Homélie du 3e dimanche du Temps Ordinaire

25 janvier 2016

Jésus referma le livre, le rendit au servant et s’assit. Tous, dans la synagogue, avaient les yeux fixés sur lui. Alors il se mit à leur dire :
« Aujourd’hui s’accomplit ce passage de l’Écriture que vous venez d’entendre. »

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Texte de l’homélie :

Frères et sœurs bien-aimés,

Jésus dit dans l’Évangile :

« Le Seigneur m’a envoyé annoncer une année favorable accordée par le Seigneur. »

Qu’est-ce que cette année favorable ? Cette année favorable, c’est l’année du jubilé.
Comme le pape François a voulu que cette année 2016 soit une année de jubilé, il me semble important de m’arrêter un peu sur ce thème. Pour vous aider à mémoriser, je vais m’arrêter brièvement sur 3 points :

  1. L’origine du jubilé dans la Bible,
  2. La dimension communautaire du jubilé,
  3. Les œuvres de miséricorde.

1 - L’origine du jubilé dans la Bible

L’année jubilaire trouve son origine dans un passage de l’Ancien Testament qui prescrit de sanctifier chaque cinquantième année (Lévitique 25, 9-13) :

« Vous sonnerez du cor pour l’ovation ; ce jour-là, dans tout votre pays, vous sonnerez du cor. (09) »

Cette année sainte était annoncée par la sonnerie d’une corne de bélier (en hébreu « yobel », d’où est issu le mot « jubilé »).

Le livre du lévitique poursuit :

« Vous ferez de la cinquantième année une année sainte, et vous proclamerez la libération pour tous les habitants du pays. Ce sera pour vous le jubilé : chacun de vous réintégrera sa propriété, chacun de vous retournera dans son clan. (10)
(…) En cette année jubilaire, chacun de vous réintégrera sa propriété. (13 ) »

Je m’arrêterai sur ces deux aspects très caractéristiques du jubilé : la rémission de dettes et la libération des esclaves.
À l’occasion du jubilé tout israélite rentrait en possession de la terre de ses aïeux, s’il l’avait vendue ou s’il l’avait perdue en devenant esclave. On ne pouvait être privé définitivement de la terre car elle appartenait à Dieu, et les israélites ne pouvaient demeurer indéfiniment en état d’esclavage puisque Dieu les avait « rachetés » pour lui-même comme sa propriété exclusive en les libérant de l’esclavage en Égypte (cf. Jean-Paul II Tertio Millennio adveniente, n° 12).
L’année du jubilé est vraiment l’année où l’on remet les compteurs à zéro. Une nouvelle chance nous est donnée. Le jubilé nous dit d’abord quelque chose de la bonté de Dieu qui veut à tout prix nous sauver, qui ne peut se faire une raison de nous voir malheureux.

Un jubilé est toujours une occasion où nous sommes appelés à remettre les dettes, à pardonner pour ne pas traîner de vieilles rancœurs. En effet, le Seigneur lui-même emploie le vocable de « dette » pour parler du pardon :

« Pardonne-nous nos offenses comme nous pardonnons aussi à ceux qui nous ont offensé. »

La nouvelle traduction liturgique de la Bible porte justement :

« Remets-nous nos dettes, comme nous-mêmes nous remettons leurs dettes à nos débiteurs. » (Matthieu 6, 12)

Lors d’un jubilé, en nous mettant à l’école du bon Dieu, nous sommes invités à renouveler notre regard les uns sur les autres, à enlever les étiquettes que nous avons pu mettre sur telle ou telle personne.

Dans l’Évangile que nous venons d’entendre, Jésus se présente lui-même comme Celui qui vient « proclamer une année de grâce de la part du Seigneur ». Si bien que les chrétiens ont longtemps estimé que l’histoire tout entière était devenue « jubilaire », du fait même de la venue du Christ.
D’ailleurs, aucun jubilé n’a été célébré jusqu’en 1300. Ce n’est qu’en l’an 1300, que le pape Boniface VIII accorda « l’indulgence » – c’est-à-dire la rémission des peines temporelles dues au péché – à tous les fidèles venus prier dans les basiliques Saint-Pierre et Saint-Paul-hors-les-Murs.

2 - La dimension communautaire du jubilé

Un risque, lorsqu’il y a une année jubilaire, c’est de voir les choses de manière individualiste : je vais profiter de cette année pour que Dieu me pardonne tout le mal que j’ai pu faire.
C’est de le voir comme une amnistie présidentielle : chacun en profiterait pour faire de bonnes affaires pour son salut personnel.

Dans la Bible, le jubilé comporte une attention particulière aux plus malheureux, ceux qui n’ont plus rien ou qui sont devenus esclaves. Un courant de fond dans la Bible souligne les bienfaits de l’aumône. C’est grâce aux bonnes œuvres que nous effaçons petit à petit la dette que nous avons contractée par nos péchés :

« Ayez entre vous une charité intense, car la charité couvre une multitude de péchés. » (1 P 4, 8)

Saint Paul nous parle aussi de l’amour mutuel comme d’une dette :

« N’ayez de dette envers personne, sauf celle de l’amour mutuel, car celui qui aime les autres a pleinement accompli la Loi. » (Rm 13, 8)

La deuxième lecture où saint Paul prend la comparaison du corps nous aide en ce sens :

« Si un seul membre souffre, tous les membres partagent sa souffrance. » (1 Co 12, 26)

Vous savez bien qu’il suffit d’avoir mal au pied pour avoir du mal à se concentrer pour faire un travail intellectuel. Ce texte de saint Paul résonne d’une manière particulière en cette semaine de prière pour l’unité des chrétiens.
Le fait d’être séparés de certains de nos frères chrétiens vous laisse-t-il indifférents ? Ressentez-vous douloureusement cette désunion ?

En tout cas, l’année jubilaire est l’année par excellence où on ne peut ignorer les autres.
Lorsqu’il a présenté l’année jubilaire, le pape François a insisté d’une façon particulière sur le fait d’aller à la rencontre de personnes qui nous sont éloignées, qui vivent dans une périphérie existentielle très différente de la nôtre. Il met un accent particulier sur la rencontre.
Dans une rencontre avec des séminaristes et des novices (le 6 juillet 2013), il s’interrogeait sur ce qui nous rendait heureux : ce n’est pas la possession du dernier modèle de smartphone, des vêtements les plus à la mode ou du scooter le plus rapide, car la joie ne naît pas, ne vient pas de ce que l’on possède. Ce n’est pas le fait d’éprouver la griserie des sensations fortes. Ce n’est pas non plus le fait d’avoir du succès auprès des filles ou des garçons, dans la mesure où l’on en reste à une relation superficielle.

« La vraie joie (…) naît du fait de se sentir accepté, compris, aimé, et du fait d’accepter, de comprendre et d’aimer. (…)
C’est de s’entendre dire : " Tu es important pour moi ", pas nécessairement avec des paroles. »

L’une des grâces importantes du jubilé est d’être renouvelés dans nos relations avec les autres.

3 - Les œuvres de miséricorde

C’est sur cet arrière plan de la rencontre que le pape François nous invite à redécouvrir les œuvres de miséricorde pendant cette année jubilaire. Vous savez peut-être qu’il y a quatorze œuvres de miséricorde : sept corporelles et sept spirituelles. En voici la liste :

Les œuvres de miséricorde corporelles : #- donner à manger à ceux qui ont faim, #- donner à boire à ceux qui ont soif, #- vêtir ceux qui sont nus. #- accueillir les étrangers (ce qui est tout à fait d’actualité !), #- visiter les malades, #- visiter les prisonniers, #- ensevelir les morts.

Les œuvres de miséricorde spirituelles : (elles nous sont peut-être moins familières) #- conseiller ceux qui sont dans le doute : cela peut être aussi de donner du sens à ce que nous faisons et à notre vie. #- instruire les ignorants : combien il est important d’éclairer l’intelligence car l’ignorance fait souvent prendre des voies sans issue. L’éducation contribue aussi à sortir de la pauvreté. #- exhorter les pécheurs : correction fraternelle. Il est facile de critiquer les gens derrière leur dos ou de leur « balancer » des reproches. Les corriger avec amour, douceur et humilité, c’est plus difficile. Comme le dit le pape François, la charité c’est comme l’anesthésie bien appréciable pour une opération. #- consoler les affligés : c’est toute la dimension de la compassion envers ceux qui souffrent. #- pardonner les offenses : c’est à dire de surmonter la vengeance et le ressentiment. #- supporter patiemment les personnes ennuyeuses : Dieu est tellement patient envers nous ; nous pouvons rendre la pareille aux autres ! #- prier Dieu pour les vivants et pour les morts : que tous les hommes aient leur place dans notre prière, pas seulement nos proches et pas seulement ceux qui sont vivants.

En conclusion :

Pour bien vivre cette année de grâce qui nous est offerte par le Seigneur, je vous propose de reprendre tranquillement les œuvres de miséricorde et de voir laquelle particulièrement vous pourriez mettre en œuvre sans délai.
Que la Vierge Marie nous aide à rendre ce monde plus humain car plus pénétré de l’amour du Christ,

Amen !

PRIÈRE POUR L’UNITÉ

Seigneur Jésus, qui, à la veille de mourir pour nous, as prié pour que tous Tes disciples soient parfaitement un, comme Toi en Ton Père et ton Père en Toi, fais-nous ressentir douloureusement l’infidélité de notre désunion.

Donne-nous la loyauté de reconnaître et le courage de rejeter ce qui se cache en nous d’indifférence, de méfiance et même d’hostilité mutuelles.

Accorde-nous de nous rencontrer tous en Toi, afin que, de nos âmes et de nos lèvres, monte incessamment Ta Prière pour l’Unité des Chrétiens, telle que Tu la veux, par les moyens que Tu veux.

En Toi, qui es la Charité parfaite, fais nous trouver la Voie qui conduit à l’Unité dans l’Obéissance à Ton amour et à Ta Vérité.


Références des lectures du jour :

  • Livre de Néhémie 8,2-4a.5-6.8-10.
  • Psaume 19(18),8.9.10.15.
  • Première lettre de saint Paul Apôtre aux Corinthiens 12,12-30.
  • Évangile de Jésus Christ selon saint Luc 1,1-4.4,14-21 :

Beaucoup ont entrepris de composer un récit des événements qui se sont accomplis parmi nous, d’après ce que nous ont transmis ceux qui, dès le commencement, furent témoins oculaires et serviteurs de la Parole.
C’est pourquoi j’ai décidé, moi aussi, après avoir recueilli avec précision des informations concernant tout ce qui s’est passé depuis le début, d’écrire pour toi, excellent Théophile, un exposé suivi, afin que tu te rendes bien compte de la solidité des enseignements que tu as entendus.

Lorsque Jésus, dans la puissance de l’Esprit, revint en Galilée, sa renommée se répandit dans toute la région.
Il enseignait dans les synagogues, et tout le monde faisait son éloge.
Il vint à Nazareth, où il avait été élevé. Selon son habitude, il entra dans la synagogue le jour du sabbat, et il se leva pour faire la lecture.
On lui remit le livre du prophète Isaïe. Il ouvrit le livre et trouva le passage où il est écrit : « L’Esprit du Seigneur est sur moi parce que le Seigneur m’a consacré par l’onction. Il m’a envoyé porter la Bonne Nouvelle aux pauvres, annoncer aux captifs leur libération, et aux aveugles qu’ils retrouveront la vue, remettre en liberté les opprimés, annoncer une année favorable accordée par le Seigneur. »
Jésus referma le livre, le rendit au servant et s’assit. Tous, dans la synagogue, avaient les yeux fixés sur lui.
Alors il se mit à leur dire : « Aujourd’hui s’accomplit ce passage de l’Écriture que vous venez d’entendre. »