Homélie du 6e dimanche du temps ordinaire

16 février 2015

« Si tu le veux, tu peux me purifier. »

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Texte de l’homélie :

Dans la loi de Moïse que l’on nous donne aujourd’hui à lire, nous avons un principe que nous connaissons très bien, que nous connaissons de mieux en mieux dans nos pays : le principe de précaution. Si quelqu’un était lépreux ou était soupçonné de l’être, il fallait prendre ses précautions, et donc on mettait cette personne à l’écart de la communauté, avec tout un nombre de prescriptions pour que la contagion possible ne se répande pas.
Et c’est ainsi que cet homme était mis à l’écart : la loi de Moïse étant en vigueur au temps de Jésus : avoir la tête couverte jusqu’à la bouche et se tenir dans les lieux déserts où l’on est sensé ne rencontrer personne. Mais Jésus, qui va de village en village pour proclamer la Parole, rencontre le lépreux. Celui-ci a déjà entendu certainement parler de Jésus et vient vers Lui à la fois dans une confiance, dans une espérance, mais aussi avec un peu de défiance, de doute, à se demander ce qui est possible. On le voit dans cette expression que l’aveugle emploie :

« Si tu le veux, Tu peux me guérir. »

Effectivement, quand nous sommes dans la maladie, dans l’épreuve, dans des chemins qui nous semblent des impasses, où notre vie ne débouche pas sur les fruits que l’on voudrait, on risque de se demander quelle est la volonté de Dieu. Et il y a beaucoup de scribes, et des scribes de chaque époque qui sont là pour nous dire que la souffrance est une punition de nos péchés, ou bien que la souffrance est un maître de vie qui va nous faire grandir, ou encore que c’est la volonté incompréhensible de Dieu et qu’il faut s’en remettre à cette volonté…

La question du lépreux touche à cette question : « Mais quelle est la volonté de Dieu ? Quel est le sens ? Quelle est la volonté de Dieu pour ma vie ? ». Et, à partir de son expérience, il se tourne vers le Seigneur. Et il a entendu dans la personne de Jésus un nouveau sens de la volonté de Dieu où du moins il ne peut pas se résoudre comme énormément de nous tous. Mais il ne veut pas se résoudre à ce que les scribes de chaque époque disent. Et il découvre en Jésus ce que Jésus dira à travers les guérisons qu’il fait, à travers les rencontres qu’il fait, il découvrira la volonté de Dieu que Jésus exprimera :

« La volonté de mon Père, c’est que pas un de ces petits ne se perdent. »

La volonté de Dieu, c’est que le dessein bienveillant de Dieu s’accomplisse sur la Terre. Certes, il ne s’accomplit pas à la manière dont on voudrait, à la vitesse dont on voudrait dans nos projections, nos imaginations où nous réfléchissons bien souvent sans le Seigneur.
Mais il va découvrir dans cette rencontre avec Jésus celui qui frémit intérieurement, qui est touché de manière profonde par cet homme, par chaque homme qui est dans une situation de souffrance, d’impasse, de difficulté.

Et aujourd’hui, nous venons en écoutant cet Évangile pour nous laisser toucher par Jésus qui est saisi de compassion. Et Jésus est tellement saisi de compassion que si on lit le texte d’une manière un peu approfondie, on voit que cet homme qui reçoit la guérison, qui est joyeux, qui va l’annoncer partout alors que Jésus lui avait bien dit comme fruit d’être réintégré dans la société et donc d’aller voir le prêtre et faire ce qu’il fallait pour être réintégré pleinement. Et cela va avoir une conséquence pour Jésus : cela va annoncer ce que Jésus est venu faire, la théologie de la Rédemption de Jésus.
Voyez dans le texte : on dit, parce que ce gars-là n’a pas suivi les consignes de Jésus, que Jésus ne pouvait plus rentrer dans un seul village, il ne pouvait plus entrer ouvertement dans une ville, alors il est resté à l’écart, dans les endroits déserts. Voilà ce que fait Jésus : Il vient prendre sur lui nos souffrances, nos difficultés, il nous communique la vie, mais lui se retrouve dans les endroits déserts, là où habitait cet homme auparavant. Il vient prendre sur lui nos impasses, nos souffrances pour nous apprendre à nous offrir au Seigneur, à nous donner au Seigneur, pour nous entraîner dans ce mouvement de la Passion, de l’offrande de Lui-même que nous vivons dans l’Eucharistie pour que notre vie soit transfigurée, il nous entraine dans sa résurrection auprès de son Père.

Voilà le mystère du Seigneur. Ce n’est pas simplement une belle petite histoire, c’est vraiment ce sens profond de cette rencontre que nous sommes appelés à faire avec Jésus, et en demandant la grâce toujours de découvrir quelle est sa volonté.

Quand on parle de la rencontre du lépreux, on est toujours saisi, séduit par le personnage de saint François pour qui la rencontre avec le lépreux a été tout à fait étonnante. Voilà ce qu’il dit dans son testament :

« Le Seigneur m’a donné à moi, François, de commencer à faire pénitence de cette manière : quand j’étais dans le péché, il me semblait trop difficile de voir les lépreux. Et c’est le Seigneur lui-même qui me conduisit parmi eux et je leur montrais de la miséricorde.
Et quand je les ai quittés, ce qui m’avait semblé si difficile s’est changé en douceur de l’âme et du corps.
Et ensuite, j’ai attendu un peu, puis j’ai quitté le monde. »

C’est étonnant de voir comment il découvre cela : alors qu’il était, comme il le dit, encore dans le péché, dans une vie où Jésus était loin, où Jésus n’était pas vivant dans son cœur, eh bien, quand il s’approche de celui qui est exclu, de celui qui est malade, de celui qui est en difficultés, surpassant sa crainte, surpassant son dégoût, il le prend dans ses bras, et Jésus le guérit lui de sa lèpre, de sa lèpre du péché, de son orgueil, il le prend et le convertit à l’amour de Dieu. Et voilà la victoire profonde de Dieu :notre profonde résurrection, notre résurrection à une vie nouvelle.

Eh bien, demandons cette grâce à Jésus.
Demandons aussi à saint François de nous apprendre à vivre de cet amour de compassion que le Seigneur veut nous donner, de nous apprendre à nous en revêtir, et à le porter de l’avant, afin de ne pas rester sur notre manière de voir.
L’orgueil c’est quoi ? C’est simplement l’image que j’ai de moi-même qui est le centre, alors que le centre ce doit être l’image de l’être que Jésus m’a donnée, que le Seigneur a faite de moi, que je suis appelé à accomplir à chaque instant.
Demandons cette grâce de pouvoir nous renouveler dans cet amour de Dieu, nous qui allons recevoir le Corps et le Sang du Seigneur pour justement nous rappeler que nous sommes son corps, pour nous regarder avec ses yeux, pour pouvoir avancer et rendre grâce avec le lépreux et avec tous les amis de Dieu.

Amen.


Références des lectures du jour :

  • Livre du Lévitique 13,1-2.44-46.
  • Psaume 32(31),1-2.5.11.
  • Première lettre de saint Paul Apôtre aux Corinthiens 10,31-33.11,1.
  • Évangile de Jésus Christ selon saint Marc 1,40-45 :

En ce temps-là, un lépreux vint auprès de Jésus ; il le supplia et, tombant à ses genoux, lui dit :
— « Si tu le veux, tu peux me purifier. »
Saisi de compassion, Jésus étendit la main, le toucha et lui dit :
— « Je le veux, sois purifié. »
À l’instant même, la lèpre le quitta et il fut purifié.
Avec fermeté, Jésus le renvoya aussitôt en lui disant : « Attention, ne dis rien à personne, mais va te montrer au prêtre, et donne pour ta purification ce que Moïse a prescrit dans la Loi : cela sera pour les gens un témoignage. »

Une fois parti, cet homme se mit à proclamer et à répandre la nouvelle, de sorte que Jésus ne pouvait plus entrer ouvertement dans une ville, mais restait à l’écart, dans des endroits déserts. De partout cependant on venait à lui.