Homélie du 13e dimanche du Temps Ordinaire

28 juin 2022

« Quiconque met la main à la charrue, puis regarde en arrière, n’est pas fait pour le royaume de Dieu. ».

Écouter l’homélie

Texte de l’homélie :

Frères et sœurs, si l’on voulait comparer la Foi à l’automobile, on pourrait demander si c’est la peinture ou si c’est le moteur qui donne la force chrétienne de notre vie… Il serait facile de répondre que le moteur c’est l’Esprit-Saint, mais dans les trois lectures, on peut noter les caractéristiques de ce moteur : la détermination et la volonté ferme.

La lecture de l’Évangile de ce jour marque un tournant. Jusqu’à présent, l’Évangile de Luc se situait en Galilée, et l’on voit Jésus qui donne la vie, qui partage et multiplie le pain. Puis, après la transfiguration et la profession de Foi de Pierre, Jésus durcit ses faces, comme le dit le texte. On entend aussi ces mots dans le prophète Isaïe dans le chant du serviteur :

« On m’a persécuté, on m’a arraché la barbe, mais j’ai durci mes faces. »

Il se prépare à se rendre là où il va être enlevé, à Jérusalem. Et Il parle de Sa Passion, de Sa Résurrection et de la Pentecôte. Et les disciples sont maintenant engagés dans ce chemin. Ils vont marcher et devoir apprendre petit à petit avec cette réalité, cette profondeur, ce changement que vient montrer Jésus.

Dans la lecture de Saint Paul, on entend ces mots :

« Tenez bon ! Prenez courage ! »

Puis, on a cet appel du prophète Élisée qui peut nous étonner car cela ressemble à ce que Jésus dit tant cela parle d’adieux. Mais, si on est un peu attentif aux textes - on ne sera pas très satisfaits de la traduction qui est présentée ici – on entend ces mots :

« Va ! Quitte !… »

C’est la même parole que Dieu a dite à Abraham au début, dans le sens d’un envoi.
Cela résonne avec l’invitation : « Reviens ! Tourne-toi ! Change ! », cette parole qui correspond à la conversion.

« Regarde ! Vois ce que j’ai fait pour toi… »

Et Il lui a mis le manteau, Il l’a revêtu de Sa puissance, revêtu de cette fonction et de cet appel. Et pour confirmer que c’est bien de cela qu’il s’agit – et non pas d’un atermoiement - il va offrir en sacrifice sa vie d’avant - d’agriculteur - et il fait du bois avec sa charrue pour brûler l’offrande des bœufs qui la tiraient.

L’appel à tenir bon face à l’esprit du monde

Et on va le voir dans le Nouveau Testament, alors que les apôtres étaient dans la peur de ce qu’on allait penser et de ce qu’ils allaient devenir, la Pentecôte les rend déterminés : ils annoncent !

Au sujet de l’appel, on risque d’entendre ces textes dans le sens réservé à la vocation. Mais n’oublions pas l’appel personnel que le Seigneur adresse à chacun. Et l’on voit bien dans la deuxième lecture que cet appel d’adresse à tout le monde :

« Tenez bon ! Ne vivez pas selon la chair… »

C’est à dire, ne vivez pas selon la pente naturelle de vos sentiments et de vos pensées, mais vivez dans l’Esprit, vivez dans ce souffle que donne le Seigneur, ce souffle de Pentecôte. En d’autres termes, n’agissez pas selon votre égoïsme qui vous fait vous tourner sur vos propres intérêts, pour votre confort et ce qui vous sécurise, mais en allant de l’avant.

Qu’est-ce que nous admirons chez les Saints ?

On peut se laisser prendre par la peinture, la carrosserie et l’extérieur, les œuvres qu’ils ont accomplies, les miracles qu’ils ont faits, mais tout cela n’est qu’une conséquence de cette détermination, du moteur qui les met en mouvement.

Regardez Thérèse de Lisieux qui se trouve plongée dans sa faiblesse, qui se trouve si petite qu’elle ne se trouve rien de semblable avec les Saints. Dans la vie ascétique dans laquelle elle se trouve, la dimension du cœur est un peu abandonnée, proche du jugement et du devoir qu’elle doit suivre. Qu’il est difficile de devenir une bonne religieuse. Mais, elle redécouvre la tendresse de Dieu, la miséricorde, la confiance qu’elle peut avoir en Lui. Mais, comment ?
C’est avec cet acte fort de volonté :

Il ne s’agit pas de rentrer dans un modèle, dans un environnement et une manière de vivre, c’est découvrir la vie, découvrir la vérité de l’appel du Seigneur sur nous. Il s’agit de découvrir quelle graine Il a mis en nous et de travailler pour la laisser se développer dans la confiance en Lui.

Dans l’Evangile, on voit aussi la réaction des disciples, Jean et Jacques, dont la mission est de préparer le chemin de Jésus, de préparer la rencontre. Et c’est notre mission à tous, exactement comme Jésus a préparé le chemin à la venue de l’Esprit-Saint. Il a préparé nos cœurs à se laisser envahir par une vie nouvelle, à ne plus nous laisser enfermer par le mal, mais pour libérer en nous ses puissances de vie. Et Il nous appelle. Être Chrétien, c’est être appelé, être déterminé à vivre dans ce souffle de Dieu, être déterminé à rentrer en action. Notre rôle, les uns et les autres, ne se limite pas à être des modèles, des gens bien, mais des personnes qui se laissent convertir sans cesse, qui se tournent vers le Seigneur et qui rentrent dans cette détermination :

Comme nous, les Saints rencontrent des tas d’obstacles intérieurs et extérieurs car notre monde est difficile, cruel et perdu, sur la voie de la chair, de l’égoïsme et de l’intérêt personnel. Mais, ils nous appellent à recevoir l’esprit de Jésus.

Vous vous en rappelez, au baptême, on reçoit le Notre-Père. C’est un rite de transmission. Notre prière, notre demande, notre désir et notre volonté profonds est que se fasse l’œuvre du Père. C’est la reconnaissance de Dieu qui aime chacune de Ses créatures, qui les chérit et Se mobilise pour elles en envoyant Jésus pour qu’Il puisse les libérer du mal, et leur donne la vraie vie.

Nous avons à faire ce chemin pour nous-même et aussi pour les autres. Et ce qui est extraordinaire c’est que Jésus nous donne d’être dans le flux de l’Ascension ! Il s’en va pour que notre joie soit parfaite… c’est difficile à comprendre ! Mais, c’est pour que nous prenions Sa place dans la Trinité, pour que nous soyons remplis de cet esprit de Dieu et puissions suivre Son commandement :

« Tu aimeras ton prochain comme toi-même. »

Et cela suppose notre détermination. C’est le secret des Saints.

Que le Seigneur nous renforce dans ce chemin. Sinon, comme le dit Saint Paul « vous allez vous détruire. » C’est le risque de rentrer dans un rapport de force, comme quand Jésus n’est pas accueilli dans ce village de Samarie et que les disciples proposent de faire descendre le feu du Ciel sur eux pour les détruire, comme Élie l’a fait auparavant, dans l’idée de faire une démonstration de force et de réduire l’ennemi à néant.
Mais, le Seigneur refuse cette quête de domination, Il propose plutôt de répandre la vie, de l’offrir.

Vous vous rappelez de ces paroles de Jésus à Ses disciples :

« Annoncez le Royaume de Dieu ! Apportez la paix quand vous rentrez dans une maison. Si la paix vous précède, elle sera accueillie. »

En d’autres termes :

« N’ayez pas crainte, la paix ne vous sera pas enlevée. Ne vous laissez pas troubler, mais avancez résolument ! »

Le Seigneur nous donne cette grâce de nous fortifier, de ne pas avoir une foi qui se préoccuperait uniquement de la peinture de la voiture, si lustrée et rutilante qu’elle soit, mais en prenant soin de ce moteur, de cette volonté, de ce désir de Dieu. Que chacun de Ses enfants, que chacune de Ses créatures puissent produire son fruit.
Qu’Il nous donne aussi la force d’affronter l’esprit de la chair, cette pente naturelle de notre intérêt, de notre égoïsme et de notre confort, pour que nous soyons au service.

C’est étrange, quand quelqu’un nous demande des services, on a parfois cet élan de lui répondre que l’on est pas son esclave. Et s’il s’agit d’être libre, on pense à ne dépendre de personne, à faire ce que l’on veut.
Dans l’Évangile, c’est juste l’inverse ! Cela peut nous interroger et nous accompagner toute la semaine. Au contraire, se mettre au service, c’est trouver la liberté, offrir la liberté. C’est cela qui nous fait grandir.

Ce service ne nous rend pas servile mais est un chemin de communication, qui nous permet de rentrer en relation avec chacun, de regarder chacun comme le Père le fait.

Nous ne pouvons pas être comme les apôtres avec cette idée que nous ne pouvons être bien qu’avec les personnes qui font et qui pensent comme nous, mais comme Jésus qui va au devant.

Ainsi, laissons derrière nous ce qu’il faut pour cela. Comment y arriver ? Il faut ce dialogue intérieur, dans la prière - autre que ce rabâchage de mots et de formules comme l’enseignait Jésus dans l’Évangile de la semaine dernière – vécue comme une descente au fond de notre cœur, qui nous permet de nous mettre en présence de Dieu, de l’unique essentiel.

Qu’est-ce qui est important ? Quel sens à la vie et à l’amour ? Quelle est la graine que Dieu a donnée et qui doit donner du fruit ? Concentrons nos forces dessus et alors, la joie de Dieu sera nôtre, elle sera parfaite,

Amen !


Références des lectures du jour :

  • Premier livre des Rois 19,16b.19-21.
  • Psaume 16(15),1.2a.5.7-8.9-10.2b.11.
  • Lettre de saint Paul Apôtre aux Galates 5,1.13-18.
  • Évangile de Jésus-Christ selon saint Luc 9,51-62 :

Comme s’accomplissait le temps où il allait être enlevé au ciel, Jésus, le visage déterminé, prit la route de Jérusalem. Il envoya, en avant de lui, des messagers ; ceux-ci se mirent en route et entrèrent dans un village de Samaritains pour préparer sa venue. Mais on refusa de le recevoir, parce qu’il se dirigeait vers Jérusalem.
Voyant cela, les disciples Jacques et Jean dirent : « Seigneur, veux-tu que nous ordonnions qu’un feu tombe du ciel et les détruise ? »
Mais Jésus, se retournant, les réprimanda. Puis ils partirent pour un autre village.

En cours de route, un homme dit à Jésus :
— « Je te suivrai partout où tu iras. »
Jésus lui déclara :
— « Les renards ont des terriers, les oiseaux du ciel ont des nids ; mais le Fils de l’homme n’a pas d’endroit où reposer la tête. »

Il dit à un autre :
— « Suis-moi. »
L’homme répondit :
— « Seigneur, permets-moi d’aller d’abord enterrer mon père. »
Mais Jésus répliqua :
— « Laisse les morts enterrer leurs morts. Toi, pars, et annonce le règne de Dieu. »

Un autre encore lui dit :
— « Je te suivrai, Seigneur ; mais laisse-moi d’abord faire mes adieux aux gens de ma maison. »
Jésus lui répondit :
— « Quiconque met la main à la charrue, puis regarde en arrière, n’est pas fait pour le royaume de Dieu. »