Homélie de l’Exaltation de la Sainte Croix (forme extraordinaire du rite romain)

19 septembre 2014

« C’est maintenant le jugement de ce monde, c’est maintenant que le prince de ce monde va être jeté dehors.
Et moi, quand j’aurai été élevé de la terre, j’attirerai tous les hommes à moi. »

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Texte de l’homélie :

Mes bien chers Frères,

Quarante jours après la fête de la Transfiguration où Notre Seigneur révèle Sa gloire à ses disciples, nous célébrons donc en ce jour l’exaltation de la Sainte Croix. Mystère glorieux, mystère lumineux, puisque dans les souffrances et dans la passion du Christ nous est révélé, nous est communiqué l’amour de Dieu, cet amour qui met tout en œuvre pour nous sauver, pour nous purifier, et pour nous donner sa propre vie.

Chaque fois que nous contemplons la Croix dans nos maisons, dans nos villages, sur nos églises ou à la croisée des chemins, nous faisons mémoire de l’œuvre de notre rédemption qui s’est accomplie par le moyen de cette croix bénie et glorieuse. La Croix est le signe, la preuve, le trophée de la victoire de Dieu sur le péché, le démon et la mort.
Prendre sa croix, porter la croix est le signe distinctif des chrétiens parce que la Croix représente ce que nous avons de plus précieux au monde, ce qui anticipe déjà pour nous la joie du Ciel, l’amour de Dieu qui a été répandu en nos cœurs par le Saint-Esprit.

Toute la vie sur terre du Seigneur est comme tendue vers Son heure, vers le moment où Il doit donner sa vie, livrer Son corps, verser Son sang pour notre salut et notre libération. C’est pour cette heure qu’Il est venu, Lui dont Saint Paul nous dit, dans l’épître de cette messe :

« Lui qui, étant de la condition même de Dieu, n’a pas revendiqué Son droit d’être traité à l’égal de Dieu. Il s’est dépouillé lui-même, prenant la condition d’esclave… se faisant obéissant jusqu’à la mort, et la mort de la croix. » (cf Ph 2, 2)

La liturgie de la passion nous a fait méditer tout ce que Jésus a enduré, ce qu’Il a assumé : Lui, Le Juste, Il a subi les conséquences de tous et de chacun de nos péchés. Il a payé à notre place.
La présence du mal est certes une des plus grandes énigmes que la condition humaine doit affronter. Si nous sommes très sensibles à l’injustice qui règne dans le monde et dont nous sommes parfois les victimes et souvent les complices, nous oublions de voir dans la passion de Jésus la première et la plus fondamentale des injustices, le plus grand crime de toute l’histoire de l’humanité. Ce crime, nous y participons tous.
C’est ce que saint François d’Assise enseignait à ses frères lorsqu’il leur disait :

« Et les démons, ce ne sont pas eux qui L’ont crucifié ; c’est toi qui avec eux l’as crucifié et tu Le crucifies encore, en te délectant dans les vices et les péchés. »

Cependant cette considération - si rude qu’elle soit - ne doit pas nous conduire au désespoir puisque l’amour de Jésus – dans ce même mystère de la Croix - est victorieux. Sur la Croix, au lieu de nous maudire, Il implore pour nous le pardon, Il offre à son Père Son humanité en sacrifice, Son obéissance rend à Dieu sa créature et l’amitié divine que nous avions perdue par notre désobéissance, nous la retrouvons dans l’obéissance parfaite du Fils.
Il y a exactement six ans, à Lourdes, le pape Benoit XVI nous présentait ainsi le mystère de la Croix :

« En levant les yeux vers le Crucifié, nous adorons Celui qui est venu enlever le péché du monde et nous donner la vie éternelle. Et l’Église nous invite à élever avec fierté cette Croix glorieuse pour que le monde puisse voir jusqu’où est allé l’amour du Crucifié pour les hommes, pour tous les hommes.
Elle nous invite à rendre grâce à Dieu parce que d’un arbre qui apportait la mort, a surgi à nouveau la Vie. C’est sur ce bois que Jésus nous révèle Sa souveraine majesté, nous révèle qu’Il est exalté dans la gloire…

Au milieu de nous se trouve Celui qui nous a aimés jusqu’à donner sa vie pour nous, Celui qui invite tout être humain à s’approcher de Lui avec confiance. »
(Benoit XVI, Lourdes, le 14 septembre 2008)

Vous l’aurez bien compris, chers frères, il n’y a pas de nouvelle évangélisation sans que soit proclamé, prêché, annoncé, communiqué le mystère de la Sainte Croix. C’est ce que proclame fièrement Saint Paul dans l’introït de cette messe :

« C’est dans la croix de Notre Seigneur Jésus-Christ qu’il nous faut nous glorifier. » (cf. Ga 6, 14).

C’est à cette lumière qu’il nous faut examiner toute notre vie. C’est Elle qui nous donne la force et la grâce de renoncer au mal, au péché, sous toutes ces formes. Par Elle, c’est l’amour de Dieu qui nous est communiqué au quotidien et chaque fois que nous recevons dans la foi un sacrement, c’est la Croix, source de vie, qui se plante un peu plus profondément dans notre cœur et dans notre existence.
De la croix, en effet, jaillit l’eau et le sang, l’eau du Baptême qui nous purifie et qui nous pardonne, le sang qui nous vivifie et qui nous sauve. Le Baptême et l’Eucharistie, voilà les deux sacrements qui impriment en nous la ressemblance avec Jésus Crucifié, puisque être baptisé, c’est être plongé dans la mort et dans la résurrection du Christ.

À chaque fois que nous célébrons le sacrifice eucharistique, c’est l’unique et parfait sacrifice de Jésus sur la Croix qui est rendu présent. Le Baptême et l’Eucharistie sont donc bien les deux sacrements qui impriment cette ressemblance en nous.
De même, chaque fois que nous confessons humblement nos péchés dans le sacrement de la pénitence, chaque fois que nous recevons l’absolution et que nous prendrons la ferme décision d’être plus fidèles à l’Évangile, alors c’est le mystère même de la Croix qui réalise en nous son œuvre de fécondité et de renouveau.

En ce jour de fête patronale pour la paroisse de la Croix glorieuse, prenons la bonne résolution d’accueillir vraiment dans nos vies le mystère de la passion et de la mort du Seigneur. Nous goûterons ainsi la joie de la Résurrection. Nous aurons aussi la force de lutter contre ce qui est extérieur à ce mystère de mort et de résurrection, mystère qui doit envahir toute notre existence de baptisés.

Mettons-nous pour cela à l’école du successeur de Saint Pierre. Le pape François ne cesse de nous exhorter à renoncer à la mondanité, à la superficialité, au souci exclusif du bien-être et du qu’en dira-t-on. Cette maladie paralyse et stérilise l’œuvre de la nouvelle évangélisation et elle atteint d’une manière particulièrement funeste les ministres sacrés et les religieux, ceux-là même qui devraient être aux avant-postes de l’œuvre d’évangélisation de l’Église.
Mais cette « mondanisation » menace aussi l’ensemble du peuple chrétien : la vanité, la lâcheté, la recherche de la sécurité matérielle et des richesses font de nous, non des disciples du Christ, mais des mondains qui, au lieu de se glorifier exclusivement dans la Croix du Seigneur, recherchent plutôt l’approbation des hommes et les applaudissements de la foule.
En réduisant ainsi à néant la Croix du Christ, nous nous comportons en ennemis de Dieu. Nous rendons inutile tout ce que le Christ a fait et souffert pour nous. Il faut donc nous réveiller, nous convertir et nous mettre vraiment à l’école de la Croix de Jésus puisque, par Elle, la lumière nous est donnée.
Devenons ce que nous sommes, des enfants de lumière, et beaucoup trouveront dans notre parole et dans notre exemple le signe et la preuve que Dieu les aime du plus grand amour.

Demain, nous célébrerons Notre-Dame des sept douleurs. La compassion de la Très Sainte Vierge Marie nous aide à entrer plus profondément dans le mystère de la Croix. Avec toute l’Église, disons Lui comme ses enfants bien-aimés :

« Ô Mère, fontaine d’amour, faites-moi sentir la violence de votre douleur, afin que je pleure avec vous…
Faites que je porte la mort du Christ, faites que je partage Sa passion, que je garde le souvenir de Ses plaies. »
(Séquence du Stabat Mater).

Ainsi soit-il !


Références des lectures du jour :

  • Lettre de saint Paul Apôtre aux Philippiens 2,5-11.
  • Évangile de Jésus Christ selon saint Jean 12,31-36 :

En ce temps-là, Jésus dit à la foule des Juifs :
« C’est maintenant le jugement de ce monde, c’est maintenant que le prince de ce monde va être jeté dehors.
Et moi, quand j’aurai été élevé de la terre, j’attirerai tous les hommes à moi. »
Ce qu’il disait, c’était pour marquer de quelle mort il devait mourir.

La foule lui répondit :
— « Nous avons appris par la Loi que le Christ demeure éternellement : comment donc dites-vous : il faut que le Fils de l’homme soit élevé ? Qui est le Fils de l’homme ? »
Jésus leur dit :
— « La lumière n’est plus que pour un temps au milieu de vous. Marchez, pendant que vous avez la lumière, de peur que les ténèbres ne vous surprennent : celui qui marche dans les ténèbres ne sait où il va.
Pendant que vous avez la lumière, croyez en la lumière, afin que vous soyez des enfants de lumière. »

Jésus dit ces choses, puis s’en allant, il se déroba à leurs yeux.