Homélie du 27e dimanche du Temps Ordinaire

8 octobre 2013

« De même vous aussi, quand vous aurez exécuté tout ce qui vous a été ordonné, dites : “Nous sommes de simples serviteurs : nous n’avons fait que notre devoir.” »

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Texte de l’homélie :

« Nous sommes des serviteurs quelconques, nous n’avons fait que notre devoir. »

Bien chers frères et sœurs,

Jésus monte à Jérusalem pour y vivre sa Passion. Il vient de parler aux pharisiens, puis aux disciples. Maintenant, c’est à ceux qu’Il a choisis pour partager son intimité qu’Il s’adresse. Et, durant cette montée, de quoi Jésus parle-t-il à ses « Douze » ? De l’indispensable détachement qui fera d’eux d’authentiques témoins…
Ensemble, frères et sœurs, redécouvrons la Parole de ce dimanche.

De pauvres hommes inutiles

Oui, de pauvres « privilégiés », qui, sans doutes, se sentent loin des actions éclatantes et paroles exigeantes de leur maître ! Et comme on comprend leur besoin d’être fortifiés :

« Seigneur, augmente en nous la foi ! »

Une demande que Jésus semble toutefois accueillir avec réserve. D’abord, parce que la foi, grosse comme la plus petite des semences de la terre suffit à réaliser de grandes choses ; ensuite, parce qu’ils ne sont pas choisis pour réaliser des prodiges, mais pour être de « pauvres serviteurs ne faisant que leur devoir ».

Autrement dit, sans désapprouver la demande légitime de ses amis, Jésus toutefois les prévient du risque de s’enorgueillir en le suivant et de s’illusionner sur leur état de sainteté et leur valeur personnelle.

Quant à celui qui serait tenté par le spectaculaire, Il rappelle que l’essentiel n’est pas dans l’agir et le faire, mais dans l’attitude humble et confiante de celui qui se sait un « pauvre homme » combien même il aurait fait tout ce qu’il devait.

Frères et Sœurs, ceci nous conduit au second point :

Choisis pour servir

Pour l’instant, les Douze sont encore dans l’éblouissement de tout ce qu’ils ont vu et entendu. Alors longuement et patiemment, sur cette route vers Jérusalem, Jésus prépare les siens aux événements futurs : Le suivre, Lui, c’est d’abord l’accueillir comme étant venu servir les hommes en donnant sa vie pour eux.

Autrement dit, leur vie à eux, les disciples, leur dignité, leur sainteté n’est autre que dans l’humble service du frère à la manière dont il leur donnera l’exemple lorsque, dans quelques jours, à Jérusalem, Il s’abaissera pour leur laver les pieds.

Voilà frères et sœurs, la première leçon de cette page. En suivant Jésus, et plus tard, en imitant Marie, le disciple du Christ ne peut ambitionner qu’une seule chose : l’humble service, cause d’une joie que nul ne peut ravir.
Dès lors, quelle foi demander si l’on veut être ami de Jésus, sinon celle qui permet de servir, partout et en tous, le dessein du Père sur l’humanité.

Et pour quelle mission ?

Une mission universelle qui conduira ces pauvres hommes jusqu’aux extrémités de la terre. Et c’est bien pour cela qu’ils pressentent en eux-mêmes que ce qu’ils vivent est quelque chose d’inouï et de privilégié.

Un privilège intransmissible et inaliénable avec son risque d’orgueil et de superbe, parce qu’ils seront toujours les seuls et uniques à avoir vu, entendu, touché le Verbe de Dieu, les seuls et uniques à avoir mangé et bu avec celui qu’ils ont reconnu et appelé « Seigneur ».
Oui, quel privilège ! Un privilège lourd de conséquences dont ils n’ont pas encore conscience et qui les conduira loin, très loin et jusqu’au bout, jusqu’à celui du don de leur vie.

Pour l’heure, chacun d’eux doit encore passer de ses prétentions humaines à sa vraie place de serviteur appelé à participer au pouvoir salvifique du Père. Et nous voyons, comment, après la Pentecôte, par action de la grâce, ces hommes sans influence, sans pouvoir, sans moyens financiers, sans organisation, sans rien, c’est-à-dire, vraiment pauvres et détachés, ont changé le cours de l’histoire.

Dès lors, quelle peut être leur ambition sinon celle de demander à grandir dans la foi qui leur permettra d’accueillir cette mission universelle avec l’humilité qui fera d’eux d’authentiques témoins et fidèles serviteurs…

Un chemin qui nous concerne tous !

Servir : c’est le maître-mot de l’évangile parce qu’il a été celui de la vie du Christ.
Et parce que le Chrétien est un autre Christ, oui, nous sommes tous concernés par cet évangile, parce que tous appelés, de par notre baptême, à reproduire dans nos vies, l’image de Celui qui est venu non pour être servi, mais pour servir jusque dans une situation d’esclave (Ph 2, 7) sans aucune considération, jusqu’à la mort de la Croix, bouleversant ainsi toutes les normes et convenances de ce monde.

Frères et Sœurs, comme hier à ses disciples, Jésus, nous redit que la foi que nous avons reçue et dans laquelle nous devons sans cesse grandir est indissociablement du service gratuit, désintéressé - comme le dit cette très belle prière que les scouts ont adopté à la suite de Saint Ignace de Loyola et que ceux-ci viennent souvent chanter ici - c’est :

« Nous dépenser sans attendre d’autre récompense que celle d’avoir fait votre sainte volonté ! »

Voilà un enseignement qui nous ramène encore à cet essentiel : pas de privilège dans le Royaume, ni de rang d’honneur, seule une hiérarchie de service !

Dans la dépendance du Père

Nous le savions sans doute déjà bien sûr, notre vocation est de « Servir ». Mais la manière dont je vais actualiser ce service dans le concret dépend fondamentalement de la manière dont je vis ma relation à Dieu. Car c’est de celle-ci que tout dépend.

C’est pourquoi frères et sœurs, nous devons nous demander : quelle est ma relation à Dieu ? La lettre à Timothée nous le dit on ne peut plus clairement : notre relation à Dieu est une relation de fils envers son Père. Nous avons été rachetés et rendus capables d’être des fils de Dieu, dit St Paul. Et cette relation de dépendance filiale envers le Père fait que nous ne sommes pas n’importe quelle créature… non pas des esclaves, mais des créatures libres rendues capables d’être chacun : « coopérateur » de Dieu. Car comme l’écrit encore Saint Paul :

« C’est un esprit de force, d’amour et de raison que Dieu nous a donné et non pas de peur. » (2Tm 1, 7)

Coopérateurs de Dieu, frères et sœurs, rendez-vous compte ! Ce n’est pas seulement très grand, mais c’est « prodigieux ». Si dans le monde, les hommes sont fiers lorsqu’ils servent un grand maître, quelle doit être pour nous, Chrétiens, notre fierté de servir Dieu comme notre Père !…

Le temps est venu de conclure. Frères et sœurs, que nous dit donc La Parole d’aujourd’hui ? Deux choses qui n’en font qu’une : l’homme n’est rien devant Dieu, sinon comme un serviteur inutile. Et pourtant, il peut participer à la puissance créatrice de Dieu, comme quelqu’un qui déplacerait un grand arbre pour le jeter dans la mer par sa seule parole… Puissance cachée d’un fils et d’une fille qui, par sa foi, même toute petite, met entre ses mains la participation à la force créatrice de Dieu lui-même.

Aussi revient-il à chacun et chacune, non seulement de demander la foi dans la prière, de la renouveler dans l’adoration et de l’entretenir par les sacrements de l’Église, mais aussi, bien sûr et surtout, de la mettre en acte dans le quotidien. Et parce que la foi est la réalité vivante de la vie, il envoie les fils que nous sommes pour élever, sanctifier et transformer le monde présent.
Oui, la foi n’est pas une question de quantité, mais de qualité, celle qui rend capable le croyant de transformer le monde, à condition qu’il fasse une confiance totale comme un fils à ce maître de l’impossible qu’est Dieu. Voilà ce dont nous parle l’Écriture aujourd’hui : de la première des vertus théologales qu’est la Foi. Et ça tombe bien, car on est encore, et pour quelques jours, dans l’année de la foi qui doit maintenant se prolonger et nourrir toute notre vie.

Pour terminer cette méditation, je propose qu’ensemble nous rendions grâce à Dieu d’une manière toute singulière et personnelle. Comment ? Simplement en reprenant dans le silence de votre cœur cette louange que la deuxième prière Eucharistique met sur les lèvres du prêtre juste après la consécration, une louange au Père qui tient en une phrase et peut paraître banale, mais qui pourtant est si juste et lourde de sens qu’elle peut éclairer toute la vie :

« Oui, Seigneur, nous te rendons grâce de nous avoir choisis pour servir en ta présence… »

Amen !


Références des lectures du jour :

  • Livre d’Habacuc 1,2-3.2,2-4.
  • Psaume 95(94),1-2.6-7ab.7d-8a.9.
  • Deuxième lettre de saint Paul Apôtre à Timothée 1,6-8.13-14.
  • Évangile de Jésus-Christ selon saint Luc 17,5-10 :

En ce temps-là, les Apôtres dirent au Seigneur :
— « Augmente en nous la foi ! »
Le Seigneur répondit :
— « Si vous aviez de la foi, gros comme une graine de moutarde, vous auriez dit à l’arbre que voici : “Déracine-toi et va te planter dans la mer”, et il vous aurait obéi. »

« Lequel d’entre vous, quand son serviteur aura labouré ou gardé les bêtes, lui dira à son retour des champs : “Viens vite prendre place à table” ?
Ne lui dira-t-il pas plutôt : “Prépare-moi à dîner, mets-toi en tenue pour me servir, le temps que je mange et boive. Ensuite tu mangeras et boiras à ton tour” ?
Va-t-il être reconnaissant envers ce serviteur d’avoir exécuté ses ordres ?

De même vous aussi, quand vous aurez exécuté tout ce qui vous a été ordonné, dites : “Nous sommes de simples serviteurs : nous n’avons fait que notre devoir.” »