Homélie du 27e dimanche du Temps Ordinaire

7 octobre 2019

« De même vous aussi, quand vous aurez exécuté tout ce qui vous a été ordonné, dites : “Nous sommes de simples serviteurs : nous n’avons fait que notre devoir.” »

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Texte de l’homélie :

Il nous arrive peut-être de reprendre à notre compte la prière du prophète Habacuc, lorsque nous sommes tentés de nous décourager. Peut-être disons-nous à Dieu :

« Combien de temps vais-je appeler sans que tu entendes ? »

Il est vrai que nous nous tournons vers lui spécialement dans les difficultés ou lorsque nous voulons obtenir de sa toute puissance un bien, la réussite dans une entreprise, le succès, voire la gloire. Du coup, lorsque nous rencontrons l’échec, la contradiction, lorsque nous devons assumer des conditions de vie ou de travail difficiles, lorsque les événements et les personnes semblent se liguer pour nous contrarier, c’est-à-dire pour bouleverser nos projets et nos espoirs, alors nous pouvons reprocher à Dieu son apparence indifférence, voire sa malveillance à notre égard.

C’est oublier une vérité essentielle : le but de la prière est de nous faire grandir dans la foi.
Avoir la foi, c’est participer à la sagesse et à l’intelligence divines, c’est communier à son être, c’est accueillir le don de son St-Esprit. Par la foi, nous dit saint Thomas d’Aquin, nous recevons en notre intelligence créé la science même de Dieu. Dieu se communique à nous, Il nous révèle qui Il est, Il veut que nous Le connaissions et que nous L’aimions.
La mission de l’Église est justement de nous enseigner par le catéchisme, par la mission, par l’évangélisation, par la prédication, par tous les moyens possibles, qui est Dieu et comment nous pouvons le connaître, l’aimer, le servir, le contempler.
Mais l’Église ne fait pas qu’enseigner, elle célèbre aussi les sacrements, qui sont les moyens que Dieu a inventés pour nous établir dans son amitié et faire de nous ses enfants.

Dès lors nous comprenons mieux la prière des Apôtres :

« Augmente en nous la foi ! »

C’est-à-dire la certitude de vivre dans la présence de Dieu, l’assurance de son pardon, la ferme espérance de le voir pleinement et totalement dans la joie de l’Éternité. La réponse de Jésus peut nous surprendre. En fait Il attire l’attention de Ses disciples sur l’absolue nécessité de la foi.
La lettre aux Hébreux nous le rappelle : sans la foi, il n’est pas possible de plaire à Dieu. Dieu en effet veut que nous soyons disponibles à sa volonté, dociles à sa parole, comme de véritables serviteurs. Dépendre de Dieu qui est l’infini même, c’est le seul chemin de la liberté et du bonheur.

Si dans la foi nous accueillons la parole de Dieu et le don de Sa présence, alors cela implique une conversion, un changement dans notre vie, la réponse à un appel qui nous pousse à sortir de notre confort, de notre médiocrité, en un mot, de notre péché.
Vivre avec le Christ, à la suite du Christ, est l’aventure la plus exaltante qui puisse nous être proposée, puisque notre Éternité est en jeu. Mais beaucoup désertent ce combat, restent sourds à cet appel parce qu’ils ne veulent pas consentir aux efforts, aux changements, au renouvellement et à la rénovation intérieure que provoque, que suscite, que cause en nous la foi.
Mais voilà, dans l’Évangile, la rencontre avec Jésus, l’expérience de Sa miséricorde a bouleversé la vie d’un Zachée, d’un Matthieu, d’une Marie-Madeleine, sans compter les nombreux malades qui ont recours au Christ Sauveur. Et cette histoire se poursuit à travers les siècles : saint Augustin, le bienheureux Charles de Foucauld, sainte Edith Stein, le bienheureux, bientôt saint John-Henry Newman, les convertis du judaïsme, de l’Islam ou du paganisme témoignent de la vérité de l’Évangile capable de transformer et d’illuminer une vie.
Comment rester indifférents à cet amour qui nous est révélé, qui donne sa vie pour nous, qui nous fait échapper à la damnation et au désespoir ? La foi est à l’opposé de l’ingratitude, de l’oubli de Dieu, de l’indifférence.

Dans son testament spirituel, le grand théologien suisse Charles Journet écrivait, à propos du Christ :

« Il m’a envahi de son Amour et de son amour pour son Église. Par elle, Il m’a tout donné. Il n’a pas permis que je ne perde jamais la foi de mon baptême, il y a 84 ans. Il m’attendait pour me laver dans le Sang de son Eucharistie. Il est venu au-devant de moi pour la plus extraordinaire et la plus bouleversante des amitiés ».

La foi, chers frères, est bien une rencontre qui bouleverse une existence. Si Dieu existe, si Jésus, Son Fils unique et bien aimé est bien mon Sauveur et mon frère, si j’ai reçu en plénitude l’esprit filial avec le pardon de tous mes péchés, alors comment ne pas me mettre au service de la gloire de Dieu ?

La foi me révèle aussi ma place dans le plan du salut puisque Dieu suscite ma coopération pour le salut de mes frères, que ce soit dans le mariage, en accomplissant avec le plus d’amour possible ma vocation professionnelle, dans la vie consacrée ou dans le ministère sacerdotal.
Mais la foi me rappelle aussi que sans Jésus je ne puis rien faire de valable, d’efficace, de fécond pour le Royaume. Nous sommes de simples serviteurs, des serviteurs inutiles, des serviteurs quelconques, mais qui servons le meilleur des maîtres, le plus grand des rois. La foi exige le combat spirituel, mais elle suscité en nous l’humilité, la joie simple de savoir que nous accomplissons au quotidien la volonté de Dieu en renonçant à la vanité, au paraître, à l’ambition déplacée, à l’orgueil.

Saint Paul invite son disciple Timothée à raviver en lui le don reçu de Dieu par l’imposition des mains de l’apôtre. Il s’agit du sacrement de l’Ordre qui a fait de Timothée un prêtre à l’image des apôtres. Mais ce vœu nous pouvons le formuler les uns pour les autres, puisque tous nous avons reçu le don de Dieu au jour de notre baptême et de notre Confirmation. Ce que décrit saint Paul est pour chacun d’entre nous un beau programme de vie : rendre témoignage au Seigneur, garder le dépôt de la foi, manifester un esprit de force, d’amour et de pondération, prendre part aux souffrances liées à l’annonce de l’Évangile.
Il n’y aura pas de renouveau de la foi, de renouveau de l’élan missionnaire dans notre pays et dans notre diocèse

Amen !


Références des lectures du jour :

  • Livre d’Habacuc 1,2-3.2,2-4.
  • Psaume 95(94),1-2.6-7ab.7d-8a.9.
  • Deuxième lettre de saint Paul Apôtre à Timothée 1,6-8.13-14.
  • Évangile de Jésus-Christ selon saint Luc 17,5-10 :

En ce temps-là, les Apôtres dirent au Seigneur :
— « Augmente en nous la foi ! »
Le Seigneur répondit :
— « Si vous aviez de la foi, gros comme une graine de moutarde, vous auriez dit à l’arbre que voici : “Déracine-toi et va te planter dans la mer”, et il vous aurait obéi. »

« Lequel d’entre vous, quand son serviteur aura labouré ou gardé les bêtes, lui dira à son retour des champs : “Viens vite prendre place à table” ?
Ne lui dira-t-il pas plutôt : “Prépare-moi à dîner, mets-toi en tenue pour me servir, le temps que je mange et boive. Ensuite tu mangeras et boiras à ton tour” ?
Va-t-il être reconnaissant envers ce serviteur d’avoir exécuté ses ordres ?

De même vous aussi, quand vous aurez exécuté tout ce qui vous a été ordonné, dites : “Nous sommes de simples serviteurs : nous n’avons fait que notre devoir.” »