Homélie du 17e dimanche du Temps Ordinaire

28 juillet 2025

« Moi, je vous dis : Demandez, on vous donnera ; cherchez, vous trouverez ; frappez, on vous ouvrira. En effet, quiconque demande reçoit ; qui cherche trouve ; à qui frappe, on ouvrira. »

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Texte de l’homélie

« Seigneur, apprends-nous à prier. »

Chers frères et sœurs,

L’évangile de ce jour part de cette demande des disciples à Jésus. Les apôtres ne demandent pas à Jésus une prière à réciter. Plus fondamentalement, ils lui demandent de leur apprendre à prier. C’est pourquoi il est précieux pour nous de méditer attentivement sur la réponse de Jésus. De la réponse de Jésus, je retiendrais 3 éléments :

  • Le fond de la prière, c’est une relation avec Dieu
  • Dans la prière du Notre Père, Jésus nous aiguille sur les choses à demander
  • Et enfin, Jésus nous invite à l’audace dans notre prière

Ce qui est premier, c’est la relation avec Dieu

Se mettre en prière, ce n’est pas se mettre devant un distributeur automatique. Se mettre en prière, c’est d’abord entrer en relation avec quelqu’un de vivant.

Le premier pas de la prière est un décentrement

Cela apparaît clairement dans le début du Notre Père, que ce soit la version de saint Luc que nous entendons aujourd’hui ou, a fortiori celle de saint Matthieu qui est plus développée : « Quand vous priez, dites : ‘Père, que ton nom soit sanctifié, que ton règne vienne. » Comme le dit bien le catéchisme : « c’est le propre de l’amour que de penser d’abord à Celui que nous aimons. » (CEC 2804) S’il n’y a pas ce premier pas, nous risquons fort de nous parler à nous-mêmes et de rester enfermés en nous-mêmes.

Ce décentrement est aussi celui de l’intercession. La prière d’intercession est une prière de demande non pour soi mais pour quelqu’un d’autre.

« Dans l’intercession, celui qui prie ne "recherche pas ses propres intérêts, mais songe plutôt à ceux des autres" (Ph 2,4), jusqu’à prier pour ceux qui lui font du mal (cf. Étienne priant pour ses bourreaux, comme Jésus : cf. Ac 7,60 ; Lc 23,28 ; Lc 23,34). » (CEC 2635)

La première lecture nous donne un bon exemple d’intercession. Abraham est solidaire de Loth et de sa famille installés à Sodome. Et pourtant Loth n’avait pas été très sympathique avec Abraham (cf. Gn 13, 10). Plus encore : la prière d’Abraham ne se restreint pas aux membres de sa famille : il prie pour tous les habitants de Sodome.

Dans la prière, on n’instrumentalise pas Dieu

On n’instrumentalise pas Dieu pour obtenir quelque chose de lui. Il n’est pas un moyen. De ce point de vue, il s’agit de se défocaliser de la chose à demander vers le donateur, celui à qui on demande.

« Le Donateur est plus précieux que le don accordé. » (CEC 2604)

La prière de demande est précédée par une démarche où l’on essaie d’entrer dans les vues de Dieu. Un préliminaire de la prière de demande est en quelque sorte d’entrer dans les préoccupations de Dieu. Or sa préoccupation essentielle, c’est de sauver tous les hommes. Il s’agit d’avoir un « cœur accordé à la miséricorde de Dieu. » (CEC 2635) .

Comme le dit magnifiquement le curé d’Ars :

« Le bon Dieu fait les quatre volontés de celui qui fait sa volonté. »

L’arrière-fond de la prière, c’est la relation avec Dieu

La prière de demande implique une relation vivante avec Dieu. La relation avec Dieu est en quelque sorte l’alpha et l’oméga de notre prière de demande. Nous le voyons dans la première lecture avec Abraham. La négociation d’Abraham se fait juste après la rencontre près du chêne de Mambré où Abraham a accordé l’hospitalité à trois hôtes mystérieux. Avant de le quitter, Dieu lance une perche à Abraham pour qu’il puisse intercéder :

« Le Seigneur s’était dit : ’Est-ce que je vais cacher à Abraham ce que je veux faire ?’ »

Comme le dit encore le catéchisme :

« Dieu lui ayant confié son Dessein, le cœur d’Abraham est accordé à la compassion de son Seigneur pour les hommes et il ose intercéder pour eux avec une confiance audacieuse (cf. Gn 18,16-33). » (CEC 2571)

Ce n’est pas un hasard si nous essayons de passer par des personnes que nous pensons être proches de Dieu pour faire nos demandes.

Que demander ?

Le Notre Père nous donne trois indications précieuses concernant les choses à demander :

« Donne-nous le pain dont nous avons besoin pour chaque jour.
Pardonne-nous nos péchés, car nous-mêmes, nous pardonnons aussi à tous ceux qui ont des torts envers nous.
Et ne nous laisse pas entrer en tentation. »

Le pain

Dans l’évangile de saint Matthieu, Jésus enseigne le Notre Père juste avant de leur parler de la Providence :

« Ne vous souciez pas, pour votre vie, de ce que vous mangerez, ni, pour votre corps, de quoi vous le vêtirez. La vie ne vaut-elle pas plus que la nourriture, et le corps plus que les vêtements ?
Ne vous faites donc pas tant de souci ; ne dites pas : “Qu’allons-nous manger ?” ou bien : “Qu’allons-nous boire ?” ou encore : “Avec quoi nous habiller ?”
Tout cela, les païens le recherchent. Mais votre Père céleste sait que vous en avez besoin.
Cherchez d’abord le royaume de Dieu et sa justice, et tout cela vous sera donné par surcroît. Ne vous faites pas de souci pour demain : demain aura souci de lui-même ; à chaque jour suffit sa peine. »

Le pain que Jésus nous invite à demander représente tous nos besoins essentiels. Il ne faut pas hésiter à prier notre Père du Ciel pour cela. Il s’agit cependant de ne pas perdre de vue les priorités :

« Cherchez d’abord le royaume de Dieu et sa justice, et tout cela vous sera donné par surcroît. »

« La demande chrétienne est centrée sur le désir et la recherche du Royaume qui vient, conformément à l’enseignement de Jésus (cf. Mt 6,10 ; Mt 6,33 ; Lc 11,2 ; Lc 11,13). Il y a une hiérarchie dans les demandes : d’abord le Royaume, ensuite ce qui est nécessaire pour l’accueillir et pour coopérer à sa venue. Cette coopération à la mission du Christ et de l’Esprit Saint est l’objet de la prière de la communauté apostolique (cf. Ac 6,6 ; Ac 13,3). » (CEC 2632)

Cette manière de s’en remettre quotidiennement à Dieu pour nos besoins essentiels nous met dans la situation du peuple de Dieu au désert : la manne lui était donnée au jour le jour pour lui apprendre la confiance.

Le pardon

La première demande concerne notre vie présente. Cette deuxième demande vise à assainir le passé, de manière à ne pas être retenu par des liens qui nous ferment le cœur et nous empêchent d’avancer.

C’est une très belle grâce que de ne pas être empêtré par le passé et de pouvoir vivre pleinement l’instant présent. Nous pouvons restés bloqués par le mal dont nous avons été victimes mais aussi par le mal que nous avons commis. C’est quelquefois une prison qui nous empêche de goûter la vie que le Seigneur nous donne.
Celui dont le cœur est fermé ne peut accueillir les dons de Dieu.

La force dans la tentation

Cette troisième demande concerne le futur. Cette demande prend en compte notre faiblesse : nous avons besoin d’aide. La conscience de notre faiblesse nous empêche d’être présomptueux.

Dans cette troisième demande (chez saint Matthieu : « ne nous laisse pas entrer en tentation mais délivre-nous du mal »), nous demandons une protection pour ne pas être complices du mal (nous ne présumons pas de nos forces). Nous savons aussi que la plus grave des tentations c’est de douter de l’amour de Dieu. Enfin nous demandons à ne pas être écrasé par le mal et le Malin. Il s’agit alors d’un mal qui nous est extérieur.

Nous ne demandons pas d’être exempté de l’effort et du combat spirituel. Nous demandons simplement de ne pas tomber au combat.

Comment demander ?

Cette troisième partie est consacrée à la manière de demander. Saint Jacques le dit à sa manière :

« Qu’il demande avec foi, sans la moindre hésitation, car celui qui hésite ressemble aux vagues de la mer que le vent agite et soulève. Qu’il ne s’imagine pas, cet homme-là, qu’il recevra du Seigneur quoi que ce soit, s’il est partagé, instable dans toute sa conduite. » (Jc 1, 6-8)

La foi

Il faut d’abord croire que Dieu peut intervenir. La force de la prière repose avant tout sur la foi :

« "Tout est possible à celui qui croit" (Mc 9,23), d’une foi « qui n’hésite pas » (Mt 21,22). Autant Jésus est attristé par le « manque de foi » de ses proches (Mc 6,6) et le « peu de foi » de ses disciples (Mt 8,26), autant il est saisi d’admiration devant la « grande foi » du centurion romain (Mt 8,10) et de la cananéenne (Mt 15,28). » (CEC 2610)

Saint Matthieu nous le dit :

« Jésus ne fit pas beaucoup de miracles à cet endroit-là, à cause de leur manque de foi » (Mt 13, 58)

L’audace respectueuse

Cette audace filiale est exprimée dans l’introduction du Notre Père :

« Comme nous l’avons appris du Sauveur, et selon son commandement, nous osons dire : Notre Père … »

Il ne s’agit pas d’une audace effrontée et irrespectueuse où on se comporte vis-à-vis de Dieu comme s’il était à notre service. Dans son marchandage, Abraham, dans la première lecture, tient en même temps le respect et l’audace :

  • Il a un sens aigu du sacré et n’est pas sans-gêne à l’égard de Dieu ; il ne lui donne pas des ordres ; il garde bien sa place de créature : Dieu n’est pas un copain ; nous ne sommes pas à égalité ;
  • Il n’hésite pas à insister. Son audace, sa hardiesse, sont celles de la confiance.

La persévérance

La Parole de Jésus est claire : nous pouvons demander à temps et à contre-temps.

« Même si l’homme ne se lève pas pour donner les trois pains par amitié, il se lèvera à cause du sans-gêne de cet ami, et il lui donnera tout ce qu’il lui faut. »

« La confiance filiale est éprouvée - elle se prouve - dans la tribulation (cf. Rm 5,3-5). La difficulté principale concerne la prière de demande, pour soi ou pour les autres dans l’intercession. Certains cessent même de prier parce que, pensent-ils, leur demande n’est pas exaucée. » (CEC 2734)

« Ne t’afflige pas si tu ne reçois pas immédiatement de Dieu ce que tu lui demandes ; c’est qu’il veut te faire plus de bien encore par ta persévérance à demeurer avec lui dans la prière (Evagre, or. 34). Il veut que notre désir s’éprouve dans la prière. Ainsi, il nous dispose à recevoir ce qu’il est prêt à nous donner (S. Augustin, ep. 130,8,17). » (CEC 2737)

La persévérance nous permet de purifier notre désir et de le faire grandir. Ce n’est pas le caprice d’un instant. Il est important de bien distinguer la persévérance de l’entêtement. Il n’est pas bon de se crisper sur une demande, même si elle est très bonne.
A travers cette persévérance, le Seigneur veut peut-être aussi transformer notre cœur afin que nos désirs rejoignent les siens

« La transformation du cœur qui prie est la première réponse à notre demande. » (CEC 2739)

Dieu n’est pas ce Père qui exauce aussitôt nos désirs pour avoir la paix. Il nous aime trop pour cela.

La prière est le lieu d’un combat car, comme le dit saint Paul :

« l’Esprit vient au secours de notre faiblesse ; car nous ne savons que demander pour prier comme il faut ; mais l’Esprit lui-même intercède pour nous en des gémissements ineffables, et Celui qui sonde les cœurs sait quel est le désir de l’Esprit et que son intercession pour les saints correspond aux vues de Dieu. » (Rm 8, 26-27)

Dieu veut avant tout nous donner l’Esprit Saint :

« Quel père parmi vous donnerait un serpent à son fils qui lui demande un poisson ? ou un scorpion, quand il demande un oeuf ? Si donc vous, qui êtes mauvais, vous savez donner de bonnes choses à vos enfants, combien plus le Père céleste donnera-t-il l’Esprit Saint à ceux qui le lui demandent ! »

Finalement, nous sommes appelés à ouvrir notre cœur à l’Esprit Saint. Nos problèmes ne sont pas résolus pour autant par un coup de baguette magique, mais désormais nous ne les vivons plus seuls, nous les vivons avec lui.

Conclusion :

En conclusion, je vous invite à vous tourner vers la Vierge Marie. S’il y a quelqu’un qui nous est un modèle pour prier, c’est bien elle. Sa prière n’a certainement pas toujours été facile car elle a été souvent déconcertée par la manière de faire du bon Dieu.
Par exemple, lorsque Marie et Joseph retrouvent Jésus au Temple, Jésus leur dit :

« ‘Comment se fait-il que vous m’ayez cherché ? Ne saviez-vous pas qu’il me faut être chez mon Père ?’ »

Et saint Luc nous dit bien :

« Ils ne comprirent pas ce qu’il leur disait » (Lc 2, 49.50)

Marie ne s’est pas révoltée mais :

« Elle gardait dans son cœur tous ces événements. » (Lc 2, 51)

Ce n’est donc pas par hasard si les prières qui passent par elles ont plus de chance d’être exaucées. C’est le sens de la prière du « Souvenez-vous » que l’on attribue à saint Bernard :

« Souvenez-vous, ô Très miséricordieuse Vierge Marie, qu’on n’a jamais entendu dire qu’aucun de ceux qui ont eu recours à votre protection, imploré votre assistance ou réclamé vos suffrages, ait été abandonné.
Animé de cette confiance, ô Vierge des vierges, ô ma Mère, je viens vers Vous, et gémissant sous le poids de mes péchés, je me prosterne à vos pieds.
O Mère du Verbe Incarné, ne méprisez pas mes prières, mais écoutez-les favorablement et daignez les exaucer. Amen. »

Amen !


Références des lectures du jour :

  • Livre de la Genèse 18,20-32.
  • Psaume 138(137),1-2a.2bc-3.6-7ab.7c-8.
  • Lettre de saint Paul Apôtre aux Colossiens 2,12-14.
  • Évangile de Jésus-Christ selon saint Luc 11,1-13 :

Il arriva que Jésus, en un certain lieu, était en prière. Quand il eut terminé, un de ses disciples lui demanda :
— « Seigneur, apprends-nous à prier, comme Jean le Baptiste, lui aussi, l’a appris à ses disciples. »
Il leur répondit :
— « Quand vous priez, dites : Père, que ton nom soit sanctifié, que ton règne vienne.
Donne-nous le pain dont nous avons besoin pour chaque jour.
Pardonne-nous nos péchés, car nous-mêmes, nous pardonnons aussi à tous ceux qui ont des torts envers nous. Et ne nous laisse pas entrer en tentation. »
Jésus leur dit encore : « Imaginez que l’un de vous ait un ami et aille le trouver au milieu de la nuit pour lui demander : “Mon ami, prête-moi trois pains, car un de mes amis est arrivé de voyage chez moi, et je n’ai rien à lui offrir.” Et si, de l’intérieur, l’autre lui répond : “Ne viens pas m’importuner ! La porte est déjà fermée ; mes enfants et moi, nous sommes couchés. Je ne puis pas me lever pour te donner quelque chose.” Eh bien ! je vous le dis : même s’il ne se lève pas pour donner par amitié, il se lèvera à cause du sans-gêne de cet ami, et il lui donnera tout ce qu’il lui faut.
Moi, je vous dis : Demandez, on vous donnera ; cherchez, vous trouverez ; frappez, on vous ouvrira. En effet, quiconque demande reçoit ; qui cherche trouve ; à qui frappe, on ouvrira.
Quel père parmi vous, quand son fils lui demande un poisson, lui donnera un serpent au lieu du poisson ? ou lui donnera un scorpion quand il demande un œuf ?
Si donc vous, qui êtes mauvais, vous savez donner de bonnes choses à vos enfants, combien plus le Père du ciel donnera-t-il l’Esprit Saint à ceux qui le lui demandent ! »