Homélie du Troisième dimanche de l’Avent

15 décembre 2025

« Amen, je vous le dis : Parmi ceux qui sont nés d’une femme, personne ne s’est levé de plus grand que Jean le Baptiste ; et cependant le plus petit dans le royaume des Cieux est plus grand que lui. »

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Texte de l’homélie

Frères et sœurs, avez-vous déjà vu un ours ? Un ours marron, peut-être à l’abbaye d’Ourscamp, ça c’est possible. Mais est-ce que vous avez vu déjà un ours polaire ? Sûrement à la télévision, ou peut-être dans un parc animalier, c’est possible.

Mais peut-être pas sur les sommets de l’Arctique, pour la plupart d’entre nous, je ne pense pas. C’est dommage parce que c’est sûrement une belle aventure, d’aller filmer des ours sur les sommets de l’Arctique… Et c’est bien là, dans la neige - vous voyez un petit peu comme la crèche là recouverte de neige - que ces ours là sont très difficilement observables.

Alors, dans le but de pouvoir l’immortaliser, il existe des photographes professionnels. La photo c’était une de mes passions. Alors il y a des professionnels comme Vincent Fournier ou Franck Mulliez, pour ceux qui connaissent, qui n’ont pas hésité à se lancer sur leur piste, et nous apporter quelques fois de magnifiques documentaires.

Alors, pour cela, ils ont été obligés de s’équiper, bien sûr de téléobjectifs très puissants, de vêtements très chauds, de beaucoup, beaucoup de patience. Et avec le risque souvent de rentrer bredouille. Eh oui !

Et ces photographes m’ont un petit peu inspiré, car souvent, ils se laissent entraîner par une sorte de voyage intérieur, en devenant un peu comme, comme Jean-Baptiste au désert, des veilleurs, des veilleurs dans la nuit. Et c’est souvent dans la nuit que les plus belles images sont possibles.

Nous pouvons y percevoir, vous voyez, par cet exemple, la grâce du temps de l’Avent. Celle, nous le savons très bien, d’être des sentinelles qui, avec beaucoup de patience - il faut de la patience, beaucoup de patience, et de désir - guettent les plus petits passages de Dieu dans notre vie, c’est bien le but de l’Avent. Des passages où Dieu nous sourit.

Alors, comme pour le photographe, je fais une petite analogie, vous voyez, l’attente commence en premier. Ça se voit dans les documentaires, par un renoncement assez radical, car ils quittent quand même leur confort. Celle aussi, souvent, d’accepter au moins un certain temps de ne pas voir d’ours. C’est quand même pas facile, d’être en plein Arctique, en plein désert de neige et de ne rien voir, parce qu’il se cache. Même si le photographe est venu pour voir, il doit en premier reconnaître que, malgré tous ses efforts et ses super téléobjectifs, l’apparition de l’ours polaire n’est pas un dû ! Autrement dit, en rien, il peut, euh, ni exiger quoi que ce soit, ni se l’accaparer…

Très intéressant, frères et sœurs, du coup, voyez-vous, le fait d’accepter de ne pas voir l’ours polaire d’abord, tout en continuant à désirer à le voir, ça nous rappelle un peu notre ce que c’est la foi. Paradoxalement, voyez, le photographe, heureusement pour lui, fait l’expérience en fait que ses yeux vont comme s’ouvrir autrement, vont comme s’élargir.

Voyez, telle une bonne surprise, il va découvrir en fait, en étant patient, en attendant, en désirant toujours, en gardant les objectifs bien ouverts, va apparaître en fait dans son objectif tel un foisonnement de vie. Et ça on le voit souvent dans les documentaires, voyez, dont chaque individu, comme par exemple d’autres animaux comme les renards, ça existe, les mouches polaires, les harfangs, etc… vont comme devenir une source d’émerveillement, une source d’attention supplémentaire avant même de voir l’ours.

Et petit à petit, voyez, ses yeux deviennent comme capables de détecter ce qui jusqu’ici était caché ou insignifiant, pas repérable dans une première impression. Voir des choses qu’on ne voit pas habituellement, des éclats même des étoiles dans la neige, des reflets dans les icebergs, des traces fugitives dans la neige, des mouvements imperceptibles d’une ombre.

Et voilà, voyez frères et sœurs, encore une troisième bonne surprise. Le temps de l’Avent, c’est un temps où il faut apprendre à accueillir les surprises de Dieu. Malgré le grand art du photographe - celle de se camoufler parmi les différents animaux, celle d’être patient, d’être loin de son confort, tout en fixant ses objectifs - est qu’il reste bien à la quête de l’ours. Il peut faire cette nouvelle expérience renversante, et ça tous les photographes le disent, celle d’être comme étonnamment vu ou observé par les animaux. Enfin, c’est une sorte de présence mutuelle, une sorte d’ambiance où il se retrouve, où subitement la solitude est comme fissurée, où il se sent moins seul. Une solitude dans laquelle il pensait être et s’y trouvait réellement, et découvrir qu’en fait, il y a plein de vie, un foisonnement de vie autour de lui.

Voyez, cette expérience s’apparente un peu, et c’est une joie, une joie profonde de voir au cœur du désert, que ce soit l’Arctique ou que ce soit le désert du sable, qu’il y a de la vie, beaucoup de vie. Mais il faut le temps pour le voir. Et comme le prophète Isaïe et Jean-Baptiste nous le rappellent à travers cette belle phrase que nous pouvons contempler cette semaine, que nous reprenons sous touche chez le prophète Isaïe :

« Le désert aride, qu’il exulte et qu’il fleurisse. Voici le Seigneur qui est tout proche, les aveugles voient et les sourds entendent. »

Alors bien sûr, frères et sœurs, pas besoin de partir pour l’Arctique. Ceux qui peuvent y aller, allez-y, c’est sûrement une très belle expérience. Mais, voyez, l’expérience de ces photographes animaliers en quête de l’ours blanc, peut vraiment nous inspirer dans notre chemin de foi vers Noël.

Voyez, dans la foi, nous pouvons tous faire cette expérience d’une certaine forme de déserts dans nos vies, des manques de vie, des épreuves, des nuits. Il y a même la nuit de la foi dont Saint Jean de la Croix, que nous fêtons aujourd’hui, en parle. Mais en fait, croyons que ce sont des nuits et des épreuves qui ne sont pas vides en réalité, même si quelques fois, nous avons l’impression d’être dans un vide, une solitude qui n’est pas bonne, voyez, une sorte de coupure avec les autres ou avec Dieu.

Et soyons certains que dans chaque solitude, dans chaque nuit, dans nos combats, il y a le Maître de la vie ! Bien plus qu’un ours, bien sûr, à défaut de S’y faire voir pleinement tout de suite - c’est comme ça parce qu’il est Dieu - le Maître de la vie règne déjà quelque part, et c’est à nous de Le désirer, de Le chercher, comme le font ces photographes animaliers.

Voyez, en ces quelques jours, frères et sœurs, avant Noël, reprenons l’exemple de Jean-Baptiste. Revoyez comment lui, Il était en prison avant de donner sa vie à la suite du Christ. Il avait peut-être douté, peut-être il avait besoin juste d’un signe pour avancer dans son désert à lui. Mais voyez comment il gardait son désir de Dieu. Il a envoyé ses propres apôtres aller voir Jésus pour confirmer que c’est Jésus, l’étoile de notre vie, le seul sauveur.

Alors, frères et sœurs, voyez, entraînons-nous avec lui à peut-être, pourquoi pas, durant ce temps, à quitter certains de nos conforts trop encombrants. On en a tous, moi aussi, j’en ai pas mal. C’est bon pour voir l’ours, c’est bon et encore meilleur pour voir Jésus davantage dans notre vie.

Il faut se désencombrer, il faut vivre une certaine sobriété dans la vie. Et choisir aussi des temps d’adoration. Comme c’est difficile dans un monde où tout va vite, où c’est très bruyant, il y a beaucoup d’informations, privilégions des temps d’arrêt. Comme ces champions de photo qui savent s’arrêter pour chercher l’essentiel, chercher ce qui est beau, ce qui est grand, pour ouvrir nos yeux, comme dit l’Évangile, ouvrir nos oreilles à celui qui vient.

Alors que devons-nous faire ? Jean-Baptiste nous donne quelques pistes plus concrètes. Que devons-nous faire pour être de bons veilleurs, de bonnes sentinelles dans la nuit ?

  • Même si on le sait déjà, mais c’est bon de se le rappeler, entretenons un cœur de pauvre qui sait tout attendre d’un autre et qui sait au moins se laisser surprendre un peu par Dieu.
  • Transformer nos attentes, qui nous font quelques fois perdre patience, mais dans nos attentes, devenons davantage disponible à plus grand dans la foi, ne pas rester enfermé dans nos attentes.
  • Comme Jean-Baptiste, fréquenter amoureusement la parole de Dieu. Vous voyez, dans l’Évangile, les réponses sont données toujours à partir de la parole de Dieu. Jésus ne Se manifeste pas autrement. Il ne dit pas : « je suis le sauveur, regardez-moi, je viens »… Non, Il passe toujours par la parole de Dieu pour éclairer.
  • Percevoir aussi et partager toutes nos expériences de la présence de Dieu. Vous en avez tous des expériences personnelles, même petites, des moments où vous avez été surpris dans votre quotidien. Il est nécessaire de le dire aux autres : « Tiens, tu vois, Jésus est là, Il est vivant et Il ne nous abandonne pas même dans le désert de notre vie. »

Alors quoi qu’il arrivera, frères et sœurs, je vous souhaite que Noël 2025 soit pour vous, pour moi aussi, un nouveau Noël, traversés par le Gaudete de Dieu qui dépasse infiniment toutes nos joies humaines et légitimes,

Amen !


Références des lectures du jour :

  • Livre d’Isaïe 35,1-6a.10.
  • Psaume 146(145),7.8.9ab.10a.
  • Lettre de saint Jacques 5,7-10.
  • Évangile de Jésus-Christ selon saint Matthieu 11,2-11 :

En ce temps-là, Jean le Baptiste entendit parler, dans sa prison, des œuvres réalisées par le Christ. Il lui envoya ses disciples et, par eux, lui demanda :
— « Es-tu celui qui doit venir, ou devons-nous en attendre un autre ? »
Jésus leur répondit :
— « Allez annoncer à Jean ce que vous entendez et voyez : Les aveugles retrouvent la vue, et les boiteux marchent, les lépreux sont purifiés, et les sourds entendent, les morts ressuscitent, et les pauvres reçoivent la Bonne Nouvelle.
Heureux celui pour qui je ne suis pas une occasion de chute ! »

Tandis que les envoyés de Jean s’en allaient, Jésus se mit à dire aux foules à propos de Jean : « Qu’êtes-vous allés regarder au désert ? un roseau agité par le vent ? Alors, qu’êtes-vous donc allés voir ? un homme habillé de façon raffinée ? Mais ceux qui portent de tels vêtements vivent dans les palais des rois.
Alors, qu’êtes-vous allés voir ? un prophète ? Oui, je vous le dis, et bien plus qu’un prophète.
C’est de lui qu’il est écrit : ‘Voici que j’envoie mon messager en avant de toi, pour préparer le chemin devant toi.’
Amen, je vous le dis : Parmi ceux qui sont nés d’une femme, personne ne s’est levé de plus grand que Jean le Baptiste ; et cependant le plus petit dans le royaume des Cieux est plus grand que lui. »