Homélie du 3e dimanche du Temps Ordinaire

24 janvier 2022

Jésus referma le livre, le rendit au servant et s’assit. Tous, dans la synagogue, avaient les yeux fixés sur lui. Alors il se mit à leur dire : « Aujourd’hui s’accomplit ce passage de l’Écriture que vous venez d’entendre. »

Écouter l’homélie

Texte de l’homélie :

La parole de Dieu est importante, vivante, en attente de notre écoute, de notre étude, de notre pratique.

La Parole de Dieu est essentielle

Pour l’illustrer, je me contenterai de retenir 3 choses :

Le don de la Loi

Après la sortie d’Égypte et la marche au désert, les hébreux ne constituent pas vraiment un peuple. C’est par le don de la Loi, le décalogue, les dix paroles, qu’est conclue l’alliance avec Dieu et que cela devient vraiment un peuple. Ces dix paroles étaient un repère clair et fédérateur. Ces dix paroles ont été données dans un contexte de dialogue entre Dieu et le peuple, de manière à conclure l’alliance. Cette Parole de Dieu est essentielle pour vivre l’alliance avec Dieu et constituer le peuple de Dieu. Ce ne sont pas les opinions de tel ou tel mais la volonté de Dieu. La foi est la réponse à Dieu qui se révèle ; Dieu a l’initiative.

À bien des reprises ensuite le peuple a rendu grâce pour cette sagesse qui lui était donnée par Dieu. Le psaume 19 que nous avons entendu l’exprime très bien :

« La loi du Seigneur est parfaite, qui redonne vie ; la charte du Seigneur est sûre, qui rend sages les simples. Les préceptes du Seigneur sont droits, ils réjouissent le cœur ; le commandement du Seigneur est limpide, il clarifie le regard. »

Ces dix paroles ne sont absolument pas reçues comme un fardeau et une contrainte mais vraiment comme une grâce, une bénédiction.

Le peuple qui se retrouvait autour de la Parole notamment pendant l’Exil

En 586 avant Jésus-Christ, la destruction du temple et l’exil à Babylone par le roi Nabuchodonosor a marqué un vrai tournant. Comme ils n’avaient plus de temple pour offrir des sacrifices, le rôle des prêtres a diminué au profit de celui des scribes. C’est de cette époque qu’émerge la synagogue, des lieux où les Juifs se retrouvent pour écouter la parole et réciter les prières. Cela peut résonner d’une manière particulière à notre époque où, pour certains, il est plus difficile de participer au sacrifice eucharistique, notamment en semaine.

À partir de ce moment, la Parole de Dieu a pris une importance encore plus grande comme l’atteste la première lecture que nous avons entendue qui se situe au retour de l’exil à Babylone.

« Le prêtre Esdras apporta la Loi en présence de l’assemblée. (… Il) fit la lecture dans le livre, depuis le lever du jour jusqu’à midi. (…) Le scribe Esdras se tenait sur une tribune de bois, construite tout exprès. (…) Esdras lisait un passage dans le livre de la loi de Dieu, puis les lévites traduisaient, donnaient le sens, et l’on pouvait comprendre. »

La résurrection de Jésus « selon les Écritures »

Vous savez combien le refrain « selon les Écritures » est important après la résurrection de Jésus. Nous pensons bien sûr aux disciples d’Emmaüs qui cheminent avec Jésus :

« Jésus, avec patience, « en partant de Moïse et de tous les Prophètes, leur expliqua, dans toute l’Écriture, ce qui le concernait. » (v. 27)

Le Ressuscité explique l’Écriture Sainte aux disciples, offrant la clef de lecture fondamentale de celle-ci, c’est-à-dire Lui-même et son Mystère pascal : les Écritures Lui rendent témoignage (cf. Jn 5, 39-47). Le sens de tout, de la Loi, des prophètes et des Psaumes, s’ouvre à l’improviste et devient clair à leurs yeux. Jésus avait ouvert leur esprit à l’intelligence des Écritures (cf. Lc 24, 45). » (Benoît XVI, 11 avril 2012 ; cf. homélie veillée pascale 2021)

« Dans le mystère pascal s’accomplissent les paroles de l’Écriture, c’est-à-dire qu’il s’agit d’un événement qui porte en soi un logos, une logique : la mort du Christ témoigne que la Parole de Dieu s’est faite jusqu’au fond "chair", "histoire" humaine. » (Benoît XVI, 15 avril 2009)

Les Écritures donnent la clé de la compréhension de l’histoire sainte. Elles rendent témoignent de Jésus :

« Vous scrutez les Écritures parce que vous pensez y trouver la vie éternelle ; or, ce sont les Écritures qui me rendent témoignage, et vous ne voulez pas venir à moi pour avoir la vie ! » (Jn 5, 39-40)

Comme le dit saint Paul :

« Toute Écriture est inspirée de Dieu. » (2 Tm 3,16)

C’est pourquoi tous les livres spirituels ne peuvent rivaliser avec la Parole de Dieu.

La Parole de Dieu est vivante

Notre religion chrétienne n’est pas une religion du livre.

« Notre foi se fonde sur la Parole vivante et non pas sur un livre. » (PF n° 11)

Comme le dit le Psaume, la Parole de Dieu « donne l’intelligence aux simples. » (Ps 118, 130). Mais elle ne nous révèle pas seulement l’essence ou l’existence de Dieu mais aussi sa présence aujourd’hui. _ Elle nous rejoint aujourd’hui. Comme le dit Jésus dans l’évangile de ce jour :

« C’est aujourd’hui que ces paroles s’accomplissent. »

Dire que la Parole de Dieu est vivante, c’est dire qu’elle ne transmet pas simplement un contenu intellectuel. C’est un lieu de rencontre avec le Seigneur. Comme le disait le pape François dans une audience de l’an dernier :

« Est-ce que tu sais que tu es en train de rencontrer le Seigneur dans ce verset ? » (PF 27 janvier 2021)

Dire que la Parole de Dieu est vivante, c’est dire qu’elle agit en nous : « C’est pourquoi nous rendons continuellement grâces à Dieu de ce qu’en recevant la parole de Dieu, que nous vous avons fait entendre, vous l’avez reçue, non comme la parole des hommes, mais, ainsi qu’elle l’est véritablement, comme la parole de Dieu, qui agit en vous qui croyez. » (1 Th 2, 13) Cela suppose bien sûr de l’accueillir avec foi.

Dire que la Parole de Dieu est vivante, c’est dire aussi qu’elle va nous travailler, nous purifier : « Elle est vivante, la parole de Dieu, énergique et plus coupante qu’une épée à deux tranchants ; elle va jusqu’au point de partage de l’âme et de l’esprit, des jointures et des moelles ; elle juge des intentions et des pensées du cœur. » (He 4, 12) « Tout sarment qui est en moi, mais qui ne porte pas de fruit, mon Père l’enlève ; tout sarment qui porte du fruit, il le purifie en le taillant, pour qu’il en porte davantage. Mais vous, déjà vous voici purifiés grâce à la parole que je vous ai dite. » (Jn 15, 2-3)

Les témoignages des apôtres sont unanimes sur ce point. Voici ce que dit saint Pierre :

« Ayant purifié vos âmes en obéissant à la vérité pour avoir un amour fraternel sincère, aimez-vous ardemment les uns les autres, de tout votre cœur, puisque vous avez été régénérés, non par une semence corruptible, mais par une semence incorruptible, par la parole vivante et permanente de Dieu. » (1 P 1, 22-23)

La parole de Dieu est une semence de vie. La semence ne semble pas avoir de vie en elle, mais une fois qu’elle est semée dans une bonne terre, elle a le potentiel de produire de grandes choses dans votre vie. Lorsque les gens entendent sa parole, les mots travaillent en eux pour les régénérer avec sa vie.

La Parole de Dieu est vivante aussi dans la mesure où elle vient nourrir la vie de Dieu en nous :

« “L’homme ne vivra pas de pain seulement, mais de toute parole qui sort de la bouche de Dieu.” » (Mt 4, 4)

Des pistes concrètes pour lui donner plus de place

La Parole de Dieu est essentielle ; elle est vivante. Mais seulement dans la mesure où elle est accueillie. Cela suppose bien sûr une attitude de réceptivité spirituelle, une forme de coopération de notre part :

« Si quelqu’un écoute la Parole sans la mettre en pratique, il est comparable à un homme qui observe dans un miroir son visage tel qu’il est, et qui, aussitôt après, s’en va en oubliant comment il était. Au contraire, celui qui se penche sur la loi parfaite, celle de la liberté, et qui s’y tient, lui qui l’écoute non pour l’oublier, mais pour la mettre en pratique dans ses actes, celui-là sera heureux d’agir ainsi. » (Jc 1, 23-25)

Hélas, nous pouvons écouter la Parole de Dieu un peu distraite. Cela fait penser aux personnes qui mangent beaucoup mais n’assimilent pas. Nous pouvons relire avec profit la parabole du semeur car il y a bien des motifs pour lesquels la Parole ne produit pas le fruit escompté.

Mais avant même cela, il faut tout simplement lui donner un espace pour pouvoir la laisser résonner. Sinon, la sainte Écriture est comme une lettre que Dieu nous a envoyée mais que nous ne prenons pas la peine d’ouvrir !

Il faut déjà désirer cette Parole comme le petit Samuel ou le prophète Jérémie :

« Parle, Seigneur, ton serviteur écoute. » (1 S 3,10)

« Quand tes paroles se présentaient, je les dévorais, elles étaient mon ravissement, la joie de mon cœur. » (Jr 15,16)

Voici trois pistes parmi bien d’autres pour se rendre accessibles à la Parole de Dieu.

Avoir une Bible … accessible

Il ne suffit pas d’avoir une Bible sur une étagère. Encore faut-il la lire. Peut-être faut-il avoir un petit évangile facilement transportable. Ou avoir une application sur son téléphone.

Prendre le temps de la lire

Quel est le moment de la journée que vous allez dédier à la Parole ? Sinon, nous ressemblons à ces personnes qui achètent plein de livres mais qui ne les lisent jamais !

Nous pouvons aussi nous stimuler mutuellement à écouter la Parole de Dieu. Je pense à une équipe que j’accompagne : chaque matin les uns et les autres mettent sur le groupe WhatsApp un verset de l’Evangile qui a résonné en eux. Cela les a « obligés » à au moins parcourir l’Evangile du jour. Cela aide à garder en arrière-fond un verset qui nous accompagne pendant notre journée.

L’étudier

Nous avons la chance et la grâce d’avoir aujourd’hui de multiples possibilités.

Dans les diocèses ou les paroisses, il y a un certain nombre de formations qui sont proposées. Mais sur internet, vous trouvez toutes sortes de formations bibliques, de mooc, … Quel dommage de voir que certaines personnes ont fait beaucoup d’études mais en sont restées au catéchisme élémentaire. Il y a aussi des programmes pour lire la Bible sur une année.

Conclusion :

Ne repartez pas sans avoir envisagé de faire un petit pas pour que la Parole de Dieu puisse prendre plus de place dans votre vie.

Il ne faut pas voir les choses de manière trop compliquée :

« Cette loi que je te prescris aujourd’hui n’est pas au-dessus de tes forces ni hors de ton atteinte.
Elle n’est pas dans les cieux, pour que tu dises : « Qui montera aux cieux nous la chercher ? Qui nous la fera entendre, afin que nous la mettions en pratique ? »
Elle n’est pas au-delà des mers, pour que tu dises : « Qui se rendra au-delà des mers nous la chercher ? Qui nous la fera entendre, afin que nous la mettions en pratique ? »
Elle est tout près de toi, cette Parole, elle est dans ta bouche et dans ton cœur, afin que tu la mettes en pratique. » (Dt 30)

N’hésitons pas à demander à Marie de nous aider à mieux accueillir cette Parole afin qu’elle puis en quelque sorte s’incarner aussi en nous,

Amen !


Références des lectures du jour :

  • Livre de Néhémie 8,2-4a.5-6.8-10.
  • Psaume 19(18),8.9.10.15.
  • Première lettre de saint Paul Apôtre aux Corinthiens 12,12-30.
  • Évangile de Jésus-Christ selon saint Luc 1,1-4.4,14-21 :

Beaucoup ont entrepris de composer un récit des événements qui se sont accomplis parmi nous, d’après ce que nous ont transmis ceux qui, dès le commencement, furent témoins oculaires et serviteurs de la Parole.
C’est pourquoi j’ai décidé, moi aussi, après avoir recueilli avec précision des informations concernant tout ce qui s’est passé depuis le début, d’écrire pour toi, excellent Théophile, un exposé suivi, afin que tu te rendes bien compte de la solidité des enseignements que tu as entendus.

Lorsque Jésus, dans la puissance de l’Esprit, revint en Galilée, sa renommée se répandit dans toute la région. Il enseignait dans les synagogues, et tout le monde faisait son éloge.
Il vint à Nazareth, où il avait été élevé. Selon son habitude, il entra dans la synagogue le jour du sabbat, et il se leva pour faire la lecture.
On lui remit le livre du prophète Isaïe. Il ouvrit le livre et trouva le passage où il est écrit :
‘L’Esprit du Seigneur est sur moi parce que le Seigneur m’a consacré par l’onction. Il m’a envoyé porter la Bonne Nouvelle aux pauvres, annoncer aux captifs leur libération, et aux aveugles qu’ils retrouveront la vue, remettre en liberté les opprimés, annoncer une année favorable accordée par le Seigneur.’
Jésus referma le livre, le rendit au servant et s’assit. Tous, dans la synagogue, avaient les yeux fixés sur lui. Alors il se mit à leur dire : « Aujourd’hui s’accomplit ce passage de l’Écriture que vous venez d’entendre. »