Texte de l’homélie
En méditant ce magnifique évangile de ce dimanche avec lequel nous continuons à approfondir notre relation à Jésus ressuscité, même si vous comprenez que toute notre vie ne suffira pas pour en découvrir toutes les richesses…
Ainsi, pour aujourd’hui, je me suis posé la question de savoir pourquoi Jésus ressuscité a-t-Il mangé du poisson grillé avec Ses apôtres, car Il n’en avait pourtant pas besoin. Et si Saint Jean et Saint Luc prennent la peine de relater cela dans leur évangile en ces jours de Pâques, c’est qu’il y a de quoi approfondir la question. Et je propose alors trois interprétations possibles parmi d’autres pour nous permettre de renforcer notre relation à Jésus ressuscité.
Les circonstances
La première interprétation tient aux circonstances, c’est à dire qu’il faut prendre le temps de se remémorer les événements qui ont précédé ce repas. Il est certain que les apôtres ont du être perturbés par ces différentes apparitions de Jésus ressuscité. Remarquez qu’Il ne leur fait aucun reproche, mais au contraire – on le découvre aujourd’hui – Il va, avec une grande délicatesse, commencer par les rejoindre dans ce qu’ils connaissent : la pèche. Il ne les a pas rejoints dans une synagogue, mais à la pèche, sur une plage, car le poisson, c’est leur métier, c’est ce qu’ils connaissent.
Jésus les rejoint donc dans ce qu’ils maîtrisent, dans ce qu’ils vivent au quotidien, leur vie dans sa partie la plus humaine, comme un point d’ancrage à partir duquel Il va leur apprendre à faire petit à petit l’expérience d’une dé-maîtrise. Si Pierre n’est pas resté pécheur, c’est à la pèche que Jésus l’a rejoint.
Ainsi, dans notre vie, frères et sœurs, soyons attentifs à ne pas trop vite vivre notre relation à Jésus « hors sol », en évacuant tout ce qui nous dérange dans notre vie humaine. Car c’est justement quand nous sommes dans des manques ou des difficultés comme les apôtres que Jésus aime apparemment se manifester. C’est bon de le rappeler. C’est ce que nous faisons à chaque messe frères et sœurs : demander à Jésus de venir pénétrer notre vie concrète : vie de famille, vie de frère et de prêtre, dans ce qui est beau, bien sûr, mais dans ce qui est aussi désolant, comme les souffrances, les deuils, les échecs, les paradoxes et tout ce qui nous dérange.
Frères et sœurs, Il n’est pas ailleurs, Il est là, à nous de Le découvrir par la Foi dans ce lieux. Qu’ils soient joyeux ou plutôt mélancoliques, nous pouvons y chanter des Alléluia et y trouver des forces nouvelles avec le Christ Ressuscité.
Voici une première manière d’aborder le sujet de Jésus qui fait cette grillade avec des poissons.
La deuxième interprétation porte plutôt sur l’appel.
L’appel
C’est un appel à tenir ensemble, on le sait très bien mais il est bon de le rappeler. Il y a à peu près deux semaines, nous avons fêté deux mystères qui n’en font qu’un seul et unique : la Croix et la Résurrection. Il ne faut jamais séparer les deux !
Rappelez-vous ces paroles de Jésus sur la Croix :
« J’ai soif ! »
Et aujourd’hui, en tant que ressuscité, Il nous montre qu’Il a faim. N’est-ce pas curieux ?
A la Croix, le fils de Dieu nous rappelle qu’Il a soif de nous sauver du mal et de la mort, car nous le savons, Il l’a vaincue à la Croix.
En tant que Ressuscité, Il marche avec nous et il a faim de partager Sa propre vie divine avec nous. Le Christ ressuscité affamé a faim de nous. Voyez, dans le mystère eucharistique se réalise ce magnifique échange de deux faims qui se comblent mutuellement, si nous le vivons dans la Foi.
Voyez, alors que nous mangeons le corps du Christ, c’est Lui qui nous mange. C’est comme si l’on disait que Jésus vient nous croquer à pleines dents pour que nous-mêmes nous savourions Sa vie dans toute sa plénitude. C’est ce qu’Il veut. Notre Foi n’est donc véritable que si nous avons un cœur vraiment ouvert au Christ qui ne cesse d’avoir faim de chacun de nous, faim de nous communiquer Son amour. Quand on y pense, c’est incroyable !
Et voilà donc ce que nous constatons dans notre vie de tous les jours : ce n’est pas si évident… Pour ma part, j’essaie de donner quelque miettes à Jésus. Et vous ?
Il est comme souvent le grand oublié dans notre quotidien… Ce n’est pas facile, mais c’est comme ça. Les apôtres en ont également fait l’expérience.
Voyez comment Jésus se fait un mendiant, quand Il dit :
« Avez-vous quelque chose à manger ? »
« Toi qui es ici, dans cette chapelle, as-tu quelque chose à me donner ? »
Frères et sœurs, essayons d’être un peu « comestibles » pour le Seigneur, sûrement, mais c’est bon de répondre à Jésus et de Lui donner quelque chose à manger.
Après les deux interprétations théologique, une troisième interprétation allégorique, celle que Jésus Lui-même suggère dans le chapitre 12 de Saint Matthieu. Rappelez-vous :
« Comme Jonas est resté dans le ventre d’un grand poisson pendant trois jours et trois nuits, ainsi le fils de l’homme restera dans le cœur de la terre trois jours et trois nuits. »
Le Christ qui mange la mort
Avec une lecture biblique, le poisson symbolise ici la mort comme notre destinée finale humaine : c’est comme ça. Mais, par amour pour nous, le Fils de Dieu a accepté d’être pour en sortir vainqueur pour toujours.
Et Saint Bède le vénérable, un docteur de l’Eglise du VIIe siècle osait même dire : Dans ce poisson grillé, c’est l’image du Christ Lui-même qu’il faut voir.
« Il s’est laissé prendre dans les filets de la mort, Il a été brûlé par les souffrances de sa passion, offrant une vie nouvelle à notre humanité vouée à la mort. »
Frères et sœurs, voilà une bien belle parole à méditer. S’il est grillé, ce poisson n’est pas pour autant mangé par la mort car c’est Jésus qui a mangé la mort. Le poisson n’est plus signe de mort mais de vie pour nous, les Chrétiens : Ichtus, nous le savons, Jésus Christ Notre Sauveur.
Et voilà frères et sœurs de quoi nous enrichir en ce dimanche et en cette semaine dans notre relation vivante avec Jésus ressuscité.
Je rappelle ici les trois interprétations :
- Enraciner votre Foi dans vos activités les plus terre à terre, c’est là où Dieu nous rejoint.
- Se soucier de nourrir Jésus qui a faim de nous et se demander : « qu’est-ce que je donne à Jésus à la messe ? ».
- Confesser notre joie, la joie de cette victoire définitive du Christ sur le gros poisson qu’est la mort. C’est ce que nous avons fêté à Pâques, mais cela implique aussi d’en témoigner autour de nous : Il est vraiment vivant.
Alors, voyez-vous, loin d’une anecdote de simple poisson grillé, Saint Luc nous révèle une formidable espérance, rien qu’à travers ce symbole, cette réalité des poissons grillés. Toute notre vie est comme saisie par le Christ ressuscité dans un mouvement éternel où la faim ne peut plus dominer, où la mort est déjà engloutie.
Ainsi, il est dommage que, dans notre tradition, on fait du poisson un signe de simple pénitence, même si ça arrange certains d’entre nous, le vendredi. Mais, il serait encore mieux de manger du poisson le vendredi en confessant cette victoire du Christ crucifié et ressuscité.
Alors frères et sœurs, c’est de saison, sortons nos barbecues pour griller de la viande, certes, mais pas seulement : du bon poisson, des truites et des sardines, ce que vous voulez ! Et j’invite à le faire même le dimanche, pour proclamer la vie éternelle du Ressuscité qui a mangé la mort et qui donne la Vie éternelle à chaque instant à chacun de nous.
Faites-le aussi - une fois par an – pour fêter l’anniversaire de votre baptême. C’est magnifique de se rappeler de ce jour-là en mangeant du poisson pour se rappeler que vous avez été vivifiés par l’eau baptismale en Christ, mort et ressuscité.
Voyez, il y a de quoi lier les choses les plus matérielles aux choses les plus divines pour nous faire grandir dans la Foi, frères et sœurs.
Ainsi, voyez que le poisson est bon pour la santé du corps et de l’âme, vous le savez. Alors, mangeons du poisson dans l’Espérance d’être un jour nous aussi au Ciel, heureux comme des poissons dans l’eau, et bienheureux comme les vivants que Saint Jean met en scène dans sa deuxième lecture et qui chantent l’Agneau de Dieu :
« Puissance, honneur et gloire à jamais »
Alléluia !
Références des lectures du jour :
- Livre des Actes des Apôtres 5,27b-32.40b-41.
- Psaume 30(29),3-4.5-6ab.6cd.12.13.
- Livre de l’Apocalypse 5,11-14.
- Évangile de Jésus-Christ selon saint Jean 21,1-19 :
En ce temps-là, Jésus se manifesta encore aux disciples sur le bord de la mer de Tibériade, et voici comment. Il y avait là, ensemble, Simon-Pierre, avec Thomas, appelé Didyme (c’est-à-dire Jumeau), Nathanaël, de Cana de Galilée, les fils de Zébédée, et deux autres de ses disciples.
Simon-Pierre leur dit :
— « Je m’en vais à la pêche. »
Ils lui répondent :
— « Nous aussi, nous allons avec toi. »
Ils partirent et montèrent dans la barque ; or, cette nuit-là, ils ne prirent rien.
Au lever du jour, Jésus se tenait sur le rivage, mais les disciples ne savaient pas que c’était lui.
Jésus leur dit :
— « Les enfants, auriez-vous quelque chose à manger ? »
Ils lui répondirent :
— « Non. »
Il leur dit : « Jetez le filet à droite de la barque, et vous trouverez. »
Ils jetèrent donc le filet, et cette fois ils n’arrivaient pas à le tirer, tellement il y avait de poissons.
Alors, le disciple que Jésus aimait dit à Pierre : « C’est le Seigneur ! »
Quand Simon-Pierre entendit que c’était le Seigneur, il passa un vêtement, car il n’avait rien sur lui, et il se jeta à l’eau. Les autres disciples arrivèrent en barque, traînant le filet plein de poissons ; la terre n’était qu’à une centaine de mètres.
Une fois descendus à terre, ils aperçoivent, disposé là, un feu de braise avec du poisson posé dessus, et du pain. Jésus leur dit : « Apportez donc de ces poissons que vous venez de prendre. »
Simon-Pierre remonta et tira jusqu’à terre le filet plein de gros poissons : il y en avait cent cinquante-trois. Et, malgré cette quantité, le filet ne s’était pas déchiré.
Jésus leur dit alors : « Venez manger. » Aucun des disciples n’osait lui demander : « Qui es-tu ? » Ils savaient que c’était le Seigneur.
Jésus s’approche ; il prend le pain et le leur donne ; et de même pour le poisson.
C’était la troisième fois que Jésus ressuscité d’entre les morts se manifestait à ses disciples.Quand ils eurent mangé, Jésus dit à Simon-Pierre :
— « Simon, fils de Jean, m’aimes-tu vraiment, plus que ceux-ci ? »
Il lui répond :
— « Oui, Seigneur ! Toi, tu le sais : je t’aime. »
Jésus lui dit :
— « Sois le berger de mes agneaux. »
Il lui dit une deuxième fois :
— « Simon, fils de Jean, m’aimes-tu vraiment ? »
Il lui répond :
— « Oui, Seigneur ! Toi, tu le sais : je t’aime. »
Jésus lui dit :
— « Sois le pasteur de mes brebis. »
Il lui dit, pour la troisième fois : « Simon, fils de Jean, m’aimes-tu ? »
Pierre fut peiné parce que, la troisième fois, Jésus lui demandait : « M’aimes-tu ? » Il lui répond :
— « Seigneur, toi, tu sais tout : tu sais bien que je t’aime. »
Jésus lui dit :
— « Sois le berger de mes brebis. Amen, amen, je te le dis : quand tu étais jeune, tu mettais ta ceinture toi-même pour aller là où tu voulais ; quand tu seras vieux, tu étendras les mains, et c’est un autre qui te mettra ta ceinture, pour t’emmener là où tu ne voudrais pas aller. »
Jésus disait cela pour signifier par quel genre de mort Pierre rendrait gloire à Dieu. Sur ces mots, il lui dit : « Suis-moi. »