Le couple missionnaire

Enseignement donné au Congrès Mission (Octobre 2023 - Lille)

Le fait qu’il y ait une journée couples dans le Congrès Mission est un signe : cela qu’il y a une place pour les couples dans la mission ! Auparavant, il y avait une journée pour les prêtres et maintenant, les couples sont invités : cela donne une orientation et une vision de l’appel du couple et appelle à méditer sur le couple missionnaire.

Père Pierre-Marie

Texte de la conférence

Cela rejoint la modification récente du rituel du sacrement de mariage qui a eu lieu en 2006. Que vous vous soyez mariés avant ou après cette date, vous savez que lors du dialogue initial avec le célébrant, il est maintenant proposé que cette question soit posée aux fiancés :

« Acceptez-vous votre place dans l’Église et dans le monde. »

Ce signifie que, depuis 2006, la messe de mariage est vue comme un envoi du couple en mission. C’est ce que la liturgie propose en tous les cas.

Qu’est-ce qu’être un couple missionnaire ?

Rappelons tout d’abord qu’être missionnaire, c’est entrer dans une logique de don.

  1. le don à soi
  2. le don pour soi
  3. le don de soi

Accueillir, recevoir

C’est le sens de l’échange des consentements : accueillir le passé de l’autre, accueillir l’autre comme une grâce.

Reconnaître la grâce qui est en nous, celle qui est dans l’autre, quelque soit le type de mission vers laquelle nous sommes envoyés.

C’est aussi une forme de regard : car j’ai la Foi, je regarde événements et personnes d’une certaine manière. C’est vrai aussi pour le regard posé sur le conjoint et sur les personnes vers lesquelles je suis envoyé : je vois le Christ en eux.

Ce n’est pas seulement le conjoint qui est une grâce. Chacun en fonction de là où il en est (en préparation d’un sacrement, en famille, seul, en deuil…)

Comme prêtre ou religieux, on n’est pas pertinent dans tous les milieux. Cela peut-être une mission spécifique pour les couples et les familles. Ayez confiance en la mission qui vous a été confiée.

Être missionnaire c’est entrer dans une certaine gratitude : remercier pour une rencontre, pour un temps de partage, un temps de prière, dans la simplicité. Il est nécessaire d’accueillir de choisir et de choisir la simplicité. C’est une condition importante de la mise en œuvre de la mission.

Le don pour soi

C’est faire sien le don qui nous a été fait. S’approprier ce qui nous a été donné est une étape indispensable de la mission. Comme un torrent qui ferait une vague, puis se répandrai plus loin. La question est de savoir en quoi ce qui nous a été demandé nous interpelle en tant que couple.

Vous qui ^tes dans une logique de don, vous avez tendance à passer directement au don de soi. Mais, prenons garde à cette maladie du don qui nous amène éventuellement au burn-out.

Il est important de prendre le temps de s’enraciner dans le don qui nous a été fait et d’y revenir afin de ne pas en perdre le sens. Il faut prendre le temps de faire mémoire de notre appel premier pour se ressourcer.

Faire sien en profondeur de l’appel du Seigneur permet de traverser les difficultés et les tempêtes. Quelle mission, quelle vie n’a pas sa tempête ? Par définition, le missionnaire est celui qui est dans la barque avec le Seigneur.

Je peux travers les tempêtes si j’ai accueilli et assimilé l’appel de Dieu qui m’a été fait.

Ce n’est pas parce que c’est la tempête que ce n’est pas de Dieu. La tempête peut être et de Dieu, et dans la tempête. Il est important que nous en prenions conscience, à plus forte raison à l’heure où l’Église est comme une barque agitée par les flots ; on peut d’ailleurs se demander si elle ne l’a pas toujours été…
Et l’on peut se rappeler de l’aventure des disciples dans la barque, apeurés alors que Jésus dormait, puis il ordonne à la mer de se calmer.

Prenons donc ce temps de don pour soi, de délibération pour faire corps avec la mission qui vous est confiée.

Le don de soi

Ce don est plus dans l’ADN catho : on est appelé à se donner soi-même, c’est comme une évidence. Vous l’avez entendu si vous avez été scout, au service de la liturgie ou en aumônerie. Pour autant, ne négligeons pas les étapes précédentes du don à soi et du don pour soi.

Un chemin de confiance et dans la pauvreté

Rentrer dans le don de Soi, c’est aussi rentrer dans une dynamique de confiance. Vous êtes appelés à porter en vous mêmes plus grand que vous-mêmes. C’est ça être Chrétien car, on n’est pas meilleur qu’un autre. C’est la grâce du baptême qui nous permet de le faire.
Notre religion est celle du vertige : quelque chose de plus grand que nous se passe en nous…

Pour le mariage, c’est l’union de deux pauvres qui supplient la grâce. C’est la même chose pour une communauté religieuse comme la nôtre. Il est très important de rentrer dans cette pauvreté pour être envoyé, car elle va nous permettre de rentrer en contact avec les autres, d’être accessible. L’idée n’est pas d’être plus admirables qu’imitables, mais d’être capables de témoigner de ses hauts et de ses bas. C’est surtout cela qui fait que l’on est missionnaire : découvrir une fécondité dans nos fragilités.

Il est important que nous, religieux consacrés et prêtres, puissions témoigner de nos fragilités car elles sont missionnaires. Voilà qui nous donne confiance, qui rassure et qui permet d’aller plus loin pour rencontrer l’autre si différent de soi. Ne nous limitons pas à ce monde et rappelons-nous que nous sommes appelés à la vie éternelle, qu’elle est notre ligne d’horizon.

Cette phrase du Pape François qui a été citée pour commencer cette matinée est très belle :

« J’appelle les couples à la mission, ils sont les mieux placés pour annoncer Jésus-Christ ! »

Car les couples, par leur communion, sont un lieu de mission. C’est la qualité du lien qui est missionnaire et qui annonce le Christ :

« Quand deux ou trois sont unis en mon nom, je suis là au milieu de vous. » « Où sont amour et charité, Dieu est présent. »

Dans votre couple, qu’il y ait amour et charité. S’il peut arriver que l’on se décourage, il est important de reprendre confiance dans son état de vie car, rappelons-nous, le Pape François vous dit que vous êtes le mieux placé ! A travers l’affirmation de l’altérité, ainsi que par votre vie concrète au milieu du monde, même si votre couple n’est pas parfait, que vous avez des creux et des bosses, vous êtes le mieux placés !

Le Bon Dieu fait avec des hommes et de femmes blessés. Lui-même a ressuscité avec Ses blessures. Thomas, mets ta main dans mon côté, mets tes doigts dans les trous de mes clous. Cesse d’in

Ne prétextez pas vos blessures pour ne pas répondre à l’appel, ne prétextez pas vos imperfections pour vous détourner. On le voit avec l’appel dans l’Ancien Testament, avec Samuel par exemple. C’est intéressant, car il répond :

« Je ne suis qu’un enfant, je ne sais pas parler. »

Et il a pourtant été envoyé. Quand à Isaïe, sa vocation naît avec ses visions : il a une théophanie remarquable, il voit Dieu avec des séraphins aux six ailes… Et il dit au Seigneur :

« Je ne suis qu’un homme pécheur ! »

Et Dieu prend alors un charbon et vient purifier ses lèvres :

« Vois, j’ai purifié tes lèvres. Parle maintenant ! »

On est appelé non pas parce qu’on est capable, mais bien parce qu’on est rendu capables, c’est différent. Et dans la parole de Dieu, c’est toujours pareil : il y a une disproportion entre ce que nous sommes, et ce à quoi nous sommes appelés. Nous sommes la religion de la disproportion.

Dieu a appelé Juda, Dieu a appelé Pierre, Il a appelé aussi ceux qui ont fui et qui n’étaient pas au pied de la Croix, et Il le savait très bien lorsqu’il a appelé les uns et les autres. Dieu nous a appelés à la mission et eux-mêmes sont devenus missionnaires. Et ce qui est beau, c’est que du temps de Jésus, Le rencontrer c’était rencontrer les apôtres. On le voit quand ils reviennent et qu’ils Lui disent en revenant de mission :

« Seigneur, Nous avons vu Satan descendre du Ciel ! »

Rencontre Jésus, c’était rencontrer les Apôtres. Et c’est ça depuis 2000 ans : vous rencontrer c’est rencontrer le Christ.

Quelle disproportion ! Pourtant, c’est le même constat pour tout ce qui est vécu dans notre religion : un peu de pain, un peu de vin, quelque gouttes d’eau sur le front d’un enfant, quelque paroles entre un homme et une femme, et le Ciel s’ouvre. C’est notre Foi, c’est la Foi de l’Église, la Foi des pauvres…

Voilà ce qu’est être missionnaire : vivre de la Béatitude des pauvres qui ouvre toutes les autres :

« Bienheureux les pauvres de cœur, le Royaume des Cieux est à eux ! »

Et toutes les autres déclinent cette première béatitude : les affamés, ceux qui pleurent, ceux ont faim et soif de justice… Il est intéressant de remarquer que c’est la seule qui est au présent. Car c’est au présent que l’on vit cette grâce de la pauvreté qui est une source de bénédictions et de rencontres qui nous rend accessibles. Il est important de rester accessibles et de ne pas hésiter à dire nos creux et nos bosses : cela vous rend missionnaires.

Et le Pape François poursuit :

« J’invite les couples à s’engager davantage de manière concrète et créative. »

Cela me fait penser aux mots de Saint Paul :

« Que votre charité soit inventive ! »

Il y a une créativité dans le couple de part cette vocation matrimoniale. C’est le fait d’être deux, et de voir chacun la réalité de façon différente. N’hésitez à vous impliquer et à proposer des voies nouvelles, des choses inédites ou inouïes – dans le sens jamais entendues. C’est bien le cas de cette journée couple au sein du Congrès Mission.

Vous rappelez-vous de ce document sur l’apostolat des laïcs dans le Concile Vatican II ? Votre présence ici n’est-elle pas une réponse à des décennies du Concile Vatican II. Un concile met cent ans à advenir et nous sommes actuellement les témoins.

Reprenez confiance de ce qui vous a été donné le jour de vos noces :

« Acceptez-vous de prendre votre place dans l’Église et dans le monde ! »

Amen !