Homélie du 14e dimanche du temps ordinaire

7 juillet 2014

« Venez à moi, vous tous qui peinez sous le poids du fardeau, et moi, je vous procurerai le repos.
Prenez sur vous mon joug, devenez mes disciples, car je suis doux et humble de cœur, et vous trouverez le repos pour votre âme. »

Écouter l’homélie

Texte de l’homélie :

On pourrait penser que le thème de ce dimanche est – comme le dirait le pape François – la joie de l’Évangile. En effet, dans la première lecture, on entend le prophète Zacharie qui nous invite :

« Exulte de toutes tes forces Sion, Jérusalem, pousse des cris de joie. »

Et l’on voit Jésus qui, dans Sa prière intime, se tourne vers le Père, et exulte, proclame la louange de Dieu. Comme je le disais dans l’introduction de cette messe, l’Eucharistie est l’action de grâce ; et nous avons ici dans cette joie de l’action de grâce quelque chose d’essentiel à la vie chrétienne : la joie est essentielle à la vie chrétienne.

Déjà, dans la vocation d’Israël, il y a cette vocation à la louange. C’est le nom de Juda, d’où vient de mot « juif », suivant l’étymologie du mot qui est donnée au chapitre 31 du livre de la Genèse : c’est « celui qui loue ». Toute la vocation de l’homme biblique de l’Ancien et du Nouveau Testament est de rendre grâce, de louer le Seigneur.

Pourquoi rendre grâce ?

Pourquoi dit-on « Merci ! » ? On rend grâce à quelqu’un, parce que l’on est pas tout seul, comme le dit la deuxième lecture : ou tu vis selon la chair, c’est à dire l’intelligence et le cœur humain, tourné sur lui-même, lié à ses propres forces, ou au contraire, ouvert à Celui qui est plus grand, ouvert au Seigneur avec qui nous sommes appelés au dialogue.
Si je ne dis pas merci, c’est que je suis tout seul, autonome. J’avance avec moi seul, et comme le dit Saint Paul, à la fin : « vous mourrez seuls »…

Laissons cette ouverture dilater notre cœur. C’est cette invocation de l’Ancien Testament jusque dans le Nouveau, où Saint Paul nous conseille :

« Bénissez ! ne maudissez pas !
En tout temps, en toute circonstance, bénissez ! »

Et c’est la marque du Chrétien.

Louer quelles que soient les circonstances ?

J’aimerais vous poser une question : Est-ce que c’est facile ? est-ce que nous y arrivons ?
Comment ne pas se souvenir de ce passage merveilleux de Péguy où il répète plusieurs fois, en stigmatisant certaines attitudes négatives : « vous savez, les temps sont mauvais et difficiles, notre monde n’a jamais été ainsi… » etc ! et l’on se plaint sur tout et sur tout le monde.
Et Péguy dit qu’au temps de Jésus, c’était la même chose : il y avait les Romains, et quand Il est arrivé, Il a tranché dans le vif et a fait naître le Christianisme.

Le Christ n’est pas celui qui se plaint et qui murmure, celui qui rouspète et contemple son vide… Il est Le fils qui donne. Et quand Il se donne, Il donne tout le Père, comme Il nous le dit Lui-même. La joie jaillit de Son cœur.
Si du début à la fin de la Bible, au cœur de la vie de l’Église nous avons l’Eucharistie, dont je vous rappelais tout à l’heure le sens, c’est pour rendre grâce.

Même dans les plus difficiles ?

Ainsi, voyons un peu plus loin dans la lecture : quand est-ce que Zacharie proclame :

« Exulte de joie, pousse des cris d’allégresse, fille de Jérusalem :
voici ton roi qui vient vers toi ! »

On situe alors ces propos juste après la conquête d’Alexandre Le Grand – vers 330, dans une époque bien sombre. Et le reste du texte nous dit bien :

« Ce roi fera disparaître les chars de guerre, les chevaux de combats et il brisera l’arc. »

C’est encore une joie tout en espérance.
Quand est-ce que Jésus parle de la joie ? quand est-ce qu’Il exulte ? Est-ce quand tout va bien, quand ses apôtres lui rapportent des bonnes nouvelles ?
Si vous regardez l’Évangile de Saint Matthieu, ce n’est pas exactement cela. Et ce texte est important : il situe l’action : « en ce temps là », comme pour insister. Mais, quel est ce temps-là ? C’est quand Jésus est en train de se lamenter sur Corazin, Bethsaïde, Capharnaüm, toutes ces villes si proches, celles où Il a vécu, qui Lui sont fermées.

Devant cet échec de la prédication, devant ces difficultés, Il est dans la joie. Cela ne nous rappelle t-il pas Saint François d’Assise avec sa joie parfaite ?

« Ce n’est pas quand ta prédication va convertir la foule entière, que l’on verra les démons tomber, que tes frères de communauté vont réussir leur « carrière » et convertir tout le monde à l’Université de Paris (le joyau de l’époque) mais plutôt dans le froid, les difficultés et l’échec, et même le rejet, là est la joie parfaite, frère Léon.
Si, affrontant toutes ces choses, tu ne perds pas la Paix, tu garderas ton âme dans la Paix. »

C’est aussi ce que dit Séraphim de Sarov :

« Fais demeurer ton âme dans la Paix, et tu convertiras des multitudes. »

C’est notre travail de Chrétien : Demeurer dans cette action de grâce.

Pourquoi le pouvons-nous ?

Jésus donne la clef dans l’Évangile : d’où vient la joie de Jésus ? C’est dans le regard vers Son Père, dans cette tendresse échangée du Père envers Lui et de Lui envers le Père, de ce don parfait de L’un à L’autre. Et ce don, Il nous le fait. Nous en sommes dépositaires.

Et à propos de cette histoire de joug : cette allusion au travail des champs est intéressante. Il s’agit d’une pièce de bois qui repose sur deux bœufs côte à côte, qui prend le cou et les réunit ensemble. Cela démultiplie la force pour tirer le tombereau ou la charrue, et sans ce joug, cela ne serait pas possible. Ainsi, c’est le joug de la loi d’amour que Jésus nous donne.

« Prenez mon fardeau qui est facile à porter. »

Facile, si l’on ne reste pas le vieil homme, si nous regardons vers Jésus. Alors, regardons vers Lui, regardons vers le Père, entrons à l’intérieur pour regarder le Père qui nous comble de Ses dons :

« En vous habite l’Esprit-Saint ! »

Si nous pouvions nous arrêter là : « En vous… » Ne soyons pas sous l’emprise de la chair : nous ne sommes pas abandonnés par nos propres forces, mais ouverts. Et que notre âme et notre joie soient un appel d’air, à la fois pour moi-même, mais aussi pour beaucoup autour de nous.
Voilà la mission, voilà ce sans quoi il n’y a pas de mission - cette transformation intérieure – parce que cet accueil du Royaume de Dieu, cet accueil de la sagesse de Dieu – Lui, la Sagesse qui nous est donnée - Il nous la communique.

Demandons au Seigneur de bannir de notre vie toute plainte, tout rempli sur nous-même, pour apprendre à vivre de cette joie, de cette exultation ; Et puissions-nous, dans notre prière intérieure, même au sein des conflits et des difficultés, savoir nous tourner vers le Père qui est toute joie, renverser ainsi les ténèbres et la tristesse par la Paix,

Amen !


Références des lectures du jour :

  • Livre de Zacharie 9,9-10.
  • Psaume 145(144),1-2.8-9.10-11.13cd-14.
  • Lettre de saint Paul Apôtre aux Romains 8,9.11-13.
  • Évangile de Jésus Christ selon saint Matthieu 11,25-30 :

« En ce temps-là, Jésus prit la parole et dit :
« Père, Seigneur du ciel et de la terre, je proclame ta louange : ce que tu as caché aux sages et aux savants, tu l’as révélé aux tout-petits.
Oui, Père, tu l’as voulu ainsi dans ta bienveillance.
Tout m’a été remis par mon Père ; personne ne connaît le Fils, sinon le Père, et personne ne connaît le Père, sinon le Fils, et celui à qui le Fils veut le révéler. »

« Venez à moi, vous tous qui peinez sous le poids du fardeau, et moi, je vous procurerai le repos.
Prenez sur vous mon joug, devenez mes disciples, car je suis doux et humble de cœur, et vous trouverez le repos pour votre âme.

Oui, mon joug est facile à porter, et mon fardeau, léger. »