Homélie du premier dimanche de l’Avent

28 novembre 2022

« Veillez donc, car vous ne savez pas quel jour votre Seigneur vient. »

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Texte de l’homélie

Lorsque j’ai médité sur ces textes pour préparer cette homélie, deux fils rouges me sont apparus clairement. Ils font le lien entre les passages de la parole de Dieu.
Premièrement, il y a l’opposition ténèbres/lumière.

« Venez, maison de Jacob, marchons à la lumière du Seigneur ! »

« La nuit est bientôt finie, le jour est tout proche. Rejetons les activités des ténèbres et conduisons-nous honnêtement comme on le fait en plein jour. »

Cela signifie que le temps de l’Avent est un temps de passage des ténèbres à la lumière.

Il y a un autre fil rouge qu’il est intéressant à exploiter : sommeil/veille.

« C’est le moment, l’heure est venue de sortir de votre sommeil ! »

Admettons que cela s’applique aussi à nous qui nous sommes levés ce matin pour nous rendre à la messe, au lieu de faire notre grasse matinée…

« Il aurait veillé, le maître de maison, et n’aurait pas laissé percer le mur de sa demeure. »

Puis, Jésus rajoute :

« Veillez donc, car vous ne connaissez pas quel jour votre seigneur vient. »

Ténèbres/lumière, sommeil/veille, c’est aussi ce qui habite ce cœur du temps de l’Avent.
Pourquoi être éveillé ? Pourquoi sortir de notre sommeil, de notre torpeur ? Vous comprendrez bien que ce n’est pas juste biologique et réparateur dont il s’agit, mais d’un sommeil spirituel. Car, précisément, il y a un danger de laisser cette lumière qui est en nous nous obscurcir. Nous ne sommes toujours pas dans une attitude d’éveil. Il y a un danger de se laisser attirer par des forces centrifuges.

On le sait bien, dans ce temps qui précède Noël, il y a beaucoup de forces centrifuges qui nous emmènent loin de nous-même et loin du Seigneur. Toutes ces publicités pour des achats autour de Noël, le black Friday qui a succédé à la fête de la citrouille… tout cela nous emmène loin du Seigneur. Il n’y avait pas ces fêtes il y a vingt ans. La course aux cadeaux a toujours existé, certes, mais ce cumul de nouveautés est intéressant, c’est comme s’il fallait nous sortir à tout prix de l’Essentiel…

Le temps de l’Avent nous permet de nous recentrer vers l’Intérieur, d’écouter les forces intérieures, d’écouter la lumière intérieure. Et il est intéressant de voir que c’est un temps qui trouve sa correspondance dans la nature.

Dans ce temps de l’Avent, dans ce mois qui vient de commencer, la nature se recueille : les jours sont plus courts, la nuit tombe plus tôt. C’est comme un appel de la nature à être vigilent, à nous recueillir, à être attentif à ce que nous portons, parce qu’il y a précisément des dangers. Il y a ce risque de devenir des analphabètes de nous-mêmes…

J’aime beaucoup cette phrase de Bernanos qui dit :

« On ne comprend absolument rien à la civilisation moderne si l’on admet pas tout d’abord qu’elle est une conspiration universelle contre toute espèce de vie intérieure. »

Or, c’est en 1946 que Bernanos écrivait ces lignes. Que dirait-il aujourd’hui ?

On le sait bien, l’intériorité ne nous est pas spontanée. Nous sommes parfois dans une fuite, un perfectionnisme et un activisme qui nous emmènent loin de la lumière qui nous habite. Car il y a une lumière que nous avons pourtant reçue grâce au baptême : la présence de Dieu !
C’est la spécificité des Chrétiens : nous croyons que nous sommes habités par plus grand que nous-mêmes.

Il est vrai que ce temps de l’Avent est un temps marial. Marie enceinte porte le Seigneur, Elle porte en Elle-même plus grand qu’Elle-même. Et c’est aussi cette invitation à découvrir cette vie intérieure, à être attentif à ce combat spirituel entre ténèbres et lumière.
C’est vrai qu’il y a en nous une part de ténèbres, un combat intérieur, parce qu’on se laisse aller loin du Seigneur, loin de cette lumière intérieure.

Pourtant, si nous sommes ici, c’est que nous avons goûté quelque chose de la lumière de Dieu. Et pourtant, nous le voyons bien, nous ne faisons par toujours le bien que nous voulons faire, mais plutôt le mal que nous ne voudrions pas faire, comme le dit le grand Saint Paul…

C’est pour cela que le temps de l’Avent est un temps de conversion. Nous portons donc les chasubles violettes pour signifier que c’est le moment de nous réformer nous-mêmes, dans la joie, car c’est dans la perspective de la naissance de l’Enfant Jésus qui est là et qui se trouve au bout du chemin.
Mais, au fond, est-ce que toute fécondité ne demande pas une conversion ? Le temps de l’Avent n’est-il pas là pour nous rappeler que le cœur de nos vies c’est de porter du fruit, et du fruit qui demeure ?

Pour cela, il faut être éveillé, il faut être attentifs, car, nous pourrions nous laisser endormir, engloutir par le flot du monde comme au temps de Noé, et perdre de vue l’essentiel. Et pour que notre vie porte du fruit et un fruit qui demeure, pour que notre vie soit féconde, cela passe par la vie intérieure. Cela signifie que nous Chrétiens, nous devons redécouvrir que nous sommes habités. Le Christianisme, c’est d’abord une expérience spirituelle, ce n’est pas l’application d’une morale, et c’est important de le souligner. C’est une rencontre, un visage, mais c’est aussi la découverte que nous sommes habités de cette lumière qui peut rendre aussi les autres lumineux. Plus nous vivons de cette grandeur intérieure, plus nous avons accès à la lumière qui nous habite, plus les autres peuvent en bénéficier et être aussi rendus lumineux.

La Vierge-Marie peut beaucoup nous aider dans ce chemin, car c’est Elle qui a accueilli la lumière de Dieu, celle du Christ, Elle a accueilli cette fécondité qui n’était peut-être pas prévue, cette fécondité miraculeuse, mais qui a aussi été en lien avec la présence de Dieu, qui a écouté cette présence du Seigneur et a fait confiance. Elle a fait le choix de l’intériorité :

« Marie gardait toutes ces choses dans son cœur. »

Vous vous rappelez de cette expression qui revient régulièrement dans le Nouveau Testament : Elle gardait toutes ces choses dans Son cœur, Elle se recueillait, Elle était habitée, Elle est précisément celle qui avait parié sur la présence de Dieu dans sa vie.

Certes, la fécondité est un choix, de même que de choisir de vivre de cette lumière de Dieu. C’est un choix que de rester éveillé, de rester attentif que, dans la réalité, il y a des signes que Dieu nous fait de Sa présence. Nous le croyons de tout notre cœur. Et si nous sommes endormis, si nous nous laissons envahir par cette torpeur que produit le matérialisme, on ne voit plus les signes de fécondité et d’intériorité.

Demandons ainsi cette grâce au Seigneur, particulièrement par l’intercession de Marie, parce que c’est Elle qui nous donne la clef. Marie qui attend qui va nous donner l’Enfant Jésus. C’est la fécondité par excellence, c’est aussi le Salut. Comme une maîtresse de vie spirituelle, Marie nous apprend, ainsi que le disait notre fondateur le Père Lamy, à nous laisser attirer par l’Hôte Divin, à nous laisser aller au silence et au recueillement de la nature, accueillant son silence, pour pouvoir découvrir un Dieu qui nous appelle des ténèbres à Son admirable lumière,

Amen !


Références des lectures du jour :

  • Livre d’Isaïe 2,1-5.
  • Psaume 122(121),1-2.3-4ab.4cd-5.6-7.8-9.
  • Lettre de saint Paul Apôtre aux Romains 13,11-14a.
  • Évangile de Jésus Christ selon saint Matthieu 24,37-44 :

En ce temps-là, Jésus disait à ses disciples : « Comme il en fut aux jours de Noé, ainsi en sera-t-il lors de la venue du Fils de l’homme.
En ces jours-là, avant le déluge, on mangeait et on buvait, on prenait femme et on prenait mari, jusqu’au jour où Noé entra dans l’arche ; les gens ne se sont doutés de rien, jusqu’à ce que survienne le déluge qui les a tous engloutis : telle sera aussi la venue du Fils de l’homme.
Alors deux hommes seront aux champs : l’un sera pris, l’autre laissé.
Deux femmes seront au moulin en train de moudre : l’une sera prise, l’autre laissée.
Veillez donc, car vous ne savez pas quel jour votre Seigneur vient.

Comprenez-le bien : si le maître de maison avait su à quelle heure de la nuit le voleur viendrait, il aurait veillé et n’aurait pas laissé percer le mur de sa maison.
Tenez-vous donc prêts, vous aussi : c’est à l’heure où vous n’y penserez pas que le Fils de l’homme viendra. »