Homélie du 27e dimanche du Temps Ordinaire

4 octobre 2022

« De même vous aussi, quand vous aurez exécuté tout ce qui vous a été ordonné, dites : “Nous sommes de simples serviteurs : nous n’avons fait que notre devoir.” »

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Texte de l’homélie

Chers frères et sœurs,

La Foi, dont traitent les lectures de ce jour, n’est pas la plus grande des trois vertus théologales, mais, c’est la première : elle vient devant l’Espérance et la Charité. Elle a de ce fait une importance particulière : c’est le roc, le fondement.

« Le juste vivra par la foi »

C’est le verset célèbre du prophète Habacuc. Saint Paul aime à le répéter. Cela signifie que la foi fait vivre. Et inversement : celui qui n’a pas la foi risque la mort.

Pourquoi sans la foi la mort nous guette t’elle ? Car, sans cette clef d’interprétation de la vie, le monde n’est que bruit et fureur, comme un piège fait pour me broyer, c’est-à-dire qu’il est absurde.
Un ami me faisait part du suicide récent d’un jeune père de famille. Cet ami disait de lui qu’il n’acceptait pas les règles de ce monde, qu’il était pour lui comme un piège.

Sans la foi, le monde est hostile, la souffrance purement stérile. Notre monde, il y est de plus en plus difficile d’y vivre.

Je suis également frappé par ce mal-être croissant qui nous entoure, quand on sort un peu de la sphère catholique. Je pense aux dramatiques effets secondaires du Covid sur la jeunesse : isolement, rupture des liens sociaux, les urgences psychiatriques saturées. Et l’on voit aussi le malaise de toutes ces professions : les soignants, les enseignants, les agriculteurs et les policiers, pour les jeunes notamment étaient saturées. Je pense au mal être dans bien des professions, avec les conséquences dramatiques que nous connaissons…

Pourquoi insister sur ce triste constat ? c’est parce qu’aujourd’hui plus que jamais, nous avons besoin du bouclier de la Foi.
La foi est ce bouclier qui nous protège de la mort. Ce sont les termes mêmes de Saint Paul :

« Ayez en main ce bouclier de la foi grâce auquel vous éteindrez les traits enflammés du démon. »

Et d’une certaine manière ne pas le proposer, c’est ne pas prêter assistance à personne en danger. Autrefois, une relative unanimité autour des valeurs chrétiennes et des rituels garantissait une intégration sociale, elles donnaient un sens à notre vie et ainsi qu’une forme de dynamisme intérieur.
Aujourd’hui, à qui n’a pas la Foi, le monde peut apparaître violent et inexorable, chacun étant renvoyé à sa solitude, à sa responsabilité devant la vie : que vais-je en faire ?

Comment procède la Foi devant ce monstre qu’est notre monde ? Elle se contente de révéler qu’il est colosse au pied d’argile, c’est-à-dire qu’il est dans la main de Dieu, qu’il est déjà vaincu. Car Jésus nous l’a dit :

« Courage, j’ai vaincu le monde ! »

Alors, n’ayons pas peur ! Nous relier au Christ nous permet nous revêtir de Sa victoire.

C’est aussi ce que dit Padre Pio, à cet officier qui voulait se suicider à la suite de circonstances particulièrement terribles durant la première guerre. Le bon père qui avait de don de bi-location lui apparaît et lui fait la morale. Et à l’écoute de ces paroles et plus encore à la vue de cet homme de foi, de sa tranquille assurance, il se remet à voir les choses dans l’ordre et son désespoir se calme, voyant une issue que la Foi lui donne. Le militaire renonce alors à se donner la mort.

Notre monde a tellement besoin de ce témoignage…

Mais l’Écriture va plus loin

Elle ne se contente pas de dire que celui qui a la Foi, vit et se sauve. Elle, fait bien plus. Dans l’Ancien Testament, elle dit que celui qui a la Foi ne se laisse pas abattre par le monde, mais il l’attaque dans ce qu’il a de mauvais. La foi, c’est ce qui nous permet de « remuer le monde », comme disait un auteur allemand. C’est bien ce que dit en Christ quand Il parle de bouger les montagnes. Que me sert de vivre, fût-ce par la Foi, si je ne change pas ce que je peux dans ce monde ?

Pour prendre un exemple, j’aime me rappeler du bon Pape Jean XXIII. Il approche des quatre-vingts ans et, plutôt que d’attendre la mort, il veut faire quelque chose pour son Église qu’il trouve poussiéreuse et fatiguée. Il a devant lui une Église avec ses grandeurs, mais qui s’empêtre parfois dans l’auto complaisance, qui risque de se durcir devant la modernité… sans la comprendre ni la convertir. Il chemine dans la Foi avec l’idée d’ouvrir un concile en 1963. Son entourage lui répond que c’est beaucoup trop tôt, que le temps va manquer. A cela, il répond : « On ne peut pas en 1963 ? qu’à cela ne tienne, nous l’ouvrirons en 1962 ! »

Ainsi, avant de mourir, il a pris le temps de faire ce qui lui semblait le plus important, « ouvrir la fenêtre » comme il disait, pour donner un air nouveau. C’est bien celui de l’Esprit dont il s’agit. Puis, il est mort, mais la dynamique était lancée.
Voici un bel exemple d’un homme de Foi qui ne s’est pas laissé abattre par toutes les lourdeurs de la structure et de l’administration…

Et nous, quelle montagne voulons-nous bouger ?

Serions-nous trop impressionnés par leur masse, leur pesanteur pour nous poser cette question ? Il nous faut savoir que se laisser impressionner, se laisser paralyser, c’est céder à l’idolâtrie. Si nous n’avons pas notre montagne à bouger, nous ne sommes pas de Chrétiens jusqu’au bout. Cela peut-être d’implorer la pacification au sein d’une famille, de prier intensément pour des réconciliations profondes entre les nations, de réclamer la conversion d’un proche ou d’un pécheur comme l’a fait la Petite Thérèse avec Pranzini, de supplier pour que les jeunes restent fidèles et joyeux à la foi qu’on leur a transmise.. A nous de voir, mais il nous faut en choisir une, sinon nous n’aurons pas essayé de remuer le monde, nous n’aurons pas été chrétiens jusqu’au bout.

De quelle Foi s’agit-il ?

Un dépôt fait dans la confiance

Chers frères et sœurs, la tradition de l’Église nous dit toujours que la Foi est double. Elle est tout d’abord un dépôt, un credo. Comme le dit Saint Paul :

« Garde ce dépôt de la foi. »

Il s’agit d’un dépôt, comme d’un dépôt d’argent : il a un contenu précis. La Foi, je ne l’invente pas mais je la reçois de Dieu qui me la transmets par Son Église. Si je veux que ma Foi soit vivante, il faut que je garde intègre ce dépôt, que je ne fasse pas le tri. Des choses me plaisent, d’autres ne me plaisent pas, que ce soit de l’ordre de la théologie ou de la morale chrétienne. Qu’importe, je dois tout prendre et essayer de comprendre. Avec la Foi, on ne peut pas piocher, rajouter ni enlever. Choisir, c’est affaiblir, et ça fait du mal.

Suis-je papiste quand ça m’arrange ? est-ce que l’écoute ce que dit notre pape sur les migrants ? que je ne me bouche pas trop vite les oreilles. Que dit il sur l’avortement… que dit-il sur la solidarité entre générations ? je dois tout écouter, non pas béatement - j’ai droit à mon esprit critique - mais j’ai le devoir de considérer que c’est lui que l’Esprit Saint a choisi pour éclairer l’Église aujourd’hui.

Une conviction enracinée et enflammée

Autre aspect de la foi : avoir la Foi, c’est avoir une confiance, une conviction enracinée. Des bonnes réponses au catéchisme ne font pas une conviction vivante, joyeuse, illimitée. Être intègre dans sa Foi ne suffit pas, il faut du feu, la Foi restera tiède et molle, elle ne nous poussera pas à agir.

Je pense notamment à nos frères évangéliques : ils n’ont pas la plénitude de l’intégrité de la Foi, nous le savons. Mais, leur conviction n’est-elle pas là pour nous interpeller ? Nous, catholiques, possédons un trésor : savons-nous y puiser ? ne sommes-nous pas en train de thésauriser dans un bas de laine en attendant des jours meilleurs ?

Croire, ce n’est pas facile…

Croire, C’est, comme nous le dit encore Saint Paul :

« Croire, marcher comme si nous voyions l’invisible. »

Ce n’est pas naturel, nous aimons ce qui se voit, ce qui se goûte, ce qui se touche, ce qui nous procure un plaisir immédiat, mais Jésus nous demande d’abandonner le cela, de privilégier l’invisible et de fixer notre regard sur Lui.
C’est comme cela que Moïse qui a fait sortir Son peuple d’Égypte.

C’est notre rôle, c’est notre héroïsme, plus même que celui de la Charité.

Un autre exemple pour illustrer cela : le dôme du Goûter est un lieu particulièrement uniforme, à 4000 m avant d’arriver au Mont Blanc. Et quand tombe le brouillard, la cordée d’alpinistes est condamnée à tourner en rond, il y est presque impossible de trouver son chemin. On risque alors de périr enseveli sous la neige, à moins qu’il n’y ait un guide particulièrement expérimenté, qui connaisse parfaitement les lieux, les lois de la montagne et sache déceler les signaux infimes que lui offre l’environnement et ait un sens inné de l’orientation. Il est alors possible d’arriver à faire sortir la cordée du mauvais pas.

Ce guide c’est nous, Chrétiens, à qui il appartient de déceler les signes et d’avoir le sens de la Foi. Le Chrétien sait quelle parole écouter, à quel signe se fier. Qui d’autre que nous pouvons sortir le monde du brouillard, de cette nuit ? C’est notre mission : nous avons beaucoup reçu, nous avons beaucoup à donner. Il n’y a pas d’autre choix pour sauver le monde !

Frères et sœurs, Marie était comme nous, dans le noir. Mais, elle avait la Foi. Pour commencer, son petit enfant que l’on disait être le Roi des Juifs était persécuté par Hérode et devait fuir. Ensuite, Elle a la Foi devant Son Fils crucifié, et Elle croit absolument que c’est le Messie, le sauveur du monde et le maître de toute chose.
Par Sa Foi, Marie a pu donner le Salut au monde.

Qu’elle nous enseigne cette fidélité et à ne jamais nous décourager.

Amen.


Références des lectures du jour :

  • Livre d’Habacuc 1,2-3.2,2-4.
  • Psaume 95(94),1-2.6-7ab.7d-8a.9.
  • Deuxième lettre de saint Paul Apôtre à Timothée 1,6-8.13-14.
  • Évangile de Jésus-Christ selon saint Luc 17,5-10 :

En ce temps-là, les Apôtres dirent au Seigneur : « Augmente en nous la foi ! »
Le Seigneur répondit : « Si vous aviez de la foi, gros comme une graine de moutarde, vous auriez dit à l’arbre que voici : “Déracine-toi et va te planter dans la mer”, et il vous aurait obéi. »
« Lequel d’entre vous, quand son serviteur aura labouré ou gardé les bêtes, lui dira à son retour des champs : “Viens vite prendre place à table” ?
Ne lui dira-t-il pas plutôt : “Prépare-moi à dîner, mets-toi en tenue pour me servir, le temps que je mange et boive. Ensuite tu mangeras et boiras à ton tour” ?
Va-t-il être reconnaissant envers ce serviteur d’avoir exécuté ses ordres ?
De même vous aussi, quand vous aurez exécuté tout ce qui vous a été ordonné, dites : “Nous sommes de simples serviteurs : nous n’avons fait que notre devoir.” »