Homélie du 13e dimanche du Temps Ordinaire

2 juillet 2013

Il dit à un autre : « Suis-moi. »
L’homme répondit : « Permets-moi d’aller d’abord enterrer mon père. »
Mais Jésus répliqua : « Laisse les morts enterrer leurs morts. Toi, va annoncer le règne de Dieu. »

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Texte de l’homélie :

« Celui qui met la main à la charrue et regarde en arrière n’est pas digne du Royaume.
Vous êtes tous appelés à la liberté. »

Chers frères et sœurs, les dimanches précédents, Jésus a enseigné :
Par la multiplication des pains, Il s’est présentée Lui-même comme le Pain de Vie.
Par les larmes de la pécheresse dans la maison du Pharisien, Il a annoncé Sa miséricorde.
Puis, dimanche dernier, en évoquant Sa messianité, Il a invité tout homme à Le suivre en passant par sa propre passion.

L’heure est venue !

Aujourd’hui, nous n’en sommes plus tant dans les préparatifs que dans l’action. La décision est prise, et c’est l’heure, c’est le moment favorable, dont Il affirma à Marie le jour de Cana qu’il n’était pas encore arrivé. C’est le moment où se réalise en Jésus toutes les promesses de la première Alliance. C’est le jour où toutes les gémissements de la Terre vont pouvoir enfin cesser. L’heure, c’est l’heure de Dieu.

C’est là où se manifeste la volonté du Père. Jésus, Lui, qui est totalement uni au Père, va accomplir les desseins du Créateur pour sauver l’humanité captive du péché. C’est l’heure, c’est le moment favorable, c’est l’heure du choix du Christ, un choix volontaire, réfléchi, raisonné, où Il va monter résolument avec courage vers Jérusalem, en toute lucidité et conscience, et confiance aussi. Là où va se jouer tout le destin de l’Humanité.

Jésus, un guerrier bien différent des autres

D’une certaine manière, on pourrait dire que Jésus part à la guerre. En effet, Il va partir vers Jérusalem livrer un combat. Par Sa mort et Sa Résurrection, Il va vaincre l’antique serpent qui maintenait l’Humanité captive. Et c’est pour cela finalement que les Apôtres reconnaissent en Lui le Messie. Parce qu’Il paraît fort, Il paraît puissant, et il semble que c’est Lui l’envoyé de Dieu. Il faut reconnaître que, du côté des Apôtres, il manque encore quelques lumières, celles venant du Saint-Esprit : on pourrait dire qu’ils sont un peu primaires, voyant Jésus comme un messie guerrier qui va « bouter les Romains hors des terres de leurs pères ». Alors, ils veulent utiliser les grands moyens pour leur montrer que Jésus n’est pas n’importe qui – je fais ici référence à tous les films guerriers que vous pouvez connaître.

Et si certains refusent de l’accueillir, alors, on va envoyer le feu d’Elie qui va venir consumer tout, réduire tout en cendres pour montre qui les le plus fort. Jésus est patient avec ses chers apôtres. Il est doux et humble de cœur. Il va cesser d’utiliser les armes de pardon de relèvement et de guérison.

Mais permettez-moi d’arrêter juste un instant le projecteur sur une des trois rencontres de notre Seigneur, la troisième. Cet homme va dire à Jésus : « Je te suivrai coûte que coûte, mais laisse-moi faire mes adieux aux gens de ma maison. Imaginez ses parents, ses frères et sœurs. J’adhère à ce que tu dis, je veux bien te suivre, mais pas tout de suite. Laisse-moi d’abord finir ce que j’ai à faire à la maison, et ensuite j’irai faire la guerre avec toi à Jérusalem, pour leur montrer la Vérité.

On retrouve là finalement des notions de la première lecture, dans l’attitude d’Élisée face à l’appel d’Élie qui va aussi désirer revenir à la maison pour dire au-revoir à sa famille. Il y a aussi d’autres passages dans l’Évangile comme celui qui s’excuse de ne pouvoir suivre Jésus parce qu’il vient de se marier, ou de celui qui vient d’acheter une paire de bœuf et qui veut les essayer, ou encore celui qui vient d’acquérir une terre et qui doit aller la voir. Cela fait référence à une loi juive que l’on retrouve dans l’Ancien Testament, dans le Deutéronome, chapitre 20 :

« Celui qui vient de bâtir une maison, celui qui vient de planter une vigne ou qui vient de se marier est dispensé de la guerre. »

Oui, il est dispensé de la guerre, car la maison, la vigne, l’épouse son des lieux de vie, de fécondité, de fondation, de construction, et l’homme ne saurait risquer de mourir avant d’avoir porté du fruit. Mais Jésus propose un combat. Il annonce finalement qu’il n’y a pas de danger, qu’Il sera la seule victime, et que tous ceux qui Le suivront seront certains de la victoire.

Tout quitter pour un bien plus grand

Il ne s’agit pas de préserver sa propre vie et de garantir une bonne entreprise, non. Il s’agit finalement de risquer sa vie avec le Christ, par le Christ, dans le Christ pour recevoir comme une autre vie. Cette vie éternelle qui ne s’éteindra jamais, mais qui va impliquer de suivre le Christ par la porte étroite, jusqu’à la flagellation, jusqu’aux crachats, jusqu’aux injures, jusqu’à la mort, et surtout, nous le savons aujourd’hui, jusqu’à la Résurrection. Mais aussi, il faut le dire, son chemin est clair. Dimanche dernier, Il disait :

« Si quelqu’un veut venir à ma suite, qu’il se renie lui-même.
Qu’il se charge de sa croix chaque jour et qu’il me suive.
Qui veut en effet sauver sa vie la perdra et qui perd sa vie à cause de moi, celui-là la sauvera.
Que sert donc à l’homme de gagner le monde entier s’il se perd ou s’il se ruine lui-même. »

Bien sur, Jésus ne veut par abolir la loi ancienne. Il veut l’accomplir. Il demande finalement de faire le choix de notre source de vie. Vous savez bien que de faire un choix implique un deuil, car il faut laisser certaines choses pour choisir le bien plus grand à nos yeux. Puisque nous avons reçu une vie naturelle, nous appelés à bien plus : à jouir d’une vie bien plus grande, surnaturelle, la vie même du Christ. Il faut vivre comme une sorte de dépassement. Et quand Jésus dit :

« Si quelqu’un vient à moi sans haïr son père et sa mère, sa femme, ses enfants, ses frères et sœurs, jusqu’à sa propre vie, il ne peut être mon disciple.
Quiconque ne porte pas sa croix et ne vient pas derrière moi ne peut être mon disciple. »

Il est vrai que cette parole est un peu forte. En d’autres termes, il s’agit d’une préférence, d’une hiérarchie, d’un choix. Oui, je reconnais que j’ai reçu la vie de ceux que j’aimais, mes parents, particulièrement, et je dois toujours les honorer. Mais il me faut aussi marcher en avant, les quitter, choisir et adhérer à une vie beaucoup plus grande. Et je crois que c’est la joie des parents que d’être témoins de cela.

Un jour, l’homme va quitter son père et sa mère pour s’attacher à sa femme pour ne faire qu’une seule chair et bâtir enfin sa maison. Mais peut-être qu’avant de s’attacher à son épouse et de quitter son père et sa mère, l’homme doit s’attacher d’abord à Dieu pour recevoir de Lui cette vie qui ne finit pas. Alors seulement là, il pourra porter du fruit, construire une maison et fonder une famille. La clef, c’est que Jésus se fait Lui-même la loi.

Par notre baptême, nous sommes soulagés, comme dispensés de la loi ancienne pour n’être soumis plus qu’à une seule loi, la loi du Christ. Par notre Baptême, nous sommes morts et ressuscités par le Christ. Nous avons donc changé de juridiction. Le Christ nous en a totalement dispensés en mourant pour nous. Et c’est ce que nous avons entendu dans la deuxième lecture, la lettre de Saint Paul au Galates, qui le résume merveilleusement en ces quelques mots :

« Si vous êtes tous fils de Dieu par la foi dans Christ Jésus, vous tous en effet, baptisés dans le Christ, vous avez revêtu le Christ : il n’y a ni Juif ni Grec, il n’y a ni esclave ni homme libre, il n’y a plus ni homme ni femme ; car tous vous ne faites qu’un dans le Christ Jésus.
Mais si vous appartenez au Christ, vous êtes donc de la descendance d’Abraham, héritiers selon la promesse. » (Galates 3, 27-29)

Alors chers frères et sœurs, déposons nos vies sur cet autel, demandons au Christ de la recevoir et de l’assumer dans Son propre sacrifice. Que la Vierge Marie nous donne de poser dans l’ordre chacune des pierres de notre édifice, sans aucune ingratitude pour les pierres d’en bas. Que Marie notre bonne Mère veille sur ceux que nous aimons, ceux qui nous ont donné la vie, ceux qui nous ont donné leur amour. Donnons leur aussi en retour ce dont ils ont besoin, ce qui est juste de leur rendre. Qu’elle nous donne l’assurance que le Royaume est devant nous, il ne sera jamais derrière-nous. Le paradis est devant nous et non pas derrière nous.

Ne regrettons rien de notre passé, rien de ce que nous avons accompli jusqu’à maintenant, que ce soit bon ou mauvais. Demandons plutôt au Christ recevoir notre passé, qu’Il reçoive tous nos lieux de croissance, toutes les personnes qui ont fait de nous des hommes et des femmes, pour que nous soyons libres d’avancer aujourd’hui dans la confiance avec Lui vers le Royaume,

Amen


Références des lectures du jour :

  • Premier livre des Rois 19,16b.19-21.
  • Psaume 16(15),1-2a.5.7-8.9-10.2b.11.
  • Lettre de saint Paul Apôtre aux Galates 5,1.13-18.
  • Évangile de Jésus Christ selon saint Luc 9,51-62 :

Comme le temps approchait où Jésus allait être enlevé de ce monde, il prit avec courage la route de Jérusalem. Il envoya des messagers devant lui ; ceux-ci se mirent en route et entrèrent dans un village de Samaritains pour préparer sa venue. Mais on refusa de le recevoir, parce qu’il se dirigeait vers Jérusalem.
Devant ce refus, les disciples Jacques et Jean intervinrent : « Seigneur, veux-tu que nous ordonnions que le feu tombe du ciel pour les détruire ? »
Mais Jésus se retourna et les interpella vivement. Et ils partirent pour un autre village.

En cours de route, un homme dit à Jésus :
— « Je te suivrai partout où tu iras. »
Jésus lui déclara :
— « Les renards ont des terriers, les oiseaux du ciel ont des nids ; mais le Fils de l’homme n’a pas d’endroit où reposer la tête.

Il dit à un autre : « Suis-moi. »
L’homme répondit :
— « Permets-moi d’aller d’abord enterrer mon père. »
Mais Jésus répliqua :
— « Laisse les morts enterrer leurs morts. Toi, va annoncer le règne de Dieu. »

Un autre encore lui dit :
— « Je te suivrai, Seigneur ; mais laisse-moi d’abord faire mes adieux aux gens de ma maison. »
Jésus lui répondit :
— « Celui qui met la main à la charrue et regarde en arrière n’est pas fait pour le royaume de Dieu. »