Homélie du 15e dimanche du temps ordinaire

15 juillet 2014

« Voici que le semeur est sorti pour semer.
Comme il semait, des grains sont tombés au bord du chemin, et les oiseaux sont venus tout manger… »

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Texte de l’homélie :

Frères et sœurs bien-aimés,

Qu’est devenu l’évangile de dimanche dernier ? Et celui du dimanche précédent ? A-t-il pu germer en vous ? Vous êtes-vous découragés en vous disant que c’était décidément trop dur d’essayer de le vivre ? A-t-il été étouffé par beaucoup d’autres soucis ?
Si donc cet évangile n’a pas encore porté tous les fruits qu’il aurait pu porter, il n’est pas inutile que je commente l’évangile de ce jour !

En effet, il ne nous offre pas seulement une parabole mais une explication de Jésus sur les paraboles, d’autant plus que tout le chapitre 13 de saint Matthieu est dédié aux paraboles.
Alors : pourquoi Jésus parle-t-il en paraboles ?

Les paraboles, pour des gens pas très doués ?

Les paraboles sont-elles un simple message imagé destiné à faciliter la compréhension ? Ce n’est pas ce qui apparaît dans l’explication qu’en donne Jésus. Les paraboles ne sont pas un moyen pédagogique pour rejoindre ceux qui ne sont pas très doués intellectuellement.

Le vrai sens de la parabole est réservé, non pas à l’intellectuel, mais au croyant. Par la parabole, Jésus veut nous faire aller plus avant dans le mystère du royaume de Dieu. Mais ce mystère est justement celui qui est caché à l’homme laissé à ses seules forces qui se fait la mesure de tout, fût-il le plus grand philosophe et le plus avisé des savants.
Ce n’est pas un hasard que nous ayons cet évangile à la suite de celui de dimanche dernier !

« Jésus prit la parole : Père, Seigneur du ciel et de la terre, je proclame ta louange : ce que tu as caché aux sages et aux savants, tu l’as révélé aux tout-petits. » (Mt 11, 25)

Entre-temps, il y a le chapitre 12 où l’on voit notamment les pharisiens déroutés par la manière de faire de Jésus, que ce soit par une guérison le jour du sabbat ou l’expulsion d’un démon.

A partir de l’accueil des paraboles se dessine la séparation entre les disciples de Jésus et ceux qui n’accueillent pas sa parole. Les paraboles ne séparent pas les doués des imbéciles mais les croyants des incroyants. Ce ne sont pas les plus malins qui vont comprendre mais les plus confiants. Pour cela, il faut une humilité de l’intelligence, accepter que le mystère de Dieu nous dépasse. Pour accéder aux mystères du Royaume, on ne peut faire l’économie de l’acte de foi.

On ne peut rendre les vérités de foi totalement acceptables aux non-croyants sans les vider de leur substance. Si les gens ne comprennent pas les paraboles, ce n’est pas parce que l’explication n’est pas claire mais parce que accueillir la Parole suscite des résistances. Si c’était simplement un problème de communication, on ne voit pas pourquoi Jésus aurait fini sur la Croix.

Quelles sont les résistances pour comprendre les paraboles ?

Une nouvelle conception de la vie

Les Paraboles, avant même de nous inviter à un changement de vie, nous invitent à changer notre vision de Dieu, du monde et de la vie. Accueillir la Parole de Jésus, c’est changer de référentiel. C’est un peu comme le fait de passer du système de Ptolémée à celui de Copernic. Pour les pharisiens qui mettaient en avant l’observation de la loi et l’effort de l’homme, c’est un renversement : la personne de Jésus passe avant la Loi ; la grâce de Dieu précède nos efforts. Cela a quelque chose de déstabilisant.

Cette annonce du Royaume n’est pas une connaissance qui viendrait s’ajouter aux autres comme on ajoute un livre dans notre bibliothèque. Vous vous rappelez de la parabole de la perle : on ne peut pas l’ajouter aux autres. Il faut vendre toutes les autres. L’annonce du Royaume a la prétention de supplanter les autres conceptions de Dieu. Dans les logiciels, il y a de petites mises à jour. Mais il y a aussi de grandes mises à jour qui font qu’il faut renoncer à notre ancienne manière de travailler ! L’annonce du Royaume est cette méga mise à jour !

Se laisser guider

Cette « méga mise à jour » a pour nous des conséquences très pratiques : désormais, il faut nous laisser guider. Vous savez que lorsque l’on aime bien conduire et que l’on se considère comme bon conducteur, il n’est pas toujours facile de laisser le volant à d’autres. Jésus nous propose de lui laisser le volant mais les pharisiens n’ont pas assez confiance en lui pour le faire. Mais quand on accepte de faire le pas, c’est finalement assez confortable de se laisser conduire.

Changer de vie

La révélation de Jésus concerne et affecte notre propre existence. Elle n’est pas une connaissance purement théorique. On peut rechigner à changer. Dans la parabole du semeur, Jésus met le doigt sur les résistances qu’il y a en nous à la germination et à la croissance de la Parole : superficialité, scandale du mal et de la souffrance, attrait du monde.

  • Le bord du chemin : La Parole ne prend pas racine car il y a trop de superficialité. La Parole glisse comme sur les plumes d’un canard. On ne se laisse pas atteindre profondément par elle car nous n’y sommes pas assez vulnérables. Nous ne lui offrons pas le silence et l’espace pour qu’elle puisse résonner en nous.
  • Le terrain pierreux : La confrontation au mal, sous diverses formes, entrave la croissance de la Parole de Dieu en nous. La Parole ne manque pas de susciter un combat entre la lumière et les ténèbres.

« Vivante est la parole de Dieu, efficace et plus incisive qu’aucun glaive à deux tranchants, elle pénètre jusqu’au point de division de l’âme et de l’esprit, des articulations et des moelles, elle peut juger les sentiments et les pensées du cœur » (He 4, 12).

L’épreuve est vraiment le creuset qui vérifie la qualité de notre foi en la Parole.

  • Les ronces : Cette fois, la Parole est supplantée par les soucis du monde, la séduction de la richesse, la force des désirs. La Parole n’a plus la priorité. Les passions, richesses, illusions du monde, qui mobilisent les forces vives de l’homme, étouffent en lui l’inspiration divine.

Conclusion

Il est beau de voir Dieu se présenter comme un semeur. Il n’est pas un potentat qui impose sa volonté. La Parole de Dieu ne s’impose pas, elle demande à être accueillie librement.

Saint Jean Chrysostome nous offre une perspective d’espérance :

« En effet, diras-tu, à quoi bon le répandre dans les épines, sur la pierre ou sur le chemin ? On reprocherait avec raison à un cultivateur d’agir ainsi : la pierre ne saurait devenir de la terre, le chemin ne peut pas ne pas être un chemin et les épines ne pas être des épines.
Mais dans le domaine spirituel il n’en va pas de même : la pierre peut devenir une terre fertile, le chemin ne plus être foulé par les passants et devenir un champ fécond, les épines peuvent être arrachées et permettre au grain de fructifier librement. »

Comme nous le voyons, nous sommes invités à naître à une nouvelle façon de voir les choses, une nouvelle manière d’agir. C’est une nouvelle naissance initiée par le sacrement du baptême mais qui doit se produire concrètement en nous.
Demandons à Marie, la parfaite disciple de Jésus, de nous aider à mener à terme cette nouvelle naissance.

Amen !


Références des lectures du jour :

  • Livre d’Isaïe 55,10-11.
  • Psaume 65(64),10abcd.10e-11.12-13.12b.14.
  • Lettre de saint Paul Apôtre aux Romains 8,18-23.
  • Évangile de Jésus Christ selon saint Matthieu 13,1-23 :

Ce jour-là, Jésus était sorti de la maison, et il était assis au bord du lac.
Une foule immense se rassembla auprès de lui, si bien qu’il monta dans une barque où il s’assit ; toute la foule se tenait sur le rivage.
Il leur dit beaucoup de choses en paraboles :
— « Voici que le semeur est sorti pour semer.
Comme il semait, des grains sont tombés au bord du chemin, et les oiseaux sont venus tout manger.
D’autres sont tombés sur le sol pierreux, où ils n’avaient pas beaucoup de terre ; ils ont levé aussitôt parce que la terre était peu profonde. Le soleil s’étant levé, ils ont brûlé et, faute de racines, ils ont séché.
D’autres grains sont tombés dans les ronces ; les ronces ont poussé et les ont étouffés.
D’autres sont tombés sur la bonne terre, et ils ont donné du fruit à raison de cent, ou soixante, ou trente pour un.
Celui qui a des oreilles, qu’il entende ! »

Les disciples s’approchèrent de Jésus et lui dirent :
— « Pourquoi leur parles-tu en paraboles ? »
Il leur répondit :
— « À vous il est donné de connaître les mystères du Royaume des cieux, mais à eux ce n’est pas donné.
Celui qui a recevra encore, et il sera dans l’abondance ; mais celui qui n’a rien se fera enlever même ce qu’il a.
Si je leur parle en paraboles, c’est parce qu’ils regardent sans regarder, qu’ils écoutent sans écouter et sans comprendre.
Ainsi s’accomplit pour eux la prophétie d’Isaïe : ’Vous aurez beau écouter, vous ne comprendrez pas. Vous aurez beau regarder, vous ne verrez pas’. Le cœur de ce peuple s’est alourdi : ils sont devenus durs d’oreille, ils se sont bouché les yeux, pour que leurs yeux ne voient pas, que leurs oreilles n’entendent pas, que leur cœur ne comprenne pas, et qu’ils ne se convertissent pas. Sinon, je les aurais guéris !
Mais vous, heureux vos yeux parce qu’ils voient, et vos oreilles parce qu’elles entendent !
Amen, je vous le dis : beaucoup de prophètes et de justes ont désiré voir ce que vous voyez, et ne l’ont pas vu, entendre ce que vous entendez, et ne l’ont pas entendu.

Vous donc, écoutez ce que veut dire la parabole du semeur.
Quand l’homme entend la parole du Royaume sans la comprendre, le Mauvais survient et s’empare de ce qui est semé dans son cœur : cet homme, c’est le terrain ensemencé au bord du chemin.
Celui qui a reçu la semence sur un sol pierreux, c’est l’homme qui entend la Parole et la reçoit aussitôt avec joie ; mais il n’a pas de racines en lui, il est l’homme d’un moment : quand vient la détresse ou la persécution à cause de la Parole, il tombe aussitôt.
Celui qui a reçu la semence dans les ronces, c’est l’homme qui entend la Parole ; mais les soucis du monde et les séductions de la richesse étouffent la Parole, et il ne donne pas de fruit.
Celui qui a reçu la semence dans la bonne terre, c’est l’homme qui entend la Parole et la comprend ; il porte du fruit à raison de cent, ou soixante, ou trente pour un. »