Nos enfants se marient, quelle est notre place ?

Conférence de Père Pierre-Marie

De nos jours, les fiançailles sont vécues par nos jeunes qui envisagent le mariage comme l’étape active des préparatifs du grand jour, même si elle prévoit un cheminement de préparation au mariage religieux.
On peut alors se demander quelle a été la place pour le discernement au cours des mois précédents.

Le rapport avec les parents peut donner des repères psychologiques et spirituels aux jeunes. En effet, il y a une différence importante entre le type de liens que vous entretenez avec l’ami/l’amie de votre enfant et ce qu’ils deviennent face à un gendre et une belle-fille : opérer ce passage n’est pas toujours simple…

Père Pierre-Marie

Résumé de la conférence

La connaissance de la belle-famille est une étape importante : à quoi faut-il être attentif ?

Progressivité de l’accueil :

N’ayons pas peur de redonner aux fiançailles toutes leurs place. Recevoir la bénédiction au Seigneur pour cheminer ensemble, y compris le repas avec l’autre famille.
Trouver le juste milieu entre trop vite accueillir et pas assez accueillir. Votre enfant vous présente une personne sur la relation avec laquelle il a sans doutes été discret et réservé jusqu’à présent, et cela correspond à une bonne nouvelle pour vous. Mais il ne faut pas s’enthousiasmer trop vite de manière à préserver la liberté de votre enfant et agir avec progressivité dans l’accueil. Bien entendu, la bienveillance est la clef de ces moments-là.
Se rappeler que chaque pas est déjà une partie du consentement. Attention à ne pas en faire trop, à ce que les choses restent le plus simples possibles. Par exemple, passer trop vite Noël ensemble ne rend pas forcément service au couple.

Il ne faut pas mettre la main trop vite sur l’autre, même si la première impression est excellente.

Au sujet des comparaisons :

L’accueil d’une nouvelle personne est un passage à effectuer pour toute la famille :

  • Si c’est la première fois qu’un de vos enfants présente quelqu’un ou se marie, il y a un deuil à faire : votre famille sera autre, vous ne serez plus entre parents et enfants. Ni mieux, ni moins bien, ce sera autre, comme un reformatage.
    Cela peut faire bouger les relations dans la fratrie, entre vous aussi, ainsi qu’avec votre enfant.
  • S’il y a eu d’autre mariage avant celui-ci, il faut faire attention aux comparaisons avec les éventuels couples de vos autres enfants. Voyez ceci comme un chemin spirituel : vous êtes en train d’accueillir quelqu’un d’autre que vous, autre que les valeurs ajoutées déjà présentes dans la famille.

Nos codes, notre harmonie vont évoluer, et il faut accepter un certain décentrement.
C’est la même chose lorsque nous accueillons un nouveau frère en communauté qui est d’une autre génération : certaines choses nous surprennent, et cela nous demande un décentrement.

Il faut aussi faire attention à la comparaison avec la famille de l’autre : comment votre enfant est-il accueilli chez eux ? Même si tout semble cadrer, il y a forcément un choc culturel, et il faut être attentif à ce que vit votre enfant dans l’autre famille.

Vers le mariage :

Une fois que le cheminement est bien avancé :

Au bout d’un certain temps, une fois que le cheminement est bien avancé, il n’est pas choquant de franchir une étape comme demander la main, même si cela peut sembler conventionnel. Cela a un sens, ne serait-ce que pour marquer un pas officiel.
Cela peut correspondre aussi à un temps de présentation, que la personne qui arrive ait le temps de se présenter, cela créée un climat de sécurité pour tous, d’autant plus s’il y a une différence de religion, d’origine sociale, sans pour autant que ça ne ressemble à un entretien d’embauche. Ce n’est pas si simple et cela mérite d’être pris avec soin.

Le mariage est avant tout une transmission de gènes, de patrimoine, de culture et de religion. Cependant, il va falloir renoncer à faire des copies de votre couple…
On doit commencer par se poser la question de la pertinence du mariage à l’Église : ce n’est pas une évidence en soi.
Ainsi, un choix pour une personne venant d’un milieu social ou d’un contexte religieux radicalement différent peut questionner la famille. D’un autre côté, le mariage n’est pas une manière pour le jeune de régler ses comptes avec sa propre famille : il ne faut pas qu’il choisisse une personne venant de réalité complètement différente par colère et réaction contre son éducation : ce serait aller dans le mur…

Tout ceci est une source d’interrogation pour vous, et c’est aussi un chemin d’évolution auquel vous êtes appelés.De même, l’autre va découvrir les codes et les rituels de votre famille, avec, par exemple, des retrouvailles pour le repas dominical ou pour les vacances.
De même, l’autre famille a des rituels, et la question pour le jeune couple est le positionnement par rapport à tout cela : il s’agit de la loyauté.

Quelle loyauté instaurer envers leurs familles :

La loyauté se base sur cette règle : Plus on aime quelqu’un, plus on a d’attente envers lui. Cela ne peut pas être autrement, c’est normal. L’enfant le perçoit dès sa naissance et essaye d’y répondre.
Et cela évolue beaucoup avec l’âge : l’enfant ne choisit pas ensuite son conjoint pour répondre à l’attente de ses parents. Il ne choisit pas le gendre ou la belle-fille idéale, et c’est parfois même la surprise pour la famille : on n’aurait jamais pensé qu’il se serait marié avec cette personne-là.

Dans le cas d’un conjoint très différent, je conseille aux jeunes d’envoyer des signes d’attachement à leurs parents, afin de les rassurer : « si je choisis quelqu’un de si différent, ce n’est pas parce que je ne vous aime pas, ni parce que je renie l’éducation que vous m’avez donnée. »

Ainsi, vous, parents, vous renoncez à occuper une certaine place dans le cœur de vos enfants, celle-là même qu’occupera le conjoint : il y a une partie de votre enfant qui vous échappe. Il faut admettre que le cœur de votre enfant ne vous appartient pas et qu’il faut en faire le deuil sans jalousie, et renoncer à une forme de toute puissance sur lui.

Au sujet du conflit de loyauté : Dans le cas de familles pauvres ou immigrées, où un parent seul s’est sacrifié pour que l’enfant fasse de grandes études, la loyauté envers lui est très forte, mais peut entraver la vie du couple.
L’enfant doit pouvoir dire « non » à ce parent, à faire un choix qui s’oppose à lui malgré tout le don de lui-même dont il a fait preuve par le passé.

La préparation du jour du mariage lui-même :

Elle ne se résume pas aux préparatifs matériels, mais ils sont le reflet de qui se construit en profondeur : les familles manifestent des attentes par rapport à la manière de s’habiller le grand jour, au lieu de la célébration, au nombre d’invités et au budget qui est mis… Soyons attentifs dans le cas d’une certaine disparité à ne pas froisser l’autre famille. Les questions d’argent sont délicates et peuvent être à l’origine de frustrations.
D’une manière générale, il ne faut pas prendre de décisions sans consulter ses enfants.

À notre génération, c’était les parents qui organisaient le mariage et invitaient leurs amis. De nous jours, ils le financent en partie, mais ce ne sont en grande partie les amis des enfants qui sont invités. Ils participent même souvent au budget et leurs idées, car ils se marient plus tard qu’au paravent.

La célébration religieuse du mariage :

Elle appartient vraiment aux fiancés, et cela est généralement respecté.
Il y a la question de la liste des invités, du choix du modèle de faire-part qui peuvent déjà être sujet de discussion entre eux… et il arrive que des familles optent pour deux faire-part différents.
Ce sont des signes par lesquels on valide ou pas la famille de l’autre, il y a là un gros poids émotionnel : soyez attentifs à ne pas braquer les choses et à avoir une certaine souplesse. Toute difficulté doit être surmontée autant que faire se peut : il n’est pas interdit d’être intelligent, c’est même recommandé !
N’oublions pas que la célébration est un moment éphémère, qui passe très vite. C’est aussi cela qui fait la grandeur du mariage à l’Église, le vertige du sacrement, le seul que l’on reçoit à deux.

Ne nions pas le côté anxiogène. Et purifier ses sentiments par rapport à son propre mariage est une démarche salutaire.

Dans le cas de veuvage ou de séparation des parents des fiancés :

Ce sont des questions particulières à considérer avec soin.
Les parents séparés vont-ils rejouer le couple ce jour-là ?
Les problèmes de santé et le veuvage sont des situations à prendre en compte sans pour autant peser sur le futur couple. C’est bien souvent source de crainte pour eux.

Pour une fiancée qui a perdu son père, il y a la question de qui va la conduire à l’autel le grand jour ? qui compte dans sa vie pour jouer ce rôle ? frère, parrain, oncle ? ce sont des questions non religieuses mais non traditionnelles, et elles disent quelque chose du couple qui se forme.

La fête en grand ?

Certains couples seraient preneurs d’y mettre moins de moyens, moins de fastes, mais d’inviter beaucoup plus largement. Avec plus de personnes, il faut adapter le type la prestation en la simplifiant.
Ainsi, il faut être au clair avec ce que l’on veut montrer aux autres ce jour-là : sonder votre cœur à ce sujet. Prenons garde à ce que ce ne soit pas une manière de montrer son niveau de vie, afficher ses moyens (champagne à flots, feu d’artifice… cela a-t-il été fait en accord avec l’autre famille ?)

Quelles relations avec la belle-famille ?

Rappelez-vous que vous n’êtes pas amenés à être les meilleurs amis de la belle-famille de votre enfant. La plupart du temps, ce sont des personnes que vous ne connaissez pas avec lesquelles vous faites connaissance. Et même si vous les connaissez, cela fait rentrer dans un autre rapport : ce n’est pas pareil d’être amis et de devenir belle-famille. C’est un terrain miné car il s’agit en réalité de transmission de patrimoine, d’héritage religieux…
Il faut avoir à l’esprit que vous rentrer dans une altérité dans la relation : que l’autre soit autre que moi, c’est toujours compliqué. Nous le vivons nous-même en communauté, on le vit dans le couple, vous le vivez par l’accueil de la future belle-famille, du futur conjoint de votre enfant.

Cela peut-être aussi l’occasion de conversation profonde avec votre enfant, et de le découvrir ainsi sous un autre jour, de formuler vos besoin et les valeurs qui vous tiennent à cœur, de sortir du rapport parent/enfant pour rentrer dans une relation d’un couple avec un autre couple. L’enfant devient un alter ego : voici le signe d’une éducation réussie. Il peut dire « je », dire « non », sans qu’il n’y ait de manipulation, d’emprise ni de domination.

La question des choix spirituel du couple :

Il y a un premier choix qui est celui d’une messe ou d’une bénédiction. C’est particulièrement le cas pour des mariages entre personnes de cultes différents. Vous aurez parfois à procéder à des renoncements face aux choix du jeune couple, car il faut les respecter, à plus forte raison dans le cas où l’autre n’a pas eu d’éducation chrétienne.
Liberté, indissolubilité, fécondité et fidélité : remarquons bien que les quatre piliers du mariage à l’Église ne demandent pas la Foi. Suite à la modification du rituel en 2006, une phrase a été rajoutée comme envoi en mission :

« Acceptez-vous de prendre place dans le monde et dans l’Église ? »

Il faut cependant bien garder à l’esprit qu’une religion, un milieu social donnent une vision sociale du couple : que l’on provienne du même milieu social ou que l’on soit officiellement de la même religion, on vient parfois d’horizons et d’approches différents, et il faut prendre conscience des conséquences que cela peut avoir dans la construction du couple.