Homélie du cinquième dimanche de Pâques

21 mai 2025

« Je vous donne un commandement nouveau : c’est de vous aimer les uns les autres. Comme je vous ai aimés, vous aussi aimez-vous les uns les autres. À ceci, tous reconnaîtront que vous êtes mes disciples : si vous avez de l’amour les uns pour les autres. »

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Texte de l’homélie

Chers frères et sœurs,

Aujourd’hui, Jésus nous donne un « commandement nouveau ». Mais on peut se demander s’il est si nouveau que ça… ? « Aimez-vous les uns les autres ! » Cela sonne tellement comme un slogan rabattu…

Ce commandement est-il vraiment nouveau ?

En effet, dans l’Ancien Testament et plus particulièrement dans le Lévitique, il nous était dit qu’il fallait aimer notre prochain…
Et, à force de ne pas être vécu, voire transgressé, ce commandement semble anémié et sans force. C’est finalement des mots qui semblent sans vie, comme un beau commandement mais qui ne change rien et qui perd de sa valeur …

Cependant, allons plus profond et nous verrons que ce commandement est bel et bien nouveau : Qu’est ce qui est neuf dans tout ça ? Ce qui est nouveau c’est que c’est Dieu qui a aimé, c’est le Christ qui a accompli ce commandement. On n’avait jamais vu cela auparavant. Le Christ fait Son entrée sur la terre et avec Lui la charité ! Auparavant, elle était introuvable. Le Christ aime jusqu’au bout en mourant sur la croix.

Mais bien plus. Cette charité, Il nous la donne quand Il donne son Esprit sur la croix. Et c’est une joie profonde, car c’est ce que nous cherchons : ne plus nous appartenir, être exproprié de soi-même par la charité, comme le Christ l’a été.
Certes c’est la Passion, mais nous ne voulons pas la vie sans la Passion, nous ne voulons le bonheur sans le don de nous-mêmes, de nous-mêmes jusqu’au bout ! Voilà pourquoi ce commandement est nouveau, car désormais, nous pouvons le pratiquer comme Dieu lui-même.

Un commandement toujours nouveau !

La tendance de la loi, c’était de tout codifier : la manière de manger de s’habiller, de rendre service au prochain, de lui rapporter son âne, s’il l’avait perdu… Tout est très concret dans le lévitique. Et les juifs ont ajouté jusqu’à ces 613 commandements !
Mais le Christ lui nous dit finalement : il n’y a plus qu’un seul commandement qui va régir tous les autres, car il va s’adapter à l’infini multiplicité du réel. Certes, les dix commandements demeurent, et ils sont là pour faire en sorte que nous ne perdions pas la grâce de Dieu, cet Esprit qui nous guide. Mais s’il demeure, alors, nous pouvons être infiniment créatifs dans notre amour, autant que l’Esprit est créateur. Nous sommes appelés à aimer différemment, selon les circonstances.

Prenons la première lecture et voyons avec quelle souplesse les apôtres se sont adaptés : ils devaient annoncer l’Évangile à leurs coreligionnaires, comme le Seigneur l’a demandé par à Israël par le prophète Isaïe :

« Je fais de toi la lumière des Nations… »

Or, bien des juifs se rebiffent devant le message des apôtres et il faut mesurer le traumatisme… D’une certaine manière, les prophéties ne s’accomplissent pas, puisqu’Israël faillit à sa mission de serviteur fidèle et de lumière des nations. Les apôtres doivent presque passer outre la consigne du Seigneur en Matthieu 10 :

« N’allez pas vers les païens, et n’entrez pas dans les villes des Samaritains ; allez plutôt vers les brebis perdues de la maison d’Israël. »

Mais cette escouade d’apôtres empoignée par la force de l’Esprit, change son fusil d’épaule, ils se tournent vers les païens.

« Ils rapportèrent tout ce que Dieu avait fait avec eux, et comment il avait ouvert aux nations païennes la porte de la foi. »

Comment ont-ils pu changer de logiciel si vite ? C’est justement parce que, comme nous dit cette première lecture :

« Ils avaient été remis à la grâce de Dieu, l’Esprit les guidait, les enseignait, les inspirait… »

Une magnifique intuition du pape François était de considérer aussi sous ce jour la charité pastorale : elle doit s’adapter perpétuellement, se défier du « on a toujours fait comme ça », repenser ses horaires, ses messages.
On se souvient de notre bon Père Lamy qui faisait sonner ses cloches, non aux heures habituelles, mais à la sortie des usines pour que les ouvriers se souviennent que Dieu les aime et puissent lui rendre une petite visite : il s’était adapté à eux, et c’était un signe de sa charité.

Il y a bien d’autres applications : l’amour des siens par exemple. Savons-nous aimer nos enfants en les laissant grandir, en adaptant notre affection à leur autonomie croissante, sans les enfermer ?
On sait à quel point une affection mal réglée d’une mère ou d’un père peut être destructrice pour un couple. Oui une affection trop naturelle, elle se fige, elle n’est pas vivante, elle n’est pas souple, elle ne sait être nouvelle.

Nous avons besoin d’un amour toujours neuf, qui sait se faire tout à tous, comme celle que décrit Saint Paul :

« Je me suis fait tout à tous pour en gagner à tout prix quelques-uns. »

Les saints, c’est cela, aussi, ceux qui ont capté le besoin de leur temps, et ont eu le génie inspiré par l’Esprit d’apporter la réponse adéquate. Ils sont les meilleurs historiens, ceux qui captent le mieux le secret de leur époque, des sismographes qui saisissent les mouvements des plaques telluriques de notre monde. Les Papes de ces dernières décennies nous l’ont bien montré

Un commandement qui nous renouvelle

Enfin, ce commandement est nouveau parce qu’il nous renouvelle. Pour bien comprendre cela, il nous faut faire un petit détour par le grec : le mot qui traduit « commandement » dans notre Évangile est « entole ». Cela signifie « prescription » d’une manière plus encore que le mot « commandement », au sens où le médecin prescrit un médicament.
Voilà que lorsque Jésus nous demande l’amour mutuel, Il nous donne une prescription… une prescription médicinale, pour que notre cœur revive ! Pour que notre cœur soit neuf !

« C’est cet amour-là qui nous renouvelle, pour que nous soyons des hommes nouveaux. » (Saint Augustin d’Hippone)

Alors voyons bien maintenant en quoi notre cœur est triste, ne va pas bien, reste dans la rancœur, la jalousie. Si nous décidons d’aimer, alors notre cœur revivra ! Nous aurons les mêmes souffrances, les mêmes difficultés, mais rien de cela n’est dangereux pour notre cœur s’il continue d’aimer.

Pour finir, le texte de l’apocalypse nous présente ce monde nouveau où l’amour l’a emporté… « Voici la demeure de Dieu avec les hommes ; il demeurera avec eux, et ils seront ses peuples, et lui-même, Dieu avec eux, sera leur Dieu. Il essuiera toute larme de leurs yeux.

Nous savons bien que nous pouvons toucher le paradis si la charité prend racine au milieu de nous. C’est toujours à refaire, il faut combattre sans cesse, mais vraiment ! L’Église peut devenir communion, nos familles peuvent devenir des communions de charité. Une famille qui prie, qui prie le chapelet - une fois par semaine peut être - voilà que les liens se transforment.

Quand j’étais en Argentine, j’avais dû accompagner une famille recomposée. C’était très compliqué au début, les fratries différentes se haïssaient… mais on avait la foi, alors tous ont prié, ont prié le chapelet, et les inimitiés ont fini par disparaître… Et une joie profonde, malgré les épreuves traversées, a pu renaître. Les larmes ont été séchées….

Au sortir de cette messe, voyons par où nous allons commencer à édifier cette nouvelle civilisation de la charité. Posons un geste un seul pour cela, et la Jérusalem céleste sera comme attirée sur notre terre. Que Marie nous y aide. qui nous appelle des ténèbres à Son admirable lumière,

Amen !


Références des lectures du jour :

  • Livre des Actes des Apôtres 14,21b-27.
  • Psaume 145(144),8-9.10-11.12-13ab.
  • Livre de l’Apocalypse 21,1-5a.
  • Évangile de Jésus-Christ selon saint Jean 13,31-33a.34-35 :

Au cours du dernier repas que Jésus prenait avec ses disciples, quand Judas fut sorti du cénacle, Jésus déclara : « Maintenant le Fils de l’homme est glorifié, et Dieu est glorifié en lui. Si Dieu est glorifié en lui, Dieu aussi le glorifiera ; et il le glorifiera bientôt.
Petits enfants, c’est pour peu de temps encore que je suis avec vous. Vous me chercherez, et, comme je l’ai dit aux Juifs : “Là où je vais, vous ne pouvez pas aller”, je vous le dis maintenant à vous aussi.
Je vous donne un commandement nouveau : c’est de vous aimer les uns les autres. Comme je vous ai aimés, vous aussi aimez-vous les uns les autres. À ceci, tous reconnaîtront que vous êtes mes disciples : si vous avez de l’amour les uns pour les autres. »