Homélie du 3e dimanche du temps ordinaire

22 janvier 2018

« Convertissez-vous et croyez à l’Évangile »

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Chers frères et soeurs,

un journaliste un peu facétieux posait cette question au pape Benoît XVI :

Combien y-a-t-il de chemins pour aller vers Dieu ?

Ce pape à qui les médias avaient fait d’entrée de jeu une mauvaise réputation, celle d’un homme rigide et fermé, répondit à la surprise du journaliste :

Il est autant de chemins que de personnes.

Je trouve que cette réponse du pape Benoît XVI, qu’on ne peut pas accuser de relativisme, bien au contraire, rappelle quelque chose d’essentiel : le chemin pour aller vers le Seigneur est tellement personnel à chacun !

Aujourd’hui nous sommes au coeur de cette semaine de prière pour l’unité des chrétiens et c’est une belle occasion de méditer sur ce qu’est l’unité.

Pour avoir des pistes de réflexion, nous pouvons méditer sur Dieu lui-même, sur La Trinité. Ce qui fait l’unité des chrétiens, avec le baptême, c’est aussi cette foi en Jésus, vrai Dieu et vrai homme, et cette foi en un Dieu qui est un en trois personnes.

Quand on fait de la théologie de la Trinité, on apprend quelque chose assez étonnant et beau à la fois : les personnes divines, Père, Fils et Esprit Saint, sont beaucoup plus distinctes que deux personnes humaines entre elles, et à la fois elles sont bien plus unies que deux personnes humaines ne seront jamais unies, même les amoureux les plus fous.

Cette constatation nous dit quelque chose sur une des conditions de l’unité. L’unité, c’est l’accueil de la différence. L’autre est autre que moi. Depuis le péché originel, nous voyons la différence comme une menace en général : l’autre n’est pas comme moi, il me menace. Etre artisan d’unité, c’est accueillir cette différence, différence pour l’unité des chrétiens d’exprimer sa suite du Christ. Il y a quatre évangélistes, quatre façons de suivre le Seigneur, même à l’intérieur de l’Église catholique il n’y a pas une manière uniforme de vivre notre appartenance au Christ.

Accueillir la différence est la condition de l’unité. L’unité n’est pas l’uniformité. C’est une condition même de l’alliance : accepter que Dieu soit autre, autre que moi, tout autre que moi. L’altérité est une condition aussi de l’amour matrimonial :

Homme et femme, il les créa.

Cette distinction de sexes qui fait que l’autre est autre que moi jusque dans son corps, et évidemment dans sa psychologie, dans son histoire, etc…

Mais cela nous coûte. Ces textes qui nous sont donnés aujourd’hui nous éclairent de façon nouvelle sur ce qu’est l’unité.

Convertissez-vous, croyez à la bonne nouvelle.

Nous avons besoin de nous convertir. Ce n’est pas spontané d’être en communion avec quelqu’un, spécialement avec quelqu’un qui ne pense pas comme nous. Et encore plus avec quelqu’un qui n’a pas la même approche de la foi chrétienne que nous.

Cela demande de quitter quelque chose. Dans toute vocation, dans tous les récits de vocation dans l’Ancien comme dans le Nouveau Testament, à un moment donné il faut quitter. on se rappelle la vocation d’Abraham :

Quitte ton pays et la maison de ton père.

Il y a toujours l’idée de quitter quelque chose pour pouvoir suivre l’appel du Seigneur. Quitter une manière de penser, une manière d’être, une manière de faire. c’est cela la conversion : c’est se remettre profondément comme à la suite du Christ et ne pas faire de ma manière d’appréhender la foi chrétienne un absolu.

C’est parfois un piège dans l’oecuménisme qui serait de gommer la différence. Mais il y a des points de désaccord. L’oecuménisme, c’est d’abord se demander ce que nous avons expérimenté de Dieu, qui peut chacun nous aider dans notre vie chrétienne. « Dis-moi ce que tu as vécu du mystère de Dieu ». L’unité se fait par le haut, ce n’est pas de la négociation.

Dans un couple, dans une famille, dans une paroisse et dans une communauté religieuse, il en va de même, cette dimension de transcendance, cette remise de soi-même dans la prière au Seigneur va faire qu’on va pouvoir accueillir la différence de l’autre, parce qu’on a ce point commun vers lequel regarder. La sécularisation de nos sociétés, c’est à dire l’absence de Dieu dans nos sociétés occidentales ne nous aide pas à accueillir la différence. On nous parle du « vivre ensemble », mais cela n’a rien de simple, surtout avec des personnes qui parfois on des convictions religieuses tout à fait différentes ou n’en ont pas du tout, s’il n’y a pas un point commun vers lequel se tourner, la dimension d’une transcendance.

Un nouvel oecuménisme est né, dont parle le pape François, l’oecuménisme du sang, avec les martyrs. Que ce soit au XXI ème siècle ou avant, les chrétiens sont les plus persécutés au monde. D’autres le sont aussi, musulmans, bouddhistes, selon les régions du monde. Dans cette persécution, nous sommes en communion, parce qu’on réaffirme notre suite du Christ.

Nous avons tous été touchés lors de l’attentat contre les coptes. Nous sommes pourtant bien différents au plan théologique, mais personnes n’a soulevé ce point. Nous nous mobilisons tout de suite pour les Chrétiens d’Orient, dont la foi est bien différente. Mais face à la persécution, nous nous unissons, parce que nous avons un objectif commun, parce que notre appartenance au Christ est fondamentale et non négociable.

L’unité, c’est l’appel que le Seigneur nous lance en permanance.
Nos divisions, dans nos communautés, dans nos familles, viennent souvent de ce manque de réponse à l’appel de Dieu, à cette résistance de se mettre en chemin. On reste parfois bloqué sur des blessures, sur des mots, sur des injustices et on ne répond plus à l’appel du Seigneur.

Laissant tout, ils le suivirent.

Il y a urgence, c’est ce que nous dit l’apôtre Paul dans la deuxième lecture, le temps est limité.
Les chrétiens, à la différence de toutes les philosophies orientales, ne voient pas un temps circulaire, mais un temps fléché. Il y a un début et il ya une fin. Non seulement pour notre proprevie, nous ne croyons pas en la réincarnation mais en la résurrection, mais pour le monde aussi.

Car il passe, ce monde tel que nous le voyons.

Toutes nos désunions passeront, ce qui demeure c’est l’amour.
C’est ce que nous dira saint Paul dans la Lettre aux Corinthiens.

Vivons comme si nous ne possédions rien, comme nous le dit l’apôtre de façon mystérieuse :

Ceux qui ont de la joie, comme s’ils n’en avaient pas.

La dureté de coeur ne rentre pas au paradis. C’est pour cela qu’il nous faudra paeut-être un temps de purification, par ce que nous sommes trop attachés à certaines choses et pas assez centrés sur le Seigneur. Cela n’empêche pas la justice, l’équité, mais nos désunions, nos susceptibilités humaines, sont parfois très humaines. On a été blessé par une attitude et on en fait du coup un absolu, on se réfugie dans sa blessure.

Il y a bien sûr eu des blessures entre les religions chrétiennes, et comment, beaucoup de souffrance, mais en cette semaine de prière, nous ne voulons pas que cela ait le dernier mot. C’est cela prier pour l’unité des chrétiens. Nous voulons que la miséricorde de Dieu ait le dernier mot. Nous ne taisons pas nos différences, nous ne les gommons pas, mais nos différences nous aident à réfléchir comment suivre le Christ autrement.

Il faut donc quitter quelque chose dans nos vies, il y a une conversion à faire, c’est que nous dit Jonas :

Détournez-vous de vos conduites mauvaises.

Il y a des conduites qui sont des contre-témoignages. Et combien, dans l’histoire de l’Église, et comme explication aussi des divisions entre chrétiens, il y aeu des contre-témoignages, des conduites mauvaises.
Il faut que le coeur de pierre se change en coeur de chair, que nos coeurs progressivement se remettent plus au diapason du Seigneur qui, en son sein, connait une différence, une altérité. L’altérité est en Dieu, Père, Fils et esprit Saint et en même temps elle est unité comme jamais nous ne pourrons l’expérimenter entre deux personnes humaines.

C’est un énorme chantier, qui n’est pas simple, cela demande vraiment cette conversion du coeur. Cela demande la grâce, c’est pour cela que nous participons à la messe, pour justement que le Seigneur fasse de nous des artisans d’unité, parce que nous savons que nous ne le sommes pas toujours. Nous demandons pardon pour nos désunions, entretenues, voire volontaires.
En même temps nous affirmons une espérance que ce n’es pas la désunion qui aura le dernier mot, mais à la fin Dieu sera tout en tous.

Il y a un enjeu considérable pour nos sociétés, pour nous chrétiens. Nous n’avons pas l’exclusivité d’être des artisans d’unité, d’autres le sont à leur mesure, mais nous en sentons la responsabilité, de façon très claire . On voit bien des raidissements dans nos sociétés, des difficultés à accueillir l’autre.

Supplions le Seigneur, demandons-lui cette grâce dans notre communion au corps du Christ, oùnous ne formons qu’un même corps. C’est tout le sens de la messe dominicale, où dans la diversité de notre assemblée, nous voulons donner le témoignage de la communion et de l’unité !

Amen !


Références des lectures du jour :

  • Livre de Jonas 3,1-5.10.
  • Psaume 25(24),4bc-5ab.6-7bc.8-9.
  • Première lettre de saint Paul Apôtre aux Corinthiens 7,29-31.
  • Évangile de Jésus-Christ selon saint Marc 1,14-20 :

Après l’arrestation de Jean, Jésus partit pour la Galilée proclamer l’Évangile de Dieu ; il disait :
« Les temps sont accomplis : le règne de Dieu est tout proche. Convertissez-vous et croyez à l’Évangile. »
Passant le long de la mer de Galilée, Jésus vit Simon et André, le frère de Simon, en train de jeter les filets dans la mer, car c’étaient des pêcheurs.
Il leur dit : « Venez à ma suite. Je vous ferai devenir pêcheurs d’hommes. »
Aussitôt, laissant leurs filets, ils le suivirent.
Jésus avança un peu et il vit Jacques, fils de Zébédée, et son frère Jean, qui étaient dans la barque et réparaient les filets.
Aussitôt, Jésus les appela. Alors, laissant dans la barque leur père Zébédée avec ses ouvriers, ils partirent à sa suite.