Homélie du 33e dimanche du Temps Ordinaire

14 novembre 2016

« C’est par votre persévérance que vous garderez votre vie. »

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Texte de l’homélie :

Frères et sœurs bien-aimés,

Connaissez-vous le Pic de Bugarach dans l’Aude ?
C’est très important de le connaître, parce que ce pic se trouve dans le cœur du Vortex. C’est ce que disait en tout cas un certain Sylvain qui s’était auto-proclamé le « Christ cosmique », qui était « l’enseignant même du Christ » et qui disait que, là, devaient se transmuter les énergies telluriques au moment du 21 décembre 2012, date à laquelle se termine le calendrier Maya… Tout concordait, l’alignement galactique, l’inversion des champs magnétiques terrestres, il fallait être là à Bugarach dans le cœur du Vortex pour avoir la vie sauve !

Que s’est-il passé ? Certaines personnes ont cru dans ce cher Sylvain -« Christ cosmique » - se sont réunies, amassées avec les médias dans cette métropole de 200 habitants ; cela a dû au moins relancer l’économie locale !

Mais les paroles du Seigneur nous disent aujourd’hui :

« Prenez garde de ne pas vous laisser égarer, car beaucoup viendront sous mon nom et diront c’est moi, le moment est tout proche. »

Nous sommes dans ce 33e dimanche du temps ordinaire, la fin de l’année liturgique, et les textes que la liturgie nous propose sont au sujet de la fin du monde. Il y a toujours eu à travers l’histoire ce qu’on appelle « la tentation millénariste » : en l’an 1000 on pensait que c’était la fin du monde, en l’an 2000, certains le pensaient aussi et en l’an 2012 aussi.
Le Seigneur nous met en garde de ne pas nous laisser perturber. La foi n’est pas la crédulité.

Vivre chaque jour qui passe avec une plus grande densité

Nous sommes invités nous-mêmes, à travers ces paroles du Seigneur, à prendre conscience que ce monde que nous connaissons aura une fin. Comme il a eu un début, il en aura une fin.
C’est une manière aussi de concevoir le temps, le temps que nous avons à vivre nous est compté et la fin de notre monde qui consiste en notre propre mort, vient là comme pour donner à notre temps, à chaque jour, une densité nouvelle.
C’est ce que disent de nombreux Saints : penser au moment de sa mort pour donner plus de vie à chaque jour, à défaut de donner plus de jours à notre vie.

Nous sommes invités à travers la fin du monde à nous dire que nous sommes, comme chrétiens, dans une tension intérieure, nous savons que ce monde-là passe, que la figure de ce monde passe. Et parce que la figure de ce monde passe, nous sommes invités à vivre chaque jour avec une plénitude plus grande.

C’est ce que disait une des survivantes des attentats de Paris dont nous fêtons le premier anniversaire aujourd’hui. Elle a vu sa son ami, à côté d’elle, être tué par une kalachnikov. Cela a complètement changé sa manière de vivre. On ne sait pas si elle a eu une conversion religieuse, mais elle a dit à quel point cet événement lui avait fait prendre conscience que la mort n’est pas simplement quelque chose de théorique, elle l’a vécu à ses côtés, mais que la mort venait redonner à notre vie un sens et une densité.

Le chrétien, c’est celui précisément qui croit à la densité du temps.
Le temps est un temps linéaire, c’est un temps fléché et non le temps circulaire que l’on peut voir dans les religions asiatiques par exemple, avec la réincarnation. Pour ceux qui ont travaillé avec des collaborateurs indiens, la notion du temps n’étant pas la même, la notion de l’efficacité mais pas la même !
On voit bien combien à travers le temps, et cette manière de voir le temps, il réagi aussi sur notre manière de vivre.

La fin des temps, ouverture à la vie éternelle

Le temps n’est pas simplement quelque chose qui passe, c’est quelqu’un qui vient à notre rencontre.
Nous prenons conscience que chaque acte que nous posons en cette vie retentit dans l’éternité.
Et dans ce mois de novembre nous sommes invités à prier pour les fidèles défunts, cela nous rappelle que nous aurons à rendre compte de nos actes au moment de notre mort. C’est là la grandeur de la dignité humaine. Le fait de rendre compte de ses actes c’est aussi prendre conscience que notre liberté nous engage, nous sommes alors invités à vivre chaque instant comme si c’était le dernier. Pour chacun d’entre nous, nous sommes bousculés par les paroles du Seigneur qui sont un peu effrayantes, difficile à entendre :

« On portera la main sur vous, on vous persécutera, on vous livrera aux synagogues … »

D’une certaine manière la fin des temps ce sera une épreuve pour notre foi. La mort est une épreuve pour notre foi, parce que nous ne pouvons pas nous résoudre à la mort.
De même aussi, autant nous ne pouvons pas concevoir ce qui est infini, autant nous avons du mal à penser que notre monde est fini. On le voit bien, cette question de la vie éternelle est capitale. Il y a deux visions de la personne humaine : la vision « matérialiste », non pas dans le sens de l’accumulation des biens, qui voit la personne humaine comme simplement le conglomérat de molécules qui disparaît à la mort, et puis cette vision « spiritualiste » qui voit dans l’âme humaine quelque chose d’éternel, d’immortel.

Nous, comme croyants, nous savons que nous aurons à vivre cette fin des temps par notre mort, mais aussi que nous avons à travers cette dimension-là à annoncer cette vie éternelle et en vivre. La vie éternelle et le jugement dernier, loin de nous désengager de notre propre vie, au contraire, donnent une force, un élan est une énergie pour vivre à fond ce que nous avons à vivre.

Alors oui, frères et sœurs bien aimés, ne nous laissons pas détourner par de fausses prédictions, par des prophètes de malheur, mais appuyons-nous sur la Parole du Seigneur qui est une parole sûre. On ne sait ni le jour ni l’heure

Le fait de ne savoir ni le jour ni l’heure permet de vivre plus densément, le plus fortement notre vie.
Demandons cette grâce, par l’intercession de la Vierge Marie, que nous puissions aussi être des témoins de cette éternité qui commence dès ici-bas.

Amen !


Références des lectures du jour :

  • Livre de Malachie 3,19-20a.
  • Psaume 98(97),5-6.7-8.9.
  • Deuxième lettre de saint Paul Apôtre aux Thessaloniciens 3,7-12.
  • Évangile de Jésus Christ selon saint Luc 21,5-19 :

En ce temps-là, comme certains parlaient du Temple, des belles pierres et des ex-voto qui le décoraient, Jésus leur déclara :
« Ce que vous contemplez, des jours viendront où il n’en restera pas pierre sur pierre : tout sera détruit. »
Ils lui demandèrent : « Maître, quand cela arrivera-t-il ? Et quel sera le signe que cela est sur le point d’arriver ? »
Jésus répondit : « Prenez garde de ne pas vous laisser égarer, car beaucoup viendront sous mon nom, et diront : “C’est moi”, ou encore : “Le moment est tout proche.” Ne marchez pas derrière eux !
Quand vous entendrez parler de guerres et de désordres, ne soyez pas terrifiés : il faut que cela arrive d’abord, mais ce ne sera pas aussitôt la fin. »
Alors Jésus ajouta : « On se dressera nation contre nation, royaume contre royaume. Il y aura de grands tremblements de terre et, en divers lieux, des famines et des épidémies ; des phénomènes effrayants surviendront, et de grands signes venus du ciel. »
Mais avant tout cela, on portera la main sur vous et l’on vous persécutera ; on vous livrera aux synagogues et aux prisons, on vous fera comparaître devant des rois et des gouverneurs, à cause de mon nom.
Cela vous amènera à rendre témoignage.
Mettez-vous donc dans l’esprit que vous n’avez pas à vous préoccuper de votre défense.
C’est moi qui vous donnerai un langage et une sagesse à laquelle tous vos adversaires ne pourront ni résister ni s’opposer.
Vous serez livrés même par vos parents, vos frères, votre famille et vos amis, et ils feront mettre à mort certains d’entre vous.
Vous serez détestés de tous, à cause de mon nom.
Mais pas un cheveu de votre tête ne sera perdu.
C’est par votre persévérance que vous garderez votre vie. »