ faisant référence au Père sont multiples elles aussi, et cela renforce le signe que l’Eucharistie est un sacrement marqué par la Trinité. Mais, n’y a-t-il pas quelque chose d’autre qui nous est dit à propos de ce mystère eucharistique à travers ce calendrier liturgique ?

Ce mystère eucharistique ne serait-il pas une mise en pratique de ce que nous avons contemplé de la Trinité ?
Si l’on parle d’une présence réelle au Saint Sacrement, c’est parce qu’Il est proche de nous mais à la fois c’est le tout autre.

La pédagogie de l’Eucharistie

Dans l’Eucharistie, on a cette grâce particulière de contempler Celui qui est notre compagnon de route et Celui qui est notre Dieu et notre maître. Et c’est bien de tenir les deux en même temps : la communion et la contemplation. Avec la communion, on assimile ce que l’on mange car cela devient progressivement nous même en intégrant notre corps, par nos cellules, notre sang, nos muscles etc…

Il y a d’autres actes de nourriture dans la Bible et notamment au début, dans la Genèse, avec Adam est Eve. Cet acte est d’ailleurs présenté comme une emprise :

« Vous serez comme des dieux… »

Dans ce cas, quand nous communions au Corps et au Sang du Seigneur, c’est nous qui nous transformons en Lui.
Si le mystère de la Trinité éclaire toute chose, elle donne une lecture particulière de ce mystère de l’Eucharistie.

Ainsi, le fait de participer régulièrement à la messe dominicale où l’Eucharistie est célébrée nous aide à comprendre comment la Trinité vient nous habiter. Elle le fait dans la simplicité, dans la douceur, elle vient nous habiter par des rituels qui nous aident à prendre conscience de qui nous sommes.

Il est important de considérer l’importance des rituels dans nos vies : ils nous permettent d’approfondir ce mystère. Vous qui êtes présents le dimanche pour l’Eucharistie, cela vous permet d’approfondir la grâce de votre baptême et la présence de la Trinité en vous. Par l’Eucharistie, nous sommes plongés dans la Trinité et en contemplant la Trinité, nous comprenons mieux ce mystère de notre Foi qu’est l’Eucharistie.

Ce calendrier liturgique qui a été soigneusement préparé nous dirige dans la manière de vivre nos communions. Il nous dit quelque chose de notre baptême et de notre rapport à Dieu. Ce don de l’Eucharistie est d’ailleurs ordonné à notre baptême car il en dépend : on ne peut pas recevoir d’Eucharistie avant d’être baptisé. Le mystère de la Trinité, signe d’unité et d’altérité, est antérieur à la communion :il faut d’abord le contempler, en vivre pour pouvoir y communier.
La dimension de Foi est soumise à cette logique, c’est ce que nous propose l’Eglise.

Ainsi, à chaque fois que nous avons cette grâce de pouvoir communier, nous faisons mémoire de notre baptême et de cette Trinité. Cette communion fait de nous des missionnaires. C’est le sens de l’envoi à la fin de la messe : « Allez dans la Paix du Christ apporter la bonne nouvelle. »

La communion nourrit en nous la vie spirituelle

Dans la communion, il y a cette notion d’appel à la mission, et la célébration se termine donc par un envoi. Vous êtes envoyés à ceux qui sont proches mais aussi à ceux qui sont loin. Et il y a une dimension trinitaire à cet envoi : vous êtes envoyés auprès de ceux avec lesquels vous êtes en communion, mais aussi vers ceux avec lesquels il y a une grande distance avec vous.

C’est bien de l’Eucharistie que procède cet envoi.

C’est pour ces raisons que le calendrier liturgique peut être pour nous une source pour comprendre ce qui nous est dit du mystère de Dieu. Et dans ce cas, il nous est donné une dimension missionnaire et trinitaire, cette invitation à la proximité ainsi que cet accueil de la distance.

Ce paradoxe nous demande d’entrer dans une attitude de Foi : proximité et distance ne vont pas ensemble, communion et distinction des personnes sont contraires. On voit bien plus souvent l’autre comme une menace que comme une chance. Et le fait de communier vient transformer notre regard, soyons-en convaincus. Il arrive que l’on entende des personnes douter de la grâce de la communion voyant des catholiques qui se critiquent les uns des autres. Cela serait-il mieux sans communion ? ce n’est pas certain, il est possible que ça serait pire.
En réalité, ceux qui tiennent ces propos, voulant justifier leur éloignement de la pratique, soulignent quelque chose d’important : la communion renvoie à la fraternité. En creux, elles nous disent : « vous avez communié au Corps et au Sang du Seigneur, nous attendons de vous une réelle fraternité ». Et la fraternité c’est précisément conjuguer à la fois l’unité et l’altérité, et ainsi, c’est vivre dans une dimension trinitaire.

Ainsi, il nous faut remercier l’Église d’avoir placé la fête du Saint Sacrement du Corps et du Sang du Seigneur dans cette logique de Pâques. C’est la Pâque du Seigneur, la Passion, la mort et la Résurrection du Christ que nous fêtons à chaque Eucharistie.
Et c’est ce passage auquel nous sommes invités à participer régulièrement pour y opérer ce changement de regard et du cœur qui fait. En communiant, je supplie la grâce comme pécheur que je suis.

C’est pour cela qu’en début de chaque Eucharistie, demande au Seigneur Sa miséricorde. Nous supplions la grâce d’avoir un autre regard, de ne pas être limités à nos psychologies blessées. Communier, c’est supplier la grâce de vivre de la vie divine, ce à quoi nous sommes appelés dans la vie éternelle. Ce sont déjà les prémices de la vie éternelle.

Demandons cette grâce au Seigneur. C’est pour cela que la répétition du rituel est importante : elle nous permet d’approfondir et de trouver quelque chose de nouveau. En quelque sorte, plus on répète, plus on rentre dans une forme de nouveauté. Les adolescents disent parfois que la messe est répétitive, et c’est vrai, mais cette répétition est importante car elle nous fait nous questionner.

Dans Saint Marc, le début du récit de la Pâques commence par une question :

« Où veux-tu que nous allions faire les préparatifs pour que tu manges la Pâque ? »

Et fans la tradition juive, il y a aussi cette question d’un enfant :

« Pourquoi cette nuit est-elle différente des autres nuits ? »

Cette répétition nous interroge, nous questionne sur le mystère. Ne soyons jamais assis sur nos certitudes, pensant que nous avons fait le tour. Ce serait d’un formidable orgueil. Et si tout commence par une question comme on dans le récit de Saint Marc, c’est précisément parce que nous sommes invités à creuser et à aller plus loin que ce qui nous paraîtrait évident avec nos certitudes.

Demandons cette grâce par le Saint Esprit, l’Esprit de Pentecôte, pour rentrer dans cette nouvelle intelligence du mystère à travers cette célébration,

Amen !


Références des lectures du jour :

  • Livre de l’Exode 24,3-8.
  • Psaume 116(115),12-13.15-16ac.17-18.
  • Lettre aux Hébreux 9,11-15.
  • Évangile de Jésus-Christ selon saint Marc 14,12-16.22-26 :

Le premier jour de la fête des pains sans levain, où l’on immolait l’agneau pascal, les disciples de Jésus lui disent : « Où veux-tu que nous allions faire les préparatifs pour que tu manges la Pâque ? »
Il envoie deux de ses disciples en leur disant : « Allez à la ville ; un homme portant une cruche d’eau viendra à votre rencontre. Suivez-le, et là où il entrera, dites au propriétaire : “Le Maître te fait dire : Où est la salle où je pourrai manger la Pâque avec mes disciples ?” Il vous indiquera, à l’étage, une grande pièce aménagée et prête pour un repas. Faites-y pour nous les préparatifs. »
Les disciples partirent, allèrent à la ville ; ils trouvèrent tout comme Jésus leur avait dit, et ils préparèrent la Pâque.
Pendant le repas, Jésus, ayant pris du pain et prononcé la bénédiction, le rompit, le leur donna, et dit : « Prenez, ceci est mon corps. »
Puis, ayant pris une coupe et ayant rendu grâce, il la leur donna, et ils en burent tous. Et il leur dit : « Ceci est mon sang, le sang de l’Alliance, versé pour la multitude.
Amen, je vous le dis : je ne boirai plus du fruit de la vigne, jusqu’au jour où je le boirai, nouveau, dans le royaume de Dieu. »
Après avoir chanté les psaumes, ils partirent pour le mont des Oliviers.