La place du père dans la famille

Par Père Pierre-Marie - Halte spirituelle (Avril 2005)

Alors que la maternité tient davantage du domaine biologique, le fait d’être père est une fonction moins évidente, la paternité comportant en plus la fonction d’autorité.
La question de la différenciation homme-femme et la fonction de l’homme sont deux sujets difficiles à traiter.

Le fait d’être père s’apprend surtout dans la manière qu’a l’homme de rentrer en contact avec son enfant : c’est un processus qui tient plus de la psychologie que de la biologie.
C’est aussi rentrer dans une logique de don de soi-même.

(Durée totale : 105 minutes)

Écoutez la conférence audio en deux parties :

Père Pierre-Marie
Père Pierre-Marie

Résumé de l’enseignement :

Point de vue Psychologique

Différents rôles du père

Le rôle du père est symbolique dans le sens qu’il représente quelque chose dans la tête de l’enfant : le père est symbole de quelque chose pour l’enfant. Mais il a aussi un rôle de différenciation : il fait prendre conscience à l’enfant du monde qui l’entoure.
Dans son rôle de séparateur, le père apprend à l’enfant à prendre confiance en lui, l’invite à se tourner vers l’extérieur, à avoir une juste distance avec sa mère. C’est alors que le père met au monde l’enfant, il l’invite à se dépasser, l’entraîne plus loin que cette sécurité maternelle pour qu’il puisse trouver la sécurité en lui-même.
Et en l’absence du père, quelqu’un peut remplir cette fonction paternelle dans la mesure où c’est une personne avec laquelle l’enfant va pouvoir s’identifier, une personne qui aura un lien avec la mère.

La mère renvoie au rôle du père

L’enfant rentre dans l’amour des époux c’est pourquoi sa mère doit « agir » et « être » toujours en référence au père. L’enfant structure son psychisme à travers ce rôle du père et de la mère, et en l’absence du père, la mère est celle qui peut et doit rendre ce dernier présent auprès de l’enfant. La mère renvoie au rôle du père et permet au père d’exercer sa fonction ; et si la mère occupe toute la place, le père ne pourra pas occuper la fonction qui est la sienne.

Le fait d’un père souvent absent, en déplacement, ne sera pas une difficulté tant que sa femme renverra toujours à l’existence du père. Le rôle de la mère est de laisser la place au père et faire découvrir au père qu’il a un rôle ; il y a une relation d’aide entre le père et l’enfant et c’est à la femme de faire découvrir à l’homme qu’il a sa place.

Quelle place laisser au père ?

C’est à la femme de ne pas occuper tout le terrain, à savoir ce rôle d’autorité, de protection et d’écoute. La parole du père est différente de celle de la mère mais implique une relation de confiance entre les époux et l’enfant perçoit ce lien.
Par ce rôle de séparateur, l’homme doit se sentir investi d’une mission dans la relation. L’homme est beaucoup dans le « faire » ; il a du mal à se dévoiler.
La femme perçoit beaucoup de choses au sujet de l’enfant mais ce n’est pas toujours à elle de dire les choses, elle doit savoir passer par son époux. En effet, c’est souvent elle qui découvre ce qui habite le cœur de son enfant mais c’est plus souvent au père d’intervenir. Le père a, en effet, rarement la logique de la relation même dans le domaine spirituel. Or qui dit « spirituel » dit « relation ».
La femme est l’aide qui est assortie au père et doit donc être épouse ! Et l’enfant doit sentir cette relation.

Tout fonctionne à deux

L’enfant doit avoir des recours possibles entre son père et sa mère.
Le manque du rôle du père engendre une grande angoisse chez l’enfant : ne trouvant personne sur qui s’appuyer pour construire sa personnalité il sera toujours à la recherche d’une satisfaction ou d’un plaisir. Le père est celui qui met les limites et, qui n’a pas de limite, n’est pas construit. Cela provoque de grandes difficultés dans les familles monoparentales où il y a un manque de référence au père : pour pouvoir se lever, l’enfant a besoin d’un point fixe, d’une autorité, d’une limite.

Il est important d’affirmer que homme et femme ne sont pas interchangeables ; ils n’ont pas la même nature ! (cf. lobby homosexuel qui met à mal la psychanalyse)
L’homme et la femme sont source d’identification sexuelle ; la vision positive du père aide à se construire, même et aussi comme père (admiration pour le père). C’est dans un regard d’admiration que la mère permettra et à la fille d’être fille et au garçon d’être garçon. Le père est le modèle identificatoire.

C’est là, entre autre, que réside la difficulté du mariage homosexuel où il n’y a plus ces deux figures qui s’enracinent dans deux corps différents. C’est la négation même de la nature humaine : au lieu d’accueillir ma nature humaine c’est moi qui la construis. Or l’accueil de ce qui m’est donné comme homme ou comme femme est source de bonheur et non de menace.

L’interdit

L’interdit structure : l’interdit est « ce qui est dit entre deux personnes de ce qui est possible ou non ». Dans l’interdit il y a relation avec quelqu’un (cf. la Genèse où l’interdit est source de vie). Nous n’avons pas accès à tout, or le petit enfant se croit tout puissant. Il est donc indispensable de lui apprendre que ce n’est pas le cas et c’est le lien entre les parents qui lui fera découvrir cette réalité.
Il est plus facile au père de se faire accepter dans son autorité car il n’est pas souvent là ; un des rôles du père est d’assurer un développement affectif en assurant la possibilité d’autonomie, d’indépendance et de confiance en soi.
Le père est celui qui emmène plus loin. Le père est l’éducateur au sacrifice, celui qui fait renoncer ; l’enfant aime et vit le plaisir immédiat. Pour l’entraîner plus loin, pour le construire, cela demande un certain sacrifice mais à sa mesure ; et c’est à l’épouse de signaler à l’époux si la barre est trop haute. Le père encourage le fils à aller plus loin et à sortir du giron maternel et ainsi prendre confiance en lui. Il pourra même rentrer en compétition avec ses enfants et les laisser gagner pour qu’ils disent plein d’orgueil :

« Je suis plus fort que papa ! »

Dans ce sens le père se soumet à ses enfants pour les aider à grandir en maturité. Se soumettre pour permettre à l’autre de le dépasser. Le père n’est pas là pour écraser l’enfant de sa force physique, intellectuelle, sportive… Il se fait plus petit, se met au niveau de, pour emmener plus loin.
Dans l’enfant doit se développer une grandeur d’âme, du courage. Il ne doit pas écouter la satisfaction immédiate mais doit aller plus loin ; En cela, l’enfant est appelé à plus d’amour.

Développement intellectuel de l’enfant

Le père facilite l’accès au langage en développant l’intelligence de l’enfant. Le père aime la précision dans les mots. Par son intelligence plus conceptuelle, plus spéculative il aidera l’enfant à se construire au niveau intellectuel.

Point de vue spirituel

Voir Dieu comme un père : autorité, interdit mais aussi source de miséricorde, celui à qui on peut montrer ses blessures. Il y a là une invitation à découvrir que nous ne sommes pas seuls, que nous avons un Père qui nous aime et nous protège. Je peux montrer mes difficultés, mes fragilités, je suis sûr de son Amour ; le Père est celui à qui on peut dire les choses ; c’est un père de miséricorde.
Et si on ne voit pas Dieu comme Père alors cela engendre une peur. Dieu, comme père, se donne, pardonne et protège et les attributs de Dieu comme père seront celui du papa.
Le père prend sa racine dans la contemplation de Dieu comme Père (cf. doc de la préparation de l’année du jubilé sur le thème de « Dieu, le père riche en miséricorde » : méditation sur la parabole du fils prodigue)
Pour que l’enfant connaisse l’amour du père il faut le lui dire, comme l’amour de la maman et comme l’Amour de Dieu pour lui.

Défaillances de la fonction paternelle : origines et conséquences dans la personnalité de l’enfant.

Origines dans différentes sortes de carences :

  • Absences physiques, trop fréquentes et trop longues : la maman doit alors avoir le rôle de représentation de l’image paternelle. La femme a un pouvoir sur les enfants et peut utiliser ce pouvoir pour faire payer au mari ses absences ! Or ce rôle de l’épouse est de rendre présent l’amour du père, de même l’Église comme épouse rend présent l’Amour du Père. Alors l’enfant ne sera pas affecté dans la construction de sa personnalité. L’enfant doit sentir que sa maman est en relation avec son papa. Il ne faut pas non plus qu’un des enfants occupe le rôle du père face à la mère pour la protéger (attention aux confidences qui engagent trop et font peser sur l’enfant un certaine culpabilité car il n’a pas la carrure pour cela)
  • Le décès : il faut entretenir le souvenir du père dans l’idée positive de ce père ou bien se référer à quelqu’un d’extérieur qui peut compenser en partie cette absence en occupant la rôle symbolique du père.
  • Séparation des parents : c’est une réalité plus difficile à assumer pour l’enfant. Il peut y avoir une image négative transmise à l’enfant de l’image de son papa et qui fragilise l’équilibre psychique de l’enfant. Et certains enfants peuvent se sentir responsables de cette séparation.
  • Absence morale du père (carence d’autorité) ! : Cela peut être un père qui materne et n’occupe pas ce rôle d’autorité et de limite. Alors la mère est obligée d’assumer ce manque d’autorité de la part du père. Ou alors une mauvaise manière de remplir son rôle : le père-copain qui ne construira pas son enfant par le vrai don de lui-même en assurant ce don d’autorité. Les difficultés à être père sont tout simplement les difficultés à être homme et rejoignent les difficultés qui ont été vécu lorsque le père était enfant (ie attitude de fils). Attention de ne pas reproduire ce qu’on a vécu
  • Pathologies dont le père est atteint (alcoolisme ou défaillances psychologiques…) : situation où le père ne peut exercer sa mission de don de lui-même ! Le père s’est donné comme époux dans la relation intime des époux et doit continuer de se donner dans l’éducation comme père.

Conséquences

  • En l’absence d’autorité, la personnalité de l’enfant n’est pas consistante, elle manque. Il grandit dans un sentiment d’insécurité profonde et donc d’anxiété (actes irréfléchis, inachevés, caprices). Les relations de l’enfant avec les autres sont marquées par le caprice et une certaine instabilité ; l’enfant a des camarades mais pas vraiment d’amis ! Et cela se révèle dans la difficulté que nous avons à trouver aujourd’hui des personnes qui s’engagent dans la vie matrimoniale, dans la vie religieuse ou la vie associative.
    C’est à l’épouse d’aider l’homme à remplir sa mission dans la mesure où elle remplit son rôle.
  • Manque d’organisation de la personnalité : manque d’autonomie et d’indépendance. Cela donne des enfants pusillanimes, c’est-à-dire un enfant qui fuit la difficulté alors que le rôle du père est de pousser l’enfant à aller de l’avant. Frilosité, enfant velléitaire qui a beaucoup d’intentions mais ne passe jamais aux actes ; une des fonctions du père est d’encourager son fils à le dépasser et alors l’enfant prend confiance en lui. Le père proportionne sa force pour que l’enfant puisse le dépasser. Permettre à l’homme de grandir en humanité
  • Manque au niveau de l’identification sexuelle : tendances homosexuelles ou méfiance face aux hommes. Si le père est en position de faiblesse (maladie, chômage…) c’est du rôle de l’épouse de valoriser le papa même en situation de fragilité. Ce qui suppose que la mère garde une image valorisée de son époux.
  • Troubles du caractère ou du comportement : instable, agressif, hyper excité, coléreux… quand le père ne remplit pas sa fonction.

Solutions, remèdes

  • Attitude de l’épouse qui valorise (émerveillement, accueil…)
  • Des relais comme :
  • Le parrain, les oncles, grands-pères, amis de la famille
  • le scoutisme avec ses initiations, ses étapes…,
  • le sport et son éducation du dépassement de soi-même, pour un don de soi-même ! L’enfant doit pouvoir donner ce qu’il a à donner.
  • la liturgie comme proposition paternelle (servants d’autel…) La liturgie étant structurée, elle structure et donc sécurise l’enfant. Demander en permanence l’avis à l’enfant sur ce qu’il veut le déstabilise. La liturgie doit être réservée aux garçons car c’est un lieu d’identification. On entre dans la liturgie qui nous porte une fois comprise. Il faut entrer dans ce qui nous est proposé ! Différence avec la mentalité constructiviste où l’homme doit se construire en partant de rien… Entrer dans un chemin qui nous est proposé et l’Église nous propose ce chemin. L’Église rend présent le Père, l’Amour du père dans sa Miséricorde mais aussi dans cet appel au dépassement.
  • Intimité plus grande avec Dieu, comme père, comme celui qui m’engendre, me donne la vie, me protège.

Un chemin psychologique et humain mais aussi spirituel. Il y a toujours une manière de grandir mais c’est à nous de rentrer dans cette dimension. Il y a une profonde espérance et toujours un chemin possible malgré les blessures. Le Seigneur a pris nos souffrances pour en faire des sources de vie ; le Seigneur apparaît aux apôtres avec les blessures de sa passion. Il y a à choisir ce qui va me faire grandir, me structurer.

La question de l’homosexualité

(cf. Didier ERIBON « Sur cet instant fragile » sur la défense de l’homosexualité qui est en fait la non-acceptation d’une réalité)

Il est important de reconnaître dans l’homme et la femme une nature qu’il faut accueillir : nous n’avons pas à tout prouver. Les homosexuels veulent changer la définition pour s’y cadrer. De même, mais sur autre plan, la non-acceptation des normes liturgiques dans l’Église : je veux être « autonome » c’est-à-dire « être à moi-même ma propre norme ». Cette conception risque de se retourner sur l’homme car pour mener une vie commune il est nécessaire d’instituer des normes communes sinon cela conduit à une démolition présentée pourtant comme un progrès.
C’est en réalité un problème philosophique sur une vision de l’homme qui renonce à ce qui est donné par notre nature humaine pour ne prendre que ce qui est construit.

Il y a une nature humaine et Jésus Christ a pris cette nature humaine

Cet état d’esprit est la porte ouverte aux arbitraires : la norme personnelle s’impose aux autres et l’homosexualité qui revendique le droit à la différence est en fait un refus de la différence que constitue la différence des sexes. C’est le relief d’une société lisse qui nie les grandes différences :

  • la différence sexuelle
  • la hiérarchie, l’autorité

Le consensus est devenu la norme en-dehors d’une objectivité. La négation de Dieu est une atteinte à la vie qui nous échappe et que l’on devrait accueillir et conduit à cette marche vers un arbitraire présenté comme expression de la liberté.


Bibliographie :

 « Debout les pères » de Philippe Oswald (Le Sarment)
 « Père manquant, fils manqué » de Guy CORNEAU (Editions de l’homme)
 « Vivre la paternité » Gilles Le Cardinal (Desclée de Brouwer)
 « On ne naît pas père on le devient », Julien Chouvet, (Editions de l’Emmanuel)