Homélie du 27e dimanche du temps ordinaire

3 octobre 2016

« De même vous aussi, quand vous aurez exécuté tout ce qui vous a été ordonné, dites : “Nous sommes de simples serviteurs : nous n’avons fait que notre devoir.” »

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Texte de l’homélie :

Le moins qu’on puisse dire, c’est que Jésus ne rentre pas dans les canons du management tel qu’on le présente aujourd’hui !
Un bon manager, dans les entreprises, c’est celui qui sait valoriser les salariés, valoriser leurs actions, les encourager, souligner le positif.
Et là, c’est un peu différent. Nous sommes, selon les traductions, « serviteurs inutiles », nous sommes de « simples serviteurs », ou alors selon une autre traduction « des serviteurs à qui l’on ne doit rien ».
Serviteur inutile, pas tellement, puisqu’au fond il sert, il prépare le repas pour que le maître puisse à son tour boire et manger. Mais nous sommes des serviteurs à qui l’on ne doit rien, de simples serviteurs.

Servir le Seigneur, c’est déjà notre récompense

C’est intéressant de voir que dans notre vie spirituelle, nous sommes d’abord au service du Seigneur. Nous sommes précédés par un don, par le don qu’il nous a fait de lui-même, de sa personne, le don qu’il continue de nous faire, dans sa Parole, dans son corps et dans son sang. Et donc, oui, nous sommes des serviteurs à qui l’on ne doit rien. Nous sommes déjà très honorés d’être au service du Seigneur.
Notre communauté comme vous le savez, porte le beau nom de Serviteurs de Jésus et de Marie, c’est un honneur de pouvoir servir Jésus et Marie. Rien que le fait d’être au service du Seigneur, là où il nous a mis, c’est déjà là la récompense.
Mais est-ce que tout cela ne demande pas au fond une attitude de foi ? On comprend cette introduction que Jésus fait pour éclairer l’intelligence de ses apôtres :

« Si vous aviez la foi gros comme une graine de moutarde, vous auriez dit à l’arbre que voici : déracine-toi et va te planter dans la mer… »

Bien souvent, il y a des moments où nous sommes vexés parce qu’on ne nous a pas dit merci, des moments où on aurait attendu un encouragement, une reconnaissance, ce sont parfois des moments où notre foi n’est pas assez vive.
Parce que nous sommes trop dépendants du regard des autres, trop dépendants d’une parole humaine et pas assez dépendants de la Parole de Dieu, Dieu qui nous dit que c’est dans la foi que nous avons la récompense. La foi est un régime de pauvreté d’une certaine manière, faute de mieux.
Le fait de servir le Seigneur, c’est déjà là notre récompense, le fait d’être des serviteurs qui n’attendent rien en retour, c’est au fond la définition de l’humilité, l’humilité d’être au service sans attendre de retour, sans attendre d’être payé en échange mais au contraire d’être dans une gratuité.

Où en est-on dans nos vies de cette gratuité ? Nous sommes souvent si susceptibles, nous nous vexons facilement, nous sommes tellement en quête de reconnaissance. Où en est-on de cette gratuité, où en est-on de cette humilité ? L’humilité c’est cette base, cet humus, cette terre, dans laquelle vont grandir toutes nos qualités humaines.
On sait bien que les qualités humaines, si elles sont associées aux défauts, à l’orgueil, deviennent des défauts, alors que les défauts, même vécu dans l’humilité, son quand même plus acceptables.

Imiter Jésus comme serviteur, c’est le cœur de notre foi

Frères et sœurs, aujourd’hui le Seigneur nous appelle à nous mettre au service gratuitement, sans attendre de retour.
Les occasions de servir sont multiples. Vous, chers confirmands, qui partagez notre célébration, dans vos familles, à l’école, il y a plein d’occasions de se mettre au service. Le service nous grandit, parfois les gens voient le service comme une menace, comme dégradant, alors que nous sommes au service de Dieu lui-même à travers nos frères. Imaginez que vous ayez demain à coup de fil du pape François, cela lui arrive de façon inopinée, qui vous demanderait du temps disponible pour l’aider. Qui d’entre nous refuserait ? Au contraire nous serions honorés de nous mettre au service du Saint-Père ! Le fait d’avoir été choisi, rien que cela c’est notre comme récompense, si nous sommes ici, si vous faites cette démarche vers la confirmation, c’est que vous avez été choisis. Nous célébrons en sa présence, nous sommes serviteur en sa présence dans la prière eucharistique.

Cela demande une attitude de foi, une attitude d’humilité profonde, de reconnaissance du don de Dieu. Nous ne nous sommes pas donné la vie, nous l’avons reçue. La foi aussi, nous ne nous la sommes pas donnée, nous l’avons reçue. Saint Paul nous dit :

« Nous avons reçu grâce sur grâce »

Le fait de méditer là-dessus nous aide à nous remettre au service parfois, parce que c’est vrai que la nature humaine est là, notre orgueil est là, notre besoin de reconnaissance est là, de façon excessive parfois.
Il faut se remettre face à ce qui est le cœur même de notre foi : imiter Jésus comme serviteur. Parce que s’il en est un qui s’est mis au service de l’humanité entière, c’est bien le Christ, c’est bien la Vierge Marie la servante du Seigneur. Ce service, c’est dit dans notre règle, ce service est salut. Je collabore au salut du monde, à ma place dans l’Église, en mettant mes énergies, mes talents, au service de mon prochain. C’est là qu’est vraiment ma récompense, rien que là il y a déjà une joie !

Avons-nous vraiment mis tous nos talents, et nous en avons des talents, au service de l’autre ? Sommes-nous attentifs à faire fructifier ce que le Seigneur nous a donné, en nous mettant dans une attitude d’attention ?
C’est important de se rappeler ces choses toutes simples mais qui sont en même temps souvent méprisées dans notre société. Celui qui est mis en avant, c’est celui qui commande, celui qui sait se faire respecter, celui qui sait se vendre. Celui qui se met au service, on le traite comme une serpillière. Nous disons non, Dieu lui-même s’est mis au service.

Le service, fruit d’un combat spirituel

Aujourd’hui nous fêtons la fête de saints anges gardiens, les anges sont des serviteurs.
Les anges ont eu aussi un combat spirituel à mener, comme nous aussi nous avons un combat spirituel à mener. Être serviteur du plan de Dieu qui passe par l’Incarnation, par le fait que Dieu prenne notre nature humaine, ce n’était pas si évident que cela pour les anges, parce que précisément ils avaient, eux, beaucoup plus que nous, une nature extraordinaire. Cela n’était pas évident de se mettre au service d’un Dieu qui prend cette nature humaine tirée de la boue.
La tradition rapporte le « non serviam », « je ne servirai pas » du démon. Le démon ne veut pas servir, il voit le service comme une menace, comme dégradant, il voit le service comme se rabaissant. Michel, qui est comme Dieu, et les anges qui ont suivi ce plan de salut du Seigneur, partagent cette gloire du Seigneur pour toujours.

Il y a donc un combat spirituel à mener.
Ce n’est pas pour nous spontané de nous mettre au service, d’être attentif pour voir ce qu’il y a à faire, d’être présent à notre entourage. Certaines personnes savent voir les choses. D’autres ne veulent pas voir les choses, ou préfèrent suivre leur chemin parce que cela leur prend trop de temps, c’est ce qu’on appelle le péché par omission. Comme il est bon nous-mêmes de faire un examen de conscience par rapport à ce service de façon à ce que nous puissions aussi voir si nous sommes vraiment attentifs jusqu’au bout de cette attention, si nous sommes prévenants face à l’autre.
L’égoïsme nous tend des pièges, c’est évident, nous avons nous aussi un combat spirituel et le fait de recevoir la communion, de recevoir le pardon de Jésus, nous encourage dans cette attitude de service.
C’est son exemple à lui qui nous donne des forces, le fait qu’il n’hésite pas à se rabaisser jusqu’au fait d’être présence sous les espèces du pain et du vin. Qui d’entre nous, sans changer sa nature, accepterait d’être présent sous les espèces du pain et du vin, complètement livré entre nos mains ? C’est gigantesque. On voit que nos natures se rebelleraient. Dieu n’a pas peur de rentrer dans l’humilité.

Nous aussi, faisons mémoire de l’amour du Seigneur pour nous, faisons mémoire des dons que nous avons reçu. Soyons heureux de mettre à la disposition de notre frère, de notre sœur tous les dons de la grâce et de la nature.

Amen !


Références des lectures du jour :

  • Livre d’Habacuc 1,2-3.2,2-4.
  • Psaume 95(94),1-2.6-7ab.7d-8a.9.
  • Deuxième lettre de saint Paul Apôtre à Timothée 1,6-8.13-14.
  • Évangile de Jésus-Christ selon saint Luc 17,5-10 :

En ce temps-là, les Apôtres dirent au Seigneur :
— « Augmente en nous la foi ! »
Le Seigneur répondit :
— « Si vous aviez de la foi, gros comme une graine de moutarde, vous auriez dit à l’arbre que voici : “Déracine-toi et va te planter dans la mer”, et il vous aurait obéi. »

« Lequel d’entre vous, quand son serviteur aura labouré ou gardé les bêtes, lui dira à son retour des champs : “Viens vite prendre place à table” ?
Ne lui dira-t-il pas plutôt : “Prépare-moi à dîner, mets-toi en tenue pour me servir, le temps que je mange et boive. Ensuite tu mangeras et boiras à ton tour” ?
Va-t-il être reconnaissant envers ce serviteur d’avoir exécuté ses ordres ?

De même vous aussi, quand vous aurez exécuté tout ce qui vous a été ordonné, dites : “Nous sommes de simples serviteurs : nous n’avons fait que notre devoir.” »