Homélie du 13e dimanche du temps ordinaire

30 juin 2016

Il dit à un autre : « Suis-moi. »
L’homme répondit : « Seigneur, permets-moi d’aller d’abord enterrer mon père. »
Mais Jésus répliqua : « Laisse les morts enterrer leurs morts. Toi, pars, et annonce le règne de Dieu. »

Écouter l’homélie

Texte de l’homélie :

Il y a un certain nombre de personnes qui m’ont demandé de les accompagner spirituellement, c’est une tradition de l’Eglise que quelqu’un puisse les accompagner dans leur chemin de foi.
En septembre les personnes reprennent contact pour fixer un rendez-vous pour se voir, et on essaye de faire le bilan, la relecture de ce qu’ont été les mois de vacances. Et je leur dit, avec tout ce temps libre que vous avez eu, certainement que votre vie de prière a occupé une place beaucoup plus importante.
C’est là qu’il y a un regard porté sur leur chaussures de façon très déterminée, et on me dit non, au contraire, mon père, ma vie de prière pendant les vacances n’a pas été du tout cela. C’est systématique, c’est intéressant, alors qu’on croirait que justement le temps de vacances nous rend plus disponible à Dieu.

Le repos est un repos en Dieu, ça n’est pas un repos de Dieu !

Il se trouve que quelque part l’Évangile puis les lectures de ce jour, c’est le dernier dimanche de l’année scolaire, de l’année pastorale, nous disent quelque chose sur le repos, quelque chose sur la manière de suivre le Christ durant ce temps de congé, où les étudiants vont être libéré de leurs examens et de leurs cours et où l’on aura un rythme différent. Pour nous aussi prêtres, avec la fin de l’année pastorale, c’est une manière nouvelle de suivre le Christ. C’est intéressant de méditer sur le repos.

Qu’est-ce que ça veut dire se reposer ?

Saint-Paul répond à la question dans la deuxième lecture :

« C’est pour que nous soyons libres que le Christ nous a libérés. »

Mais attention que cette liberté ne soit pas prétexte pour un égoïsme.
On a une plus grande liberté pendant les vacances, une plus grande liberté d’agir, une plus grande liberté de déplacement, une plus grande liberté en termes d’horaires, mais que ce ne soit pas pour l’égoïsme.

A travers l’Évangile où on voit Jésus qui, de façon assez ferme, nous rappelle les exigences du Royaume, au fond est-ce que ce ne sont pas aussi les exigences du repos ?
Se reposer, ça n’est pas si simple que cela. Ce n’est pas simplement ne rien faire, c’est d’abord prendre conscience de notre état de créature, c’est tout le sens du shabbat dans l’ancienne Alliance, c’était pour imiter Dieu qui selon les Écritures, s’est reposé le 3e jour, et qui justement n’a plus rien fait, et donc les hommes et les bêtes devaient comme Lui se reposer.
Cela veut dire que nous ne sommes pas indispensables pour le fonctionnement de ce monde.
Et je peux, avec d’autres, que m’attrister devant le fait que, dans notre société, on voit beaucoup se développer le 7 jours sur 7, le 24 heures sur 24, comme étant un progrès, alors qu’au contraire c’est bien plus un esclavage qu’un progrès et une liberté.

Le repos, invitation à une plus grande liberté intérieure

On peut se poser la question nous-même : comment pendant ce temps de vacances, éclairés par cette Parole de Dieu comme par les différentes liturgies auxquelles nous participerons pendant l’été, comment au fond entrer dans une liberté plus grande ?
Une liberté que nous décrit le Seigneur, parce qu’il s’agit de ça, lui-même prend un chemin déterminé de façon déterminée vers Jérusalem, il y a plusieurs personnes qu’il rencontre sur son chemin.

Est-ce que nous ne mettons pas des conditions trop hautes, parfois importantes, pour suivre le Seigneur, comme cet homme :

« Je te suivrai partout où tu iras ! »
« Les renards ont des terriers, répond Jésus, mais le Fils de l’homme n’a pas d’endroit où reposer sa tête. »

Est-ce que ce temps de repos n’est pas aussi l’occasion d’une plus grande liberté intérieure par rapport à, ne serait-ce que notre confort, notre manière de vivre l’Évangile, où on a besoin de beaucoup de conditions, alors qu’au fond c’est tout simple.
Le repos ça n’est pas simplement rien faire, c’est la communion avec Lui.
Le véritable sabbat, c’est le Christ. À ce propos, le grand Saint Augustin nous dit :

« Notre cœur n’a de repos tant qu’il ne repose en toi, tant qu’il ne demeure en toi. »

Et donc, posons-nous la question, pendant ce temps de vacances, de revisiter, de se demander si les conditions que nous mettons nous poursuivre le Christ nous sont plutôt des conditions qui nous éloignent de la manière de suivre le Seigneur ? Comme cet homme trouve des prétextes.

Est-ce que dans ce temps de vacances ou de repos, ce n’est pas une invitation à une certaine liberté intérieure, de ce qui, au cours de l’année, nous tient dans une certaine routine, dans la vie professionnelle, dans la vie pastorale. Le Seigneur nous dit, comme il le dit à cet homme-là, « ne mets pas de condition, rentre dans un amour sans condition ».

On voit bien la différence par exemple avec la première lecture : Élie vient chercher Élisée, Élisée demande d’embrasser d’abord son père et sa mère, honorer son père et sa mère c’est quand même un commandement, et Élie lui dit va, retourne.
On voit la différence de radicalité entre Élisée qui est un disciple d’Élie et les disciples du Christ. Il y a comme une radicalité dans la suite du Christ. Comment allons-nous vivre cette radicalité pendant cet été ?

Est-ce que ça va être l’occasion de faire une retraite, ne serait-ce qu’un ou deux jours, dans une abbaye proche de votre lieu de villégiature ? De mettre en place une lecture de la Parole de Dieu un peu plus approfondie ? Est-ce que cette conscience de cet amour sans condition et pour nous une libération, une liberté intérieure ?

Les vacances, lieu pour revisiter nos relations

Une autre chose est intéressante, les deux autres personnes que le Seigneur rencontre sur sa route parlent l’une d’enterrer les morts, l’autre de faire adieu aux gens de sa maison, est-ce que les vacances ne sont pas un lieu pour revisiter nos relations ?
Rentrer dans une dimension plus contemplative, plus gratuite, une dimension de nos relations où on accepte de perdre du temps pour l’autre ?

C’est souvent le cas l’été de rencontres familiales par exemple, au lieu de courir derrière une forme d’activisme, que l’on voit à travers ces deux cas, de se demander si au fond il n’y a pas une manière dans nos relations de mettre le Seigneur au centre ?
Cela vient de la dimension contemplative, cela vient de ce repos, c’est un repos en Dieu, c’est en lui que nous nous reposons, et parce que nous nous reposons en lui, toutes les autres formes de relations, les relations à la nature, les relations à nous-même, de relation aux autres, prennent un jour différent.

Les vacances, invitation à approfondir ma propre vocation de baptisé.

C’est une belle manière de terminer cette année scolaire est cette année pastorale, cette dernière messe des jeunes de l’année à Saint-Germain, c’est une bonne manière de remettre le Seigneur au centre.

A travers ces lectures c’est cette invitation pendant notre été à ne pas nous laisser aller à une certaine médiocrité.

Par exemple, nous, comme religieux, on a, dans notre règle, 15 jours de vacances.
C’est toujours un moment qui n’est pas si facile à vivre comme religieux, ce n’est pas le moment de regarder toutes les séries qu’on n’a pas eu le temps de regarder pendant l’année, ou à se laisser aller. Est-ce que je suis aussi religieux pendant les vacances ? C’est un défi.
Est-ce qu’au fond ce n’est pas une invitation à approfondir ma propre vocation ?
Ce qui est vrai pour la vie religieuse et aussi pour la vie baptismale, comme baptisé, comme disciple de Seigneur que nous sommes.
Est-ce que ça n’est pas un moment où on approfondit ce qui fait le cœur de notre vie ?

Demandons au Seigneur qu’il nous y aide et que nous ne nous laissions pas entraîner par une certaine médiocrité pendant ce temps estival, mais qu’au contraire, nous répondions avec un cœur généreux aux exigences du Royaume.

Amen !


Références des lectures du jour :

  • Premier livre des Rois 19,16b.19-21
  • Psaume 16(15),1.2a.5.7-8.9-10.2b.11.
  • Lettre de saint Paul Apôtre aux Galates 5,1.13-18.
  • Évangile de Jésus-Christ selon saint Luc 9,51-62 :

Comme s’accomplissait le temps où il allait être enlevé au ciel, Jésus, le visage déterminé, prit la route de Jérusalem.
Il envoya, en avant de lui, des messagers ; ceux-ci se mirent en route et entrèrent dans un village de Samaritains pour préparer sa venue. Mais on refusa de le recevoir, parce qu’il se dirigeait vers Jérusalem.
Voyant cela, les disciples Jacques et Jean dirent :
— « Seigneur, veux-tu que nous ordonnions qu’un feu tombe du ciel et les détruise ? »
Mais Jésus, se retournant, les réprimanda. Puis ils partirent pour un autre village.

En cours de route, un homme dit à Jésus :
— « Je te suivrai partout où tu iras. »
Jésus lui déclara :
— « Les renards ont des terriers, les oiseaux du ciel ont des nids ; mais le Fils de l’homme n’a pas d’endroit où reposer la tête. »

Il dit à un autre :
— « Suis-moi. »
L’homme répondit :
— « Seigneur, permets-moi d’aller d’abord enterrer mon père. »
Mais Jésus répliqua :
— « Laisse les morts enterrer leurs morts. Toi, pars, et annonce le règne de Dieu. »

Un autre encore lui dit :
— « Je te suivrai, Seigneur ; mais laisse-moi d’abord faire mes adieux aux gens de ma maison. »
Jésus lui répondit :
— « Quiconque met la main à la charrue, puis regarde en arrière, n’est pas fait pour le royaume de Dieu. »